Ouganda - Des centaines de réfugiés sud-soudanais continuent d’arriver chaque jour dans le nord du pays

Camp de réfugiés d'Ocea (district de Koboko)
Camp de réfugiés d'Ocea (district de Koboko) © MSF/Ruben Pottier

Ils sont environ 700, femmes et enfants pour la plupart, à traverser quotidiennement la frontière entre le Soudan du Sud et l’Ouganda pour échapper à la violence et à l’insécurité. Depuis que le conflit a éclaté à la mi-décembre, plus de 45 000 Sud-Soudanais ont déjà fait ce pénible voyage. Beaucoup sont originaires de Bor, ville de l’Etat de Jonglei qui a été le théâtre de combats intenses ces dernières semaines. Ici, dans le nord de l’Ouganda, les nouveaux arrivés s’installent dans les camps surpeuplés près de la frontière.

Chaleur et poussière. Bienvenue à Dzaipi, dans le nord de l’Ouganda, à sept kilomètres de la frontière sud-soudanaise.  Les centaines de personnes qui arrivent chaque jour ont fait un long voyage pour arriver jusqu’ici. La plupart ont marché pendant quatre ou cinq jours depuis la ville sud-soudanaise de Bor jusqu’à Djouba la capitale, pour ensuite faire plusieurs heures de route en camion jusqu’au point de passage d’Elegu où ils sont enregistrés comme réfugiés et transportés à Dzaipi, un petit camp de transit mis en place dans le district d’Adjumani pour héberger temporairement les réfugiés. Mais déjà, le camp déborde.

« Le camp de transit de Dzaipi a été conçu pour accueillir 3 000 personnes, pas 30 000, explique Ruben Pottier, le chef de mission de MSF en Ouganda. Les troispremières semaines, 2 500 personnes arrivaient chaque jour, il a été immédiatement surchargé. Les gens s’installaient sous les arbres, ou au mieux à l’intérieur de l’école locale, sans avoir accès à  l’essentiel : un  abri, de l’eau potable, de la nourriture, des latrines ou des soins de santé. »

La plupart de ceux qui traversent la frontière à Elegu sont Dinka, l’une des principales ethnies au Soudan du Sud. Les réfugiés appartenant à l’ethnie Nuer passent plutôt par le poste frontière de Kaya, dans le district voisin d’Arua, et sont installés dans le camp de transit d’Ocea où 10 000 réfugiés ont déjà été enregistrés.

La plupart des réfugiés sont des femmes et des enfants. « C’est frappant quand on circule dans le camp de voir à quel point les hommes sont peu nombreux », constate Ruben Pottier. Alors que certaines familles ont réussi à emporter quelques affaires et un peu d’argent, d’autres sont complètement démunies.

« Les gens apportent  avec eux  leurs divisions ethniques, note Ruben Pottier. Au début, nous été témoins de tensions entre les deux communautés, en particulier autour des points d’eau. Dans le camp de  Dzaipi, la majorité des réfugiés sont Dinka et ils empêchaient les Nuer de prendre de l’eau au réservoir. Il a donc fallu qu’on en installe un autre dans la partie Nuer du camp. »

Pour décongestionner le camp de Dzaipi et libérer l’école avant la reprise des cours prévue pour la fin janvier, les nouveaux arrivants sont amenés dans le camp de Numanzi, l’un des sites identifiés pour accueillir les réfugiés.

« Depuis l’ouverture du camp de Numanzi, les nouveaux arrivants passés par Elegu y sont amenés directement en camion. Ils passent deux ou trois jours dans des abris collectifs avant qu’une parcelle de terrain leur soit allouée pour installer leur tente » explique Ruben Pottier.

Le camp de Numanzi pourra recevoir 20 000 personnes, mais avec une moyenne de 700 nouveaux réfugiés par jour, il sera certainement plein d’ici la fin de la semaine prochaine. La question est de savoir combien de réfugiés supplémentaires la région sera en mesure d’accueillir, en particulier compte tenu des tensions entre les différentes ethnies.

« Avec l’afflux continu de réfugiés, quand un camp est rempli, un autre est ouvert, dit Ruben Pottier. Mais la capacité locale à absorber un nombre aussi important de réfugiés est une vraie question, d’autant qu’il y a  des tensions interethniques ».

La réponse humanitaire à cet afflux de réfugiés dans le nord de l’Ouganda a été lente à se mettre en place et peu d’organisations humanitaires se sont mobilisées jusqu’ici. MSF vient en aide aux réfugiés en leur fournissant eau potable et soins médicaux.

« MSF couvre près de 90% de l’approvisionnement en eau potable dans les camps de Dzaipi, Numanzi et Ocea », estime Ruben Pottier. Dans les camps de Numanzi et Ocea, MSF a un centre de santé installé sous des tentes. En plus des consultations médicales qu’elles y donnent, les équipes MSF dépistent la malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans et vaccinent tous les nouveaux arrivés contre la polio et la rougeole.

« Pour l’instant, le taux de malnutrition global est inférieur à 5%, ce qui  signifie que les réfugiés arrivent dans un état nutritionnel correct, » indique Ruben Pottier. « Mais nous devons rester très vigilants. Les épidémies de choléra et de méningite sont fréquentes dans cette région, et deux cas suspects de rougeole ont déjà été détectés à Dzaipi ».

Les cas médicaux graves reçus à Ocea ou Numanzi sont transférés à Dzaipi où MSF a installé une petite unité d’hospitalisation ainsi qu’une maternité.  

« La plupart des familles ont encore de la famille au Soudan du Sud, dit Ruben Pottier. Et on perçoit nettement un sentiment d’anxiété parmi les réfugiés. Mais les Sud-Soudanais ont grandi avec la guerre, leur vie ne s’arrête pas là. Dans les camps, on peut voir des petits commerces qui démarrent, il y a des fruits et des légumes sur les étals. Petit à petit, les gens vont de l’avant. La vie doit continuer. »

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