" La tuberculose devient une maladie incurable, il faut réagir vite"

Au lendemain d'une conférence internationale sur la tuberculose, le
docteur Francis Varaine, coordinateur du groupe de travail
international de MSF sur la tuberculose, dresse un bilan. Il souligne
l'urgence d'accélérer la recherche-développement et de mettre
rapidement à disposition des malades les nouvelles molécules les plus
prometteuses.

Quel bilan tires-tu de la 37e Conférence mondiale de l'Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, tenue la semaine dernière à Paris ?
Cette année, le « scoop » de la tuberculose ultrarésistante (XDR TB, pour extensively drug resistant) a beaucoup attiré l'attention. En réalité, ce n'est pas vraiment un scoop, puisque cette forme de la maladie existe depuis longtemps. La nouveauté, c'est le nombre important de cas et de décès diagnostiqués en Afrique du Sud chez des patients co-infectés par le virus du sida. La médiatisation de ce phénomène a été utile, puisqu'elle a servi de révélateur au fait que la tuberculose devient une maladie incurable.

Cela reflète-t-il l'expérience de MSF sur le terrain ?
Notre expérience de la tuberculose XDR commence surtout avec les patients atteints de tuberculose multirésistante (MDR TB, pour multi drug resistant). Les traitements dont nous disposons pour soigner la tuberculose MDR sont peu efficaces et toxiques, et produisent inévitablement des tuberculoses ultrarésistantes, même dans les meilleurs programmes. De plus, la lenteur des moyens diagnostiques retarde la détection et rend très difficile la prévention de la transmission des souches résistantes de la maladie en milieu hospitalier ou à domicile, comme nous l'avons constaté en Abkhazie, par exemple.

Or nos rapports sur l'état des lieux de la recherche-développement pour les médicaments antituberculeux et pour les tests diagnostiques montrent qu'aucune innovation majeure n'est prévue dans un futur proche. C'est le résultat d'un manque de volonté politique et du peu d'intérêt économique de cette maladie, mais aussi d'une réelle complexité scientifique et technique.

Pour les traitements, deux ou trois molécules nouvelles ont déjà franchi les premières étapes des essais cliniques. Ces nouveaux médicaments pourraient permettre de réduire la durée du traitement. Pour des innovations plus radicales, il existe un véritable fossé entre la recherche fondamentale sur de nouvelles cibles et le développement pour aboutir à de nouveaux médicaments.
Quant aux tests diagnostiques, nous allons aussi devoir patienter, d'autant que la plupart des innovations attendues ne seront pas applicables simplement dans les conditions de terrain, car elles n'ont pas été conçues pour des contextes de ressources limitées.

Notre message a-t-il été entendu ? Peut-on s'attendre à des changements et à des avancées dans la stratégie globale de lutte contre la tuberculose ?
Notre message rencontre un certain écho. La réunion que nous organisions en marge de la conférence de Paris a réuni un bon nombre d'experts. Cette année, j'ai l'impression que nous avons franchi un cap : il devient évident pour beaucoup que la situation est grave et qu'il faut réagir vite.

L'Organisation mondiale de la Santé doit trouver les moyens d'accélérer radicalement la recherche et le développement de nouveaux outils. Elle doit aussi explorer et baliser les possibilités d'usage compassionnel des nouvelles molécules les plus avancées - c'est-à-dire leur utilisation, sans attendre l'aboutissement des dernières phases d'essais cliniques, chez les patients atteints de tuberculose ultrarésistante pour lesquels aucun traitement efficace n'est disponible.

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