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Nigéria - Mener des recherches en respectant les règles éthiques, sur des pathologies affectant les pays pauvres

Alors que le gouvernement nigérian porte plainte contre le groupe pharmaceutique américain Pfizer pour des essais menés par Pfizer lors de l'épidémie de méningite au Nigeria en 1996, le Docteur Jean-Hervé Bradol, président de la section française de MSF, revient sur l'intervention de MSF au Nigeria en 1996. Il souligne l'importance de la recherche de traitements adaptés aux situations particulières des patients africains.

Quelle a été la réponse de MSF aux épidémies de méningite, rougeole et cholera au Nigeria en 1996 ?

Début 1996, une épidémie de méningite s'est déclarée dans les Etats du Nord du Nigéria. C'est une épidémie d'une très grande ampleur qui touche des régions de forte densité de population. Dès la mi-février, nos équipes se mobilisent pour y répondre, en développant une action préventive (vaccination) et curative (prise en charge des cas dans des structures hospitalières) sur trois Etats parmi les sept les plus touchés : Kano, Bauchi et Katsina. Cela va donner lieu à une intervention majeure pour MSF avec près de 3 millions de personnes vaccinées. 

A la même époque, des cas de rougeole ont été identifiés dans les Etats de Kano et de Katsina et une épidémie de choléra est survenue dans la ville de Kano, avec en moyenne 90 admissions par jour en mars 96. Nos équipes ont également mis en place un camp choléra dans l'hôpital de Kano, qui dispose d'une capacité totale de 300 lits. Notre intervention sur ces épidémies pour prendre en charge des milliers de cas a mobilisé 63 volontaires expatriés, dont 42 à Kano.
 

Comment les équipes de MSF ont-elles pris connaissance de la présence de Pfizer à Kano ?

C'est au moment où MSF menait ses interventions pour vacciner et traiter les patients touchés par ces épidémies qu'une équipe de Pfizer est venu mener un essai clinique sur un antibiotique, le Trovan ®, dans une salle de l'hôpital de Kano. Les équipes MSF et les équipes de Pfizer ne travaillaient pas dans les mêmes salles de l'hôpital.

En revanche, les équipes MSF, qui travaillaient dans l'urgence, et étaient confrontées à un nombre très élevé de malades, ne pouvaient travailler dans de bonnes conditions : les patients soignés par les équipes MSF étaient littéralement entassés dans les salles, les couloirs, par manque de place.
 

Que peut-on dire sur la conduite des essais par Pfizer ?

En tant qu'organisation médicale humanitaire, MSF n'est pas en position de juger les conditions administratives et éthiques de l'essai mené par Pfizer. En revanche, nos équipes présentes à Kano à l'époque avaient déploré le fait que Pfizer menait des essais cliniques alors même qu'une épidémie de méningite de grande ampleur était en cours. Le sens de la responsabilité médicale imposait une mobilisation de l'ensemble des personnels dans la même direction pour faire face à l'urgence : 2 épidémies particulièrement létales, choléra et méningite. Pour cela, il fallait utiliser les protocoles de soins connus pour leur efficacité et non pas réaliser un essai clinique avec un nouvel antibiotique, au résultat incertain. De plus cet antibiotique n'était pas destiné aux malades africains.

Les règles d'éthique sur la conduite d'essais cliniques stipulent que, dans tous les cas, un traitement administré dans le cadre d'un essai clinique doit être considéré comme inefficace s'il n'amène pas de résultats dans les 48 heures ou même si l'état du patient s'aggrave (lire l'interview de Philippe Guérin, d'Epicentre).
 

Les essais cliniques en Afrique ou dans des milieux à ressources limitées sont-ils fréquents ?

Oui. Mais dans la plupart des cas, cette recherche ne concerne pas les maladies touchant les pays pauvres. Entre 1975 et 2004, sur les 1.556 nouveaux médicaments mis sur le marché, seulement 20 concernent le traitement de maladies parasitaires ou infectieuses qui, pourtant, tuent chaque année 15 millions de personnes. A peine 10% de la recherche médicale est aujourd'hui consacrée aux affections qui représentent 90% de la morbidité mondiale, c'est-à-dire là où les besoins sont les plus criants. Il est donc indispensable que soient poursuivis des efforts de recherche en Afrique et dans les pays du Sud pour tester de nouveaux médicaments dont les malades des pays pauvres ont besoin, sur le paludisme, la maladie du sommeil ou la maladie de Chagas. 

Des initiatives ont vu le jour ces dernières années. Elles sont le fruit de partenariat entre le public et le privé, et investissent le champ de la recherche sur le sida, comme l'Initiative internationale pour un vaccin sida (IAVI), le paludisme, par le Projet de médicaments pour le paludisme (MMV) ou la tuberculose, l'Alliance globale pour le développement de médicaments contre la tuberculose (GATB). Paludisme, sida et tuberculose sont des maladies qui touchent aussi les pays riches et l'industrie pharmaceutique peut y trouver un intérêt économique. Pour le moment, seul le DNDi, Initiative pour les médicaments pour les maladies négligées, travaille sur des projets de recherche pour les maladies les plus négligées et mène des essais cliniques en Afrique. 

Le danger du procès intenté à Pfizer serait de décourager les grands laboratoires de laisser tester leurs molécules lors d'essais cliniques en Afrique. C'est pourtant une nécessité vitale pour des millions de malades.

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