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L'éradication de la polio à l'épreuve des faits

Vaccination orale contre la poliomyélite en Afghanistan
Vaccination orale contre la poliomyélite en Afghanistan © Tom Koene

Quelles sont les implications de la dernière ligne droite menant à l'éradication de la poliomyélite ? Alors qu'elle a obtenu des résultats spectaculaires avec une chute de 300 000 cas par an dans les années 80 à quelques centaines aujourd'hui, la campagne d'éradication de la polio fait aujourd'hui face à des difficultés qui questionnent le bien-fondé d'une stratégie d'éradication à tout prix.

C'était le sujet débattu au cours d'une table ronde organisée par Médecins Sans Frontières à Paris le 22 octobre 2013 avec entre autres le Dr. Hamid S. Jafari, directeur de la campagne mondiale pour l'éradication de la poliomyélite à l'Organisation Mondiale de la Santé, Elisha Renne, anthropologue de l'université du Michigan et auteur de "Politique de la polio dans le nord du Nigeria" et le Dr. Rashid Jooma, de l'université Aga Khan de Karachi au Pakistan.

C'est un combat que l'on pensait gagné à l’horizon du 21ème siècle. L’Assemblée mondiale de la santé, qui avait voté la résolution entérinant l'objectif d'éradication, pensait faire de l’éradication de la poliomyélite un cadeau du 20ème au 21ème siècle. Après des résultats impressionants dans les 12 premières années de la campagne d’éradication - on est passé de 350 000 cas annuels à quelques milliers dans les années 2000 - voilà 15 ans que l’éradication de la polio est un combat qui n’en finit plus de finir et que les difficultés s’accumulent sur la dernière ligne droite sensée mener au terme de l’objectif.

Les équipes de MSF sont directement confrontées à des évènements liés à la campagne d’éradication de la poliomyélite. En 2010, elles ont du faire face à une épidémie particulièrement meurtrière au Congo Brazzaville où sur les quelque 500 cas de paralysie flasque notifiés, plus de 180 personnes sont décédées. MSF a pris en charge les patients atteints de polio, maladie pour laquelle beaucoup de progrès ont été faits en terme de vaccination, mais très peu depuis les années 50 en terme de traitement. Plus récemment, au Pakistan surtout, mais aussi au Nigéria, nos équipes sont indirectement témoins d'une véritable épidémie d’assassinats de vaccinateurs polio puisque depuis le mois de janvier au Nigeria et au Pakistan ce sont plus d’une trentaine de vaccinateurs nigérians et pakistanais qui ont été tués alors qu'ils s'apprêtaient à administrer le vaccin oral dans certaines région des pays cités.

Les faits, qui sont présentés par les coordinateurs de la campagne comme autant de difficultés sur la route de l’éradication, sont de plusieurs ordres :

  • réinfection de certains pays dont on croyait le virus éliminé parfois depuis plus d’une dizaine d’années ;
  • l’apparition depuis le début des années 2000 d’épidémies de poliovirus dérivé du vaccin ;
  • l’apparition ou la persistance de foyers de résistance sociale et politique dans plusieurs pays et pas seulement au Pakistan et au Nigéria ;
  • l’assassinat de vaccinateurs contre la poliomyélite qui doit nous inciter à penser urgemment à une solution.
     

Afin de surmonter certaines des difficultés évoquées ci-dessus, la tendance actuelle est d’adopter des mesures de plus en plus coercitives afin de protéger les équipes de vaccination ou d’obliger les populations à se faire vacciner, par exemple en accordant des permis de port d'armes aux vaccinateurs ou en les faisant escorter par la police voire par l'armée au Pakistan, ou en arrêtant les familles refusant le vaccin au Nigeria.

L'ensemble de ces difficultés interrogent le bien-fondé non seulement de l’une des hypothèses au fondement même de la campagne d’éradication, à savoir l’adhésion totale et entière d’une population à une mesure de santé de santé publique, mais surtout d'une stratégie d’éradication à tout prix.
 

Extraits choisis des échanges.

"Comment les moyens considérables alloués à l'éradication de la poliomyélite pourraient - en fonction des besoins que nous MSF voyons et que les autorités sanitaires locales voient - comment pourrait-on coupler ces moyens avec d’autres mesures de santé publique pour augmenter l’offre de soins, notamment la vaccination de routine, et d’autre part diminuer la suspicion sur l’éradication de la polio ?" Laurent Sury, responsable des programmes d'urgences MSF.

"A l’évidence, les défis qui se posent au programme ne sont plus techniques, opérationnels ou programmatiques, ils sont politiques et sociaux." Dr Hamid S. Jafari, OMS.

"Il y aura toujours des résistances à la vaccination. Doit-on alors imposer à chacun de se faire vacciner ? Personnellement, je ne pense pas qu’on doive l'imposer à tout le monde. En revanche, on se doit de changer les approches en proposant certes la vaccination dans ces programmes verticaux mais que cela soit aussi intégré à des approches de soins." Florence Fermon, référente vaccination MSF.

"Oui il y a régulièrement des remises en causes mais il n'y a pas de marche arrière possible, il faut en finir, et il faut en finir rapidement". Johannes Evers, expert technique, OMS.

"Nous devons améliorer la vaccination de routine au Pakistan, si on veut utiliser toutes les ressources à notre disposition pour éradiquer la polio, c’est l'un des moyens les plus importants. Il ne faut pas seulement envisager le problème dans le contexte de l’éradication de la polio, mais dans le contexte plus vaste de l’immunisation généralisée." Dr. Rashid Jooma, Aga Khan University.

"Quelle limite va-t-il falloir atteindre en terme de coût humain, c’est-à-dire en nombre de vaccinateurs tués, pour que la stratégie d’éradication de la polio soit si ce n'est revue, mais au moins discutée ?" Laurent Sury.

"C’est vrai que ce qui nous a frappé en voyant la façon dont ce sujet était traité dans la presse, c’est finalement la création d’une forme de martyrologie autour des assassinats de ces vaccinateurs qui sont parfois présentés avec quelque chose de très sacrificiel". Claire Magone, Crash.

 

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