Dr Abu Abed Moughaisib – Référent médical MSF à Gaza

Le 27 décembre 2008, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" était lancée sur la bande de Gaza. Huit mois après, quelles conséquences pour la population civile? Rencontrés en juillet dernier, patients et personnels MSF - expatriés et palestiniens - témoignent.

Le 27 décembre 2008, l'opération militaire israélienne "Plomb durci" était lancée sur la bande de Gaza. Huit mois après, quelles conséquences pour la population civile? Rencontrés en juillet dernier, patients et personnels MSF - expatriés et palestiniens - témoignent.

« Quand la guerre s'est déclenchée, le coordinateur de projet m'a immédiatement téléphoné pour que nous nous rendions dans les hôpitaux. Nous sommes passés à la pharmacie MSF chercher de quoi composer des kits d'urgence : pansements, de quoi soigner les brûlures, médicaments...

Nous avons établi et maintenu un contact, toutes les heures, avec certains hôpitaux et effectué des donations en fonction des besoins. Les ambulances venaient chercher le matériel, même sous les bombardements. Nous, nous ne pouvions nous rendre que sur l'hôpital Shifa, proche du bureau.

Les blessés y affluaient, il y avait beaucoup de morts, les morgues étaient pleines, les cadavres étaient déposés dans d'autres salles. Il y avait 35 patients pour les 20 lits de l'unité de soins intensifs.

Les urgences étaient elles aussi débordées, les blessés y étaient stabilisés avant de partir en chirurgie. Dans les blocs il y avait jusqu'à trois opérations menées en même temps. Dans l'urgence, beaucoup d'amputations ont été effectuées, 35 rien que le premier jour de la guerre. Le personnel manquait, ceux qui avaient pu rejoindre l'hôpital faisaient de leur mieux, ils étaient épuisés.

Adapter les programmes réguliers à l'urgence

Très vite, nous avons donc décidé d'ouvrir la clinique de soins post-opératoires de Gaza, avec le personnel MSF vivant à proximité, pour pouvoir prendre en charge les soins des patients trop rapidement déchargés des hôpitaux. Nos autres structures, celle de soins post-opératoires de Khan Younis et notre clinique pédiatrique de Beit Lahia, n'ont pas pu être ouvertes du fait de la situation sécuritaire.

 

Lorsque l'incursion terrestre a commencé, nous nous sommes rendus dans les écoles de l'UNRWA, pour évaluer les besoins des déplacés. Parmi eux, il y avait des médecins, nous les avons équipés en matériel et en médicaments afin qu'ils assurent eux-mêmes les soins dans ces centres d'accueils bondés. Il n'y avait pas assez de latrines et de sérieux problèmes d'hygiène se posaient. Nous avons distribué de l'eau potable. Les gens étaient paniqués, déprimés... Les enfants attendaient le cessez-le-feu pour aller aux toilettes tellement ils avaient peur.

Pallier les manques médicaux

MSF doit continuer à faire ce qu'elle a toujours fait : pallier les manques médicaux. Les activités de soins post-opératoires vont aller en déclinant. Mais il émergera d'autres besoins, notamment en santé mentale. Les conséquences psychologiques de la guerre sont en effet très importantes. Avant janvier, MSF était la seule ONG a proposer des soins de santé mentale aux victimes de violence. Depuis, il y a eu un afflux d'acteurs spécialisés sur Gaza, mais la plupart n'ont pas la même approche thérapeutique que nous et il est très difficile de coordonner, au mieux, le travail de tout le monde.

Des centaines de gens ont été amputés, ici et dans d'autres pays, pendant et après la guerre suite à des complications... Mais il serait difficile pour MSF de s'impliquer dans la fabrication de prothèses. Il faudrait une structure, des ressources humaines et du matériel spécialisés. Nos 60 patients amputés sont sur la liste d'attente de la seule association locale en charge de cette problématique.

Pour moi, rien n'a changé à Gaza. C'est toujours aussi difficile. Il nous faudra des années pour nous en remettre. Ici, tout le monde a perdu quelqu'un pendant cette guerre. »


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