Mayotte : MSF dresse un premier bilan sur les obstacles d'accès aux soins des migrants

Le 18 mai 2009, MSF a ouvert un Centre de santé de soins primaires dans le bidonville de Kaweni à Mamoudzou, Mayotte. Après plus de six mois d'activité, MSF dresse un premier bilan sur ses activités dans le centre et sur les obstacles d'accès aux soins rencontrés par ses patients.

Données médicales

Consultations

  • 9037 consultations médicales ont été effectuées en 2009 (dont 725 suivis) pour 5014 patents reçus. Kaweni a une population estimée à 10000.
  • 56% des patients vus sont des enfants (35% moins de 5 ans pour les nouveaux cas).

Pathologies soignées

Les pathologies principales sont:

  • 25% infections aigues des voies respiratoires supérieures (avec un pic en octobre d'infections aigues des voies respiratoires inférieures; en même temps qu'un afflux de syndromes grippaux - 14% des motifs de consultations)
  • 14% d'infections cutanés
  • 5% de trauma/blessures/brulures
  • 3% affections gastriques, 3% diarrhées, 3% parasitoses intestinales
  • 3% pathologies chroniques (hypertension, asthme, diabètes)
  • 1624 soins infirmiers ont été effectués en 2009 (dont 90% de pansements)

Cas de  malnutrition

  • 11% des enfants de moins de 5 ans reçus au Centre MSF souffrent de malnutrition modérée ou sévère. La cause principale est la sous-alimentation.
  • Environ 8 personnes par mois (généralement des mères seules) sont référées à l'association Solidarité Mayotte pour l'obtention de colis alimentaire. Seules les situations les plus précaires sont référées.

Transferts vers les hôpitaux

  • 440 références ont été effectuées vers le Centre Hospitalier de Mayotte, la Protection Materno Infantile (PMI) ou des spécialistes, dont 125 vers les urgences.

Problèmes d'accès aux soins

  • 95% des patients n'ont pas de couverture médicale (pour rappel, un grand nombre de ces personnes vivent à Mayotte depuis des années, mais n'arrivent pas à se faire régulariser)
  • 72% (des 3031 patients ayant répondu à la question) déclarent avoir du renoncer à des soins - 69% pour des raisons d'argent et 58% à cause de la peur de se déplacer (ils pouvaient donner plusieurs raisons)
  • 58% avait néanmoins réussi à voir un médecin depuis moins de 6 mois (ceci comprend les enfants n'ayant été que à la PMI et les adultes que aux urgences)
  • Les retards vaccinaux sont relativement rares, notamment suite à une campagne de rattrapage en 2009, néanmoins, quelques enfants de moins de 6 ans sont référés chaque mois à la PMI, et ceux âgés de plus de 6 ans sont vaccinés au Centre.

La majorité des patients référés par MSF aux structures de santé ont réussi à se faire prendre en charge (généralement avec exemption de paiement). Par contre, nombre d'entre eux avaient été refusé au bureau des entrées ou avaient eu trop peur pour se déplacer avant de venir consulter au centre MSF.

L'obstacle que nous notons le plus souvent pour l'accès aux soins est lors des consultations de suivis. Lorsqu'une personne est malade ponctuellement mais n'a pas les 10 euros, très souvent elle n'essaie même pas d'aller au dispensaire. Par contre, après avoir obtenu une exemption pour une AGD[1] lors d'une admission aux Urgences, ils n'arrivent plus à obtenir d'exemption pour le suivi des soins (que ça soit pour une pathologie chronique, ou pour un suivi postopératoire).

Patients interpellés par la Police Aux Frontières (PAF) Nous avons été prévenus de l'arrestation de 14 patients MSF pendant les 7 mois de présence à Mayotte. L'équipe est intervenue pour essayer d'éviter l'éloignement de 10 patients, dont 6 ont été libérés.


[1] Dans les établissements publics de santé les frais d'hospitalisation, de consultations et d'actes externes sont pris en charge partiellement ou en totalité par l'Etat « pour les personnes pour lesquelles le défaut de soins peut entraîner une altération grave et durable de l'état de santé et pour celles recevant des soins dans le cadre de la lutte contre des maladies transmissibles graves lorsque ces soinssont dispensés par des établissements publics de santé » (article L. 6416-5 2°-a du Code de la santé publique, annexe 1-C).

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