Covid-19 : vacciner dans le nord-ouest de la Syrie entre guerre, déplacement et désinformation

Vue d'une membre des équipes MSF dans un des nombreux camps de personnes déplacées du nord-ouest de la Syrie. 2022.
Vue d'une membre des équipes MSF dans l'un des nombreux camps de personnes déplacées du nord-ouest de la Syrie. 2022.  

Alors que le premier cas de covid-19 en Syrie a été déclaré en juillet 2020, 2 500 personnes sont décédées dans le pays après avoir contracté ce virus. MSF met en œuvre une campagne de vaccination en déployant 10 équipes fixes et mobiles, en priorité dans les camps de déplacés. Elles doivent cependant faire face aux réticences de la population, préoccupée par la guerre et sensible aux rumeurs qui circulent sur le vaccin.

Lorsque les équipes de MSF ont demandé aux personnes déplacées vivant dans les camps syriens quelles étaient leurs principales préoccupations, le covid-19 n'a pas été mentionné une seule fois.

« Les gens craignent la faim, de nouveaux déplacements ou la mort à cause des bombardements et des explosions, explique un responsable d'un camp de déplacés à Idlib. Beaucoup ne croient pas que le covid-19 pourrait être plus dangereux que les risques auxquels ils sont confrontés au quotidien et ils ne sont donc pas intéressés par le vaccin. »

Certaines personnes ont également peur des risques liés aux vaccins contre la covid-19, les considérant comme une menace supplémentaire. Des rumeurs sur les vaccins ont largement circulé sur les réseaux sociaux et au sein de la communauté, suscitant des craintes et des hésitations croissantes.

« Lorsque le nombre de cas a commencé à augmenter dans le nord de la Syrie, j'ai essayé de persuader mon mari de se faire vacciner, mais il avait peur », raconte Em Mahmoud, une syrienne d'Idlib. Malheureusement, quelques mois plus tard, le mari d'Em Mahmoud, qui souffrait de diabète, a contracté le coronavirus, ce qui lui a coûté la vie. « J'ai passé 13 jours avec lui dans l'unité de soins intensifs. Chaque jour, j'ai vu des familles souffrir car elles perdaient des êtres chers, c'est là que j'ai décidé de me faire vacciner, poursuit Em Mahmoud. J'ai été vaccinée par une équipe mobile de MSF, car je ne voulais pas que ma famille souffre de la même manière que moi. J'ai convaincu tout le monde autour de moi de se faire vacciner aussi, car cela sauve des vies. »

Dans le nord-ouest de la Syrie, des centaines de personnes refusent encore de se faire vacciner : à ce jour, seuls 13,4 % de la population totale éligible (âgée de plus de 18 ans) le sont entièrement. Un chiffre qui s’explique par diverses raisons, parmi lesquelles la priorité accordée par la population concernée à d'autres risques potentiellement mortels et le manque d'information ou la désinformation sur les vaccins. La population a également été découragée dans ses recherches de soins par l'indisponibilité et l'accès réduit aux services médicaux dans cette zone du pays, ce qui a affecté la perception des habitants quant à leur qualité. Par ailleurs, promouvoir un vaccin à l'âge adulte n'est pas une chose courante : de manière générale, ce sont plutôt les enfants qui sont concernés, ce qui a pu également amener les populations à s'interroger sur le vaccin.

Une équipe mobile MSF visitant un camp dans le nord-ouest de la Syrie pour sensibiliser la population aux vaccins contre le covid-19.
 © MSF
Une équipe mobile MSF visitant un camp dans le nord-ouest de la Syrie pour sensibiliser la population aux vaccins contre le covid-19. © MSF

Dans ce contexte, les équipes de MSF ont décidé de soutenir les efforts locaux de vaccination contre le covid-19 menés par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et le Groupe Syrien d'Immunisation (SIG) dans la région.

« Notre objectif principal était d'aider à augmenter la couverture vaccinale dans le nord-ouest de la Syrie, en particulier pour les plus vulnérables. Nous avons vacciné des personnes qui avaient auparavant refusé de le faire ou qui n'avaient pas accès à un centre de vaccination », explique Jamil Mohamad*, responsable médical MSF du projet de vaccination.

MSF a déployé 10 équipes de vaccination fixes et mobiles. A ce jour, elles ont fourni près de 11 600 doses, dont 74% à des personnes déplacées vivant dans les 107 camps du gouvernorat d'Idlib. De plus, les équipes de promotion de la santé de MSF ont pu toucher plus de 41 000 personnes par le biais de séances individuelles et de séances de groupe pour sensibiliser le public au covid-19. Au cours de ces entretiens, les rumeurs autour de la vaccination sont identifiées et démystifiées, ces dernières étant principalement à propos des effets secondaires, de la mortalité et de la stérilité prétendument causées par le vaccin. 

Les travailleurs de la santé faisaient partie des principales cibles de cette campagne, y compris le personnel de MSF. « Les gens font confiance aux médecins et aux infirmières, et nous tenions donc à les encourager à se faire vacciner en premier. Dans l'un de nos établissements, 100 % de notre personnel a été entièrement vacciné », explique Mohamad.

Les gestionnaires de camps et dirigeants communautaires ont également été sensibilisés. Ils peuvent en effet montrer l'exemple et aider à changer l'attitude de la communauté vis-à-vis des vaccins.

« La pandémie de covid-19 n'est pas encore terminée. Même si les chiffres diminuent, la vaccination reste un élément essentiel dans la lutte contre la pandémie, déclare Mohamad. En Syrie, le système de santé a été dévasté par plus d'une décennie de conflit et ne peut pas faire face à une autre vague grave. »

* Le nom a été modifié

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