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Malawi : cancer du col de l'utérus, ce tueur silencieux

Palliative care
Pendant sa maladie, Elida Howa a été soutenue par son mari et ses enfants, ainsi que par ses voisins de la région de Chileka dans le district de Blantyre. Comme beaucoup de patientes atteintes d'un cancer du col de l'utérus, cependant, elle a aussi souffert de l'abandon et de la discrimination ; sa propre mère et ses sœurs se sont éloignées d'elle. « Ma mère ne buvait pas dans la même tasse. Elle avait peur de contracter mon cancer. » © Francesco Segoni/MSF

Le cancer du col de l'utérus tue plus de 2 300 femmes par an au Malawi.  Problèmes de vaccination et de dépistage, combinés à une offre de soins limitée : le taux de mortalité du cancer le plus répandu parmi la population féminine du pays atteint près de 66%. Depuis 2018, MSF intervient dans le district de Blantyre, où la maladie est particulièrement présente.

Le diagnostic d'un cancer du col de l'utérus change une vie. Pour Ennerti, cela a provoqué  divers changements qu’elle n’aurait jamais soupçonnés, au niveau de sa santé mais aussi dans son travail et sa vie de famille. « A cause de la maladie, j'ai dû arrêter de travailler. J'avais trop mal », murmure Ennerti, à peine audible au milieu du vacarme de la cour de l'hôpital central Queen Elizabeth à Blantyre, au Malawi. « Sans emploi, j'ai perdu tous mes revenus. Puis mon mari m'a quitté. Il ne voyait pas l'intérêt de rester avec quelqu'un qui allait probablement mourir bientôt. » 

Avant de tomber malade, Ennerti Williams, 51 ans, vivait à Lilongwe, la capitale de ce petit pays coincé entre de plus grands voisins d'Afrique australe. Elle joignait les deux bouts en vendant du charbon de bois et du crédit téléphonique.

En 2018, Ennerti était l'une des 3 600 femmes malawites diagnostiquées chaque année d'un cancer du col de l'utérus. Deux tiers des malades en meurent ; un lourd bilan pour une maladie qui est pourtant facilement évitable grâce à la vaccination contre le virus du papillome humain (VPH). En cause, une combinaison de facteurs : faible disponibilité du vaccin au Malawi, diagnostic tardif, accès au traitement limité et des soins de qualité trop souvent inaccessibles. La forte prévalence du VIH dans la population ne fait qu'empirer les choses : pour les femmes vivant avec le VIH, le risque de développer un cancer du col de l'utérus est six à huit fois plus élevé que pour les autres femmes.

Ennerti a d'abord essayé de trouver un traitement efficace à Lilongwe, sans succès. « Les médicaments qui m'ont été administrés ne semblaient pas fonctionner,  la douleur et les démangeaisons étaient continues », dit-elle. Elle s'est rendue dans le sud du pays après avoir entendu parler du programme gratuit de lutte contre le cancer du col de l'utérus de Médecins Sans Frontières (MSF) en collaboration avec les autorités sanitaires nationales à l'hôpital central Queen Elizabeth, à Blantyre. « Un groupe religieux m'a aidé à payer le voyage de Lilongwe à Blantyre, où j'ai logé chez des membres de ma famille, explique Ennerti. J'ai commencé des cycles de chimiothérapie et reçu des médicaments. » 

Le programme MSF contre le cancer du col de l'utérus a été initié au début de l'année 2018 avec divers services de dépistage, consultations et traitement ambulatoire pour les lésions précancéreuses et cancéreuses. Depuis lors, ses activités se sont développées pour inclure la promotion de la santé au niveau communautaire, le soutien à la vaccination contre l'infection par le VPH, la chirurgie spécialisée et les soins palliatifs pour les patientes atteintes d'un cancer à un stade avancé. 

L'accès à une intervention chirurgicale gratuite a sauvé la vie de Madalo Gwaza, 56 ans, une commerçante de Monkey Bay, un village sur le lac Malawi. « Mes symptômes ne cessaient de s'aggraver et j'ai dû arrêter de travailler », dit-elle depuis son lit d'hôpital dans le service de chirurgie supervisé par MSF ; ses mots faisant écho à ceux de nombreuses autres femmes. « On m'a diagnostiqué un cancer du col de l'utérus et j'ai dû me rendre régulièrement à Blantyre pour suivre une chimiothérapie. J'ai rapidement manqué d'argent. Mon fils aîné m'a aidé avec ses économies, mais j'ai également dû emprunter 25 000 kwacha [30 euros] à la communauté. Je ne sais toujours pas si je serai en mesure de rembourser. » 

Le coût du traitement contre le cancer du col de l'utérus est souvent prohibitif pour les femmes au Malawi, car beaucoup perdent leur source de revenus suite à l'apparition de douleurs physiques entraînant une réduction de la mobilité. 

Malita Kulawale, à quelques lits de Madalo, a été diagnostiquée d'un cancer du col de l'utérus en avril 2019. Lorsque MSF a ouvert un bloc opératoire dédié, elle a pu se faire opérer. « On m'a expliqué que ce serait une opération conséquente : une ablation complète de mon utérus, explique Malita. Mais j'ai déjà six enfants et je savais que l'opération était la solution - pas seulement pour faire disparaître la douleur mais aussi pour guérir pour de bon. J'étais vraiment contente. » Malita a hâte de retrouver ses forces et attend le jour où elle pourra cultiver son champ à nouveau avec impatience. 

Malgré toutes les difficultés rencontrées, Malita et Madalo se considèrent chanceuses de faire partie des rares femmes ayant trouvé un traitement efficace et guéri de ce cancer. Beaucoup de femmes sont dépistées et diagnostiquées trop tard, et un traitement curatif n'est plus envisageable. 

« Lorsque des patientes présentent un cancer à un stade avancé, il ne reste plus qu'à offrir des soins palliatifs pour gérer la douleur physique, les saignements et autres sécrétions, explique Jeroen Beijnsberger, responsable du programme onco-gynécologique de MSF à Blantyre. Ce n'est pas un remède, mais c'est un moyen d'offrir la meilleure qualité de vie possible jusqu'à leurs derniers jours. » 

Elida Howa, elle, sourit, assise sous un arbre à l'extérieur de sa maison à Chilekaka, une zone rurale à quelques minutes de route de Blantyre. Elle se souvient. Son histoire extraordinaire commence comme beaucoup d'autres : lorsque la douleur et les saignements la forcent à abandonner son travail dans les champs, elle consulte un médecin. « J'ai été hospitalisée dans le service d'oncologie de l'hôpital Queen Elizabeth, dit-elle. Je me sentais faible, malade ; j'ai vu des femmes mourir dans leur lit. Mon état était si critique que ma mère m'a même dit que je lui faisais perdre son temps. » 

Après un certain temps au service d'oncologie de l'hôpital Queen Elizabeth, Elida Howa a été transférée à MSF pour recevoir des soins palliatifs à domicile. Quatre mois plus tard Elida était éligible à la chirurgie curative. « J'avais peur de la chirurgie », dit-elle, « mais je savais aussi que cela pourrait me sauver. Je suis contente de l'avoir fait. » Elida est désormais guérie.
 © Francesco Segoni/MSF
Après un certain temps au service d'oncologie de l'hôpital Queen Elizabeth, Elida Howa a été transférée à MSF pour recevoir des soins palliatifs à domicile. Quatre mois plus tard Elida était éligible à la chirurgie curative. « J'avais peur de la chirurgie », dit-elle, « mais je savais aussi que cela pourrait me sauver. Je suis contente de l'avoir fait. » Elida est désormais guérie. © Francesco Segoni/MSF

L'état de santé d'Elida jugé incurable, on l'oriente vers MSF pour des soins palliatifs à domicile. « Je ne comprenais pas pourquoi on me renvoyait chez moi », dit-elle. Après quatre mois de chimiothérapie palliative, l’état d’Elida s’est amélioré au-delà de toutes attentes et, suite à une nouvelle évaluation, une chirurgie curative lui a été proposée. Aujourd'hui, elle est guérie et a hâte de retrouver son ancienne vie. 

Ennerti Williams, quant à elle, attend toujours : elle a besoin d'une radiothérapie, mais cette technique n'est pas encore disponible au Malawi. La prochaine étape du programme MSF facilitera les transferts vers les pays limitrophes tels que la Zambie, où la radiothérapie est disponible. Néanmoins l'arrivée de l'épidémie de Covid-19 au Malawi a eu un impact sur le système de santé, y compris sur les activités de MSF. Non seulement les radiothérapies transfrontalières prévues sont en attente pour des patients comme Ennerti, mais les chirurgies ont été limitées aux cas urgents uniquement et les visites à domicile pour les patients en soins palliatifs ont été suspendues. Des mesures nécessaires pour minimiser le risque de transmission du coronavirus. 

« Ils m'ont dit que je suis sur liste d'attente pour la radiothérapie et que j'irai dès que possible, explique Ennerti. J'attends et j'espère. Je suis optimiste. »

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