Tribune des Dr Jean-Hervé Bradol et Francis Varaine : «En finir avec les décès dus aux tuberculoses résistantes!»

À l'occasion de la 43e Conférence mondiale de l'Union contre les maladies respiratoires, deux Médecins Sans Frontières - les Drs Jean-Hervé Bradol et Francis Varaine - plaident pour prioriser le soin des malades tuberculeux résistants à l'aide de nouvelles armes.

Plus de 140 ans après la découverte du bacille, l'endémie tuberculeuse n'a toujours pas sérieusement décliné : 1,5 million de décès et 10 millions de malades par an ! L'espoir de vaincre la maladie grâce aux outils médicaux disponibles (vaccin, diagnostic et médicaments) a été déçu. Le vaccin, mis au point dans les années 1920, n'a pas permis d'interrompre la transmission interhumaine. Le test diagnostique courant est si peu sensible que moins de la moitié des cas de tuberculose active peut être confirmée. Si l'usage accru de lapolyantibiothérapie et l'adoption de la stratégie DOTS (Traitement sous observation directe) ont permis des avancées décisives, la multiplication de foyers de tuberculose multirésistante montre aujourd'hui les limites de cette stratégie.
 

Toutefois, les obstacles à la reconnaissance de la gravité de la situation sont multiples. L'Organisation mondiale de la santé ou le  partenariat Halte à la tuberculose l'ont longtemps minorée, pour ne pas décourager les bailleurs de fonds. Ceux-ci préfèrent financer une action conduisant à la disparition d'une maladie plutôt que le traitement des malades, perçu comme un puits sans fond. De leur côté, les pays les plus affectés rechignent à voir accoler leur nom à celui d'une maladie considérée comme un stigmate de la pauvreté.
 

Deux nouvelles armes.
 

L'arrivée de deux nouvelles armes médicales : le nouveau test diagnostique Xpert/MTB/RIF, un progrès réel mais limité, et deux nouvelles molécules - les premières depuis soixante ans, en phase finale de développement par les laboratoires Tibotec et Otsuka - suscitent l'espoir d'améliorer la situation à court terme. Elles laissent entrevoir la possibilité de raccourcir le traitement mais aussi de guérir les formes résistantes, en les intégrant à de nouvelles combinaisons thérapeutiques.
 

En dépit des incertitudes inhérentes à toute innovation, il est urgent d'agir en faveur des patients aujourd'hui dans la situation la plus critique. Les malades atteints par des formes de tuberculose résistantes doivent subir un traitement de deux ans, d'une lourde toxicité, mal toléré, très coûteux et qui échoue une fois sur deux. Ces patients, un demi-million de nouveaux cas estimés chaque année, devraient pouvoir bénéficier au plus tôt de nouvelles combinaisons thérapeutiques. Mais si le progrès scientifique ouvre une perspective nouvelle, il invite également à la vigilance. D'autres expériences, notamment celles de la lutte contre le paludisme et le sida, ont montré qu'en l'absence d'une mobilisation sociale et politique, il est rare qu'une nouvelle génération de traitements puisse être rapidement accessible à ceux qui en ont un besoin immédiat pour survivre. Au début des années 2000, les difficultés d'approvisionnement (prix élevés et qualité incertaine), les blocages administratifs lors des importations et la lenteur des autorités sanitaires pour adopter de nouvelles recommandations thérapeutiques ont été le lot quotidien des équipes soignantes décidées à innover.
 

Si la recherche progresse au rythme actuel, il faudra plus de dix ans pour que la découverte de nouvelles molécules aboutisse à des combinaisons thérapeutiques réellement innovantes. Or, ces nouveaux traitements représentent souvent le dernier recours des médecins en charge des patients tuberculeux multi résistants.
 

Dr Jean-Hervé Bradol, membre de Centre de Réflexion sur l'Action et les Savoirs Humanitaires (Crash) et Dr Francis Varaine, responsable de la tuberculose à Médecins Sans Frontières.

La tribune est disponible sur le site du Quotidien du Médecin (édition abonnés)

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