Problèmes d'accès aux soins à Mayotte : l'exemple de plusieurs patients MSF

Consultations à Kaweni
Consultations à Kaweni © Isa Ferry / MSF

Le 18 mai 2009, MSF a ouvert un Centre de santé de soins primaires dans le bidonville de Kaweni à Mamoudzou, Mayotte. Après plus de six mois d'activité, MSF dresse un premier bilan sur ses activités dans le centre et sur les obstacles d'accès aux soins rencontrés par ses patients. Plusieurs exemples d'obstacles d'accès aux soins et de malades interpellés par la police.


C., 14 ans - Rupture de soins pour son épilepsie

C., né en 1995 à la maternité de Mamoudzou est le deuxième d'une fratrie de 4 enfants. Il souffre d'épilepsie depuis le jour de sa naissance. Son père, né en 1964 à Anjouan, est arrivé en 1977 à Mayotte. Sa mère est décédée alors que le dernier enfant, né en 2000, n'avait que 3 ans.
Le Service de Pédiatrie et de Néonatologie du Centre Hospitalier de Mayotte (CHM) a effectué une demande de titre de séjour pour soin en 2002 pour une épilepsie rebelle. Cette pathologie nécessite une prise en charge spécialisée non disponible dans le pays d'origine. Le défaut de soins est dans ce cas susceptible de nuire profondément à la santé de l'enfant.
Le père a obtenu un titre de séjour, de 2002 à 2003, mais ce titre n'a ensuite plus été renouvelé.
C. a été pris en charge régulièrement par le CHM jusqu'en 2006, son dernier rendez-vous datant d'avril 2006. Arrêté pendant le mois du ramadan, le père ne l'a pas emmené au rendez vous suivant en août 2006 car il avait trop peur de se faire attraper et renvoyer. Ayant d'autres enfants à charge, il a préféré la sécurité, plutôt que de prendre le risque de se faire expulser pour la santé de son fils.
L'adolescent est en rupture de soins jusqu'en août 2009, date à laquelle il consulte l'équipe médicale de MSF pour la première fois, alors que le père décrit plusieurs crises d'épilepsie par semaine ainsi que des chutes, des blessures et des convulsions. MSF l'a référé aux urgences du CHM et à l'assistante sociale de l'hôpital.

 

Mme A., 28 ans - Difficultés d'accès aux soins et interpellation d'une femme en attente d'un titre de séjour pour soins, avec une grossesse à risque
Mme A. est une patiente de 28 ans d'origine anjouanaise, arrivée clandestinement à Mayotte en 2002 pour soins. Elle présente en effet depuis l'âge de 9 ans une dyspnée d'effort pour laquelle aucun diagnostic n'a pu être porté à sa connaissance dans son pays d'origine. Elle souffre d'une insuffisance cardiaque sévère consécutive à une valvulopathie mitrale. Elle essaie d'obtenir un titre de séjour pour soins depuis 2007.
MSF l'aide au début du mois de décembre à constituer un nouveau dossier de demande de régularisation pour étranger malade. L'équipe l'aide à collecter les documents nécessaires et accompagne son dossier d'une lettre de recommandation estampillé MSF, en espérant que cette initiative donne un peu plus de poids à son dossier, déjà complet. Le dossier est donc envoyé à la préfecture le 14 décembre. Accusé de réception reçu le 17 décembre.
Lors de sa dernière visite au centre, le 31 décembre 2009, l'équipe apprend qu'elle est enceinte et la réfère à la Protection Materno-Infantile (PMI) pour suivre sa grossesse à risque, aux vues de sa pathologie. Cependant, le lundi 4 janvier 2010, en se rendant à son rendez-vous, elle est interpellée à quelques mètres de chez elle par la police nationale. Son mari prévient rapidement l'équipe médicale MSF qui intervient sur le champ et contacte la Préfecture. Alors que Mme A. est au commissariat, la préfecture déclare que seule une décision médicale peut modifier l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. La patiente est retenue au poste de police jusqu'au soir, la médecin du Centre de Rétention Administrative (CRA) ne pouvant la voir que le lendemain. Le soir même, elle est transférée du poste de police vers le CRA. Elle est reçue en consultation par la médecin du CRA le lendemain après-midi. Cette dernière s'oppose à l'expulsion, mais seul le Médecin Inspecteur de Santé Publique (MISP) prend la décision finale. Il ne verra le dossier de Mme A. que le mercredi, soit deux jours après son arrestation. La patiente sortira finalement le jeudi après quatre jours de détention, alors que tous les acteurs du dossier joints dès le premier jour (la préfecture, la médecin du CRA, le MISP) s'accordaient à dire qu'au vu des éléments du dossier elle ne devrait pas être reconduite.


Mme S. - Interpellation d'une femme en attente de chirurgie
Mercredi 23 septembre, Madame S. est interpellée alors qu'elle souffre d'une affection chirurgicale abdominale grave avec séquelles infectieuses postopératoires, qu'elle est suivie au Centre de soin MSF et qu'elle est en possession d'un certificat médical.
Cette femme est par ailleurs mère d'un enfant français.
Elle a été libérée le jour-même, après plusieurs envois de fax et appels téléphoniques.

 

Expulsion d'une famille en grande précarité et difficultés d'accès aux soins
Le mardi 22 septembre, M., père d'une famille de 5 enfants suivis régulièrement au centre de MSF, est arrêté alors qu'il se rend à une consultation avec son fils de 8 ans qui consulte pour un impétigo très important. La mère présente des troubles psychologiques depuis la naissance du dernier enfant. La famille a été référée à l'unité d'action sociale du Conseil Général.
Suite à l'arrestation du père, MSF établit un certificat stipulant la nécessité de consultation médicale pour les enfants et précisant que M. est le seul à s'occuper de ses enfants et de sa femme. Par conséquent, une expulsion du père aurait de graves conséquences sur la santé de la famille. Ce certificat lui a été remis en mains propres au commissariat de Police de Mamoudzou, et faxé à la Préfecture.
Le mercredi 23 septembre, la police est allée chercher la mère et les 5 enfants à leur domicile et les a tous reconduits à Anjouan.


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