Côte d'Ivoire – Toujours la peur malgré un retour au calme

Duekoué. Consultations au dispensaire MSF à la Mission catholique où se trouvent quelque 15 000 personnes déplacées
Duekoué. Consultations au dispensaire MSF à la Mission catholique où se trouvent quelque 15 000 personnes déplacées © Chris de Bode / Panos Pictures

Dans les zones frontalières, les déplacés ont besoin d'une meilleure prise en charge. En Côte d'Ivoire et de l'autre côté de la frontière avec le Liberia, les Ivoiriens qui avaient fui les zones de conflit ont peur que n'éclatent de nouvelles violences. Leurs conditions de vie sont très difficiles et ils ne disposent pas d'un accès approprié à une aide vitale.

Dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, l'instabilité persiste après le conflit post-électoral qui a secoué le pays pendant plusieurs mois et attise les tensions intracommunautaires et les conflits fonciers. Plusieurs semaines après le début d'un retour au calme, de nombreux villages sont toujours déserts, leurs habitants se terrent en brousse, vivent dans des camps de déplacés ou ont fui au Liberia. Toutefois, bien souvent, la réponse humanitaire ne satisfait pas les besoins des plus vulnérables se trouvant le long des zones frontalières de Côte d'Ivoire et du Liberia.  

« Beaucoup de déplacés sont des victimes de violences ou ont vu d'autres personnes assassinées, brûlées ou tuées sous leurs yeux, explique Xavier Simon, chef de mission MSF en Côte d'Ivoire. Certains nous disent qu'ils connaissent leurs agresseurs et ont peur qu'ils soient toujours près de leur village. Les gens nous disent qu'ils n'arrivent plus à manger ni à dormir correctement. Ils se plaignent d'avoir des angoisses et des palpitations. Terrifiés par le risque de nouvelles violences ou de représailles, beaucoup ont choisi de vivre cachés ou de fuir le pays. D'autres n'ont tout simplement plus d'endroit où aller car leur maison a été brûlée et leurs récoltes saccagées. »

Dans l'ouest de la Côte d'Ivoire, la plupart des centres de santé ne fonctionnent toujours pas. Bien que  présentes sur le terrain, la plupart des organisations humanitaires continuent de limiter leurs interventions aux plus grandes villes ou aux camps de personnes déplacées. Dès lors, les personnes cachées en brousse près de la frontière, notamment entre Bloléquin et Toulepleu, ne disposent pas d'un accès approprié à une aide pourtant vitale - nourriture, abris, soins de santé.

Pour atteindre ces populations déplacées, MSF envoie chaque semaine des équipes mobiles sur 25 sites, dans l'ouest et le sud-ouest de la Côte d'Ivoire. Par ailleurs, les équipes vont sur vingt autres sites dans les comtés frontaliers au Liberia. En mai, les équipes MSF ont donné 5 000 consultations médicales dans la région frontalière de l'ouest du pays et un patient sur cinq se terrait toujours en brousse. Maintenant les équipes vont sur un nombre croissant de sites aux alentours de Toulepleu et au sud de Bloléquin, toujours dans le but d'accroître l'accès aux soins de santé. Toutefois, seules les personnes qui ne se cachent pas au plus profond de la brousse auront la possibilité de se faire examiner.  

De l'autre côté de la frontière, plus de 100 000 Ivoiriens se sont réfugiés au Liberia et chaque semaine, des petits groupes de personnes franchissent la frontière et les rejoignent. Les équipes MSF continuent de soigner les nouveaux arrivants qui sont en très mauvaise santé après avoir passé plusieurs semaines dans la brousse ivoirienne.

La grande majorité des réfugiés sont dispersés dans des villages libériens proches de la frontière - région en proie à une insécurité alimentaire chronique. Toutefois, de récentes visites effectuées par MSF dans plusieurs villages du comté de Nimba - en dehors des sites officiels de réinstallation - révèlent que de nombreux réfugiés, mais aussi les populations locales, n'ont toujours pas reçu de nourriture, d'ustensile de cuisine ou d'abri. Les fortes pluies, le mauvais état des routes et les nombreux ponts détruits sont autant d'obstacles à l'acheminement d'une aide appropriée pour ces populations très dispersées.

« Les habitants qui ont fui les violences n'ont tout simplement aucun choix et c'est inacceptable, remarque Xavier Simon. Alors que la période de soudure approche, les réfugiés au Liberia risquent de ne recevoir aucune aide vitale, sauf s'ils décident de rejoindre les sites officiels. En Côte d'Ivoire, les habitants qui sont terrorisés et se cachent en brousse n'ont souvent d'autre choix - cruel - que d'aller dans des villages où ils ne se sentent pas en sécurité pour trouver de la nourriture ou des médicaments. Il est essentiel que l'aide d'urgence se rapproche des gens qui ont choisi de rechercher la sécurité. »

Avec le début de la saison des pluies, les cas de paludisme se multiplient tant en Côte d'Ivoire qu'au Liberia. Et les déplacements favorisent les complications. Dans les régions frontalières des deux pays, plus d'un tiers des patients souffrent de paludisme, y compris de paludisme sévère et d'anémie. Dans le comté de Nimba, un réfugié sur dix consulte pour des douleurs généralisées, une indication de leurs très difficiles conditions de vie et des conséquences physiques du traumatisme psychologique.

Ailleurs en Côte d'Ivoire, MSF continue d'apporter une aide médicale d'urgence à Abidjan, la capitale économique. Les équipes de MSF viennent en aide à un grand nombre de personnes dont l'état nécessite des soins obstétricaux, médicaux ou chirurgicaux, ainsi que des consultations de médecine générale. Depuis le début de ses opérations d'urgence en Côte d'Ivoire, MSF a soigné plus de 95 000 personnes à l'intérieur du pays et 27 000 réfugiés ivoiriens au Liberia.

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