Malawi : 13 000 patients sous traitement

Consultation médicale au centre de santé de Namitembo  Avril 2009.
Consultation médicale au centre de santé de Namitembo - Avril 2009. © Isabelle Merny / MSF

Dans le district de Chiradzulu, au sud du pays, où près d'un habitant sur sept est infecté, MSF propose des antirétroviraux (ARV) depuis août 2001 et prend en charge les maladies opportunistes liées au virus du Sida, comme la tuberculose.


Avec environ 930 000 personnes (adultes et enfants) atteintes, le Malawi a l'un des taux de prévalence du VIH/ Sida les plus élevés du monde. 12% de la population âgée de 15 à 49 ans est touchée et 68 000 décès sont imputables au VIH chaque année.

Actuellement, plus de 13 000 patients suivis par MSF bénéficient d'un traitement ARV. Mais, si fin 2008, 221 structures nationales délivraient des ARV gratuits, 50% des malades seulement y avaient accès et 290 000 patients avaient toujours besoin d'être mis sous traitement.

« Chaque mois MSF met entre 300 et 350 nouveaux patients sous ARV. Les besoins sont énormes ! », constate Mickaël, chef de mission.



Collaborer, décentraliser, se rapprocher

Face à l'ampleur des besoins et au manque de personnel de santé, à Chiradzulu comme dans l'ensemble du pays (40% des postes de santé sont vacants et très difficiles à pourvoir), il a fallu mettre en place de nouvelles approches thérapeutiques. En collaboration avec les autorités sanitaires du district, nous avons donc simplifié les protocoles de soins et délégué la prise en charge des patients à tous les centres de santé de la zone.

« Concrètement cela veut dire qu'au quotidien, dans les centres de santé, une collaboration étroite s'effectue entre les personnels médicaux MSF et ceux du ministère de la Santé. C'est un vrai partage des tâches », décrit Mickaël.

L'objectif est de permettre à un maximum de patients VIH du district d'avoir accès aux soins et aux ARV, ainsi que de se rapprocher du domicile des malades. « Les patients n'ont plus des kilomètres à parcourir, à pied, pour atteindre l'hôpital. Ils bénéficient aussi d'un meilleur suivi médical car, en cas de complication ou s'ils ne sentent pas bien, ils peuvent plus rapidement ou plus facilement revenir au centre de santé », résume Séverine, coordinatrice du projet.

Nouma sort de la salle de consultation MSF du centre de santé de Bilal. Ce patient a intégré le programme MSF en 2008. Parce qu'il a développé une résistance aux molécules de première ligne, il bénéficie depuis peu d'un traitement de seconde ligne. « C'était compliqué de me faire suivre à l'hôpital du district. J'ai du mal à marcher et je n'ai pas de véhicule. Et puis trouver l'argent pour les transports c'est un problème parce que c'est loin. De chez moi, ça me prend 30 minutes pour venir au centre de santé ».


Hôpital de Chiradzulu

© Isabelle Merny / MSF

Responsabiliser, déléguer

Toujours dans l'idée d'alléger la charge de travail du personnel médical et parce que les avancées thérapeutiques le permettent, certains patients se voient proposer une consultation médicale semestrielle, avec un réapprovisionnement en médicaments tous les trois mois.

« Il y a plusieurs critères à ce programme spécifique » explique Isaak, superviseur du projet. « Il faut que le patient suive un traitement de première ligne. Il doit prendre ses médicaments correctement depuis plus d'un an. Ses CD4 (marqueurs de l'immuno-dépression) doivent être supérieurs à 350. Si le patient est une femme, elle ne doit pas être enceinte. »

L'idée est de mettre l'accent sur la responsabilisation et l' information thérapeutique du patient. En mai 2009, 740 patients bénéficiaient de ce suivi "allégé", tout en sachant qu'en cas de problème ou de complication ils peuvent se rendre directement au centre de santé, sans attendre le jour de leur rendez-vous.

Allouer des fonctions généralement réservées aux cadres supérieurs de la santé, à des cadres de niveaux inférieurs ou parfois même à des non-professionnels de la santé est largement répandu dans les pays en voie de développement. Cela permet de pallier le manque de ressources humaines.

Au Malawi, certaines compétences médicales ont été déléguées aux personnels infirmiers, plus nombreux. Ces derniers ont été formés à l'initiation aux ARV et au suivi des patients stables. Ils sont désormais en mesure d'assurer des soins habituellement réalisés par des médecins. Seuls les cas plus délicats ou compliqués sont référés aux "clinical officers", des agents de santé ayant suivi une formation médicale de quatre ans, mais eux-aussi en nombre insuffisant.

 

Ecouter et conseiller

Le dépistage ainsi que le soutien psychosocial et nutritionnel sont également pris en charge par du personnel non-spécialisé et spécialement formé. Un patient sous ARV doit comprendre et surtout accepter de suivre ce traitement à vie. Cela exige un accompagnement étroit et régulier. C'est pourquoi, en complément du suivi médical, MSF a mis en place une équipe de conseillers. Ces derniers sont à l'écoute des problèmes quotidiens liés au VIH et aident le patient à bien prendre ses médicaments.

 

© Isabelle Merny / MSF

© Isabelle Merny / MSF

Des approches particulières ont été mises en place pour la prise en charge des enfant (10% de nos patients). Des outils de communication spécifiquement dédiés aux 7-14 ans ont été conçus afin de leur donner des informations adaptées sur leur maladie.

« Nous savons qu'il est important d'aborder rapidement la question de leur séropositivité avec les enfants. Et ce dès 6 ans. La plupart des patients qui ont été informés de leur maladie après 14 ou 15 ans ont du mal à prendre correctement leurs médicaments. Il faut beaucoup parler aux enfants, s'impliquer davantage auprès d'eux », constate Violet, conseillère psychosociale.

 

Quelles perspectives ?

Tous ces projets d'évolution ont été menés en collaboration étroite avec le ministère de la Santé à qui MSF envisage de transférer de plus en plus d'activités. « Aujourd'hui ce processus de décentralisation, objectif affiché depuis 2005, est enfin achevé. L'accès aux soins VIH de qualité est assuré un peu partout sur le district de Chiradzulu. On est évidemment tenté de penser à plus long terme et cela concerne bien sûr une possible passation, sur plusieurs années, des activités MSF », projette Mickaël.

Or, si ces modes innovants de délégation et de prise en charge soulagent le personnel de santé et permettent d'inclure et de prendre rapidement en charge de nouveaux patients, ils ne sont pas généralisés à tout le pays et présentent encore des limites.

« Si demain toute la population peut se faire dépister, le ministère de la Santé sera toujours confronté à ce problème de ressources humaines. Et MSF ne peut pas - financièrement et logistiquement parlant - employer beaucoup de monde », constate Séverine.

« Il faut aussi que le ministère de la Santé continue d'accroître sa capacité à prendre en charge, traiter et suivre les patients VIH ».

En attendant, MSF continue de développer certaines activités comme la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant (depuis mars 2008, au sein de ces centres de santé, un programme de prévention de la transmission mère-enfant a été mis en place. La trithérapie y est utilisée comme prophylaxie) ; la prise en charge pédiatrique ; et la détection des échecs de traitement.

En 2008, grâce au programme MSF, plus de 4 377 patients ont pu bénéficier d'un traitement ARV dans le district de Chiradzulu.

 

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