Guatemala : MSF s’engage dans la lutte contre les maladies rénales

Salomon et sa famille, à La Gomera. Salomon est âgé de 54 ans et souffre de néphropathie endémique mésoaméricaine, une maladie qui affecte la capacité des reins à remplir leurs fonctions vitales, notamment l’épuration du sang. Guatemala. 2022.
Salomon et sa famille, à La Gomera. Salomon est âgé de 54 ans et souffre de néphropathie endémique mésoaméricaine, une maladie qui affecte la capacité des reins à remplir leurs fonctions vitales, notamment l’épuration du sang. Guatemala. 2022.   © MSF/Arlette Blanco

Depuis le mois d'août 2021, les équipes MSF offrent des soins aux personnes atteintes de néphropathie endémique mésoaméricaine, qui se caractérise par une perte progressive de la fonction rénale. Cette maladie peu connue touche principalement des travailleurs agricoles soumis à de lourdes charges de travail. L’objectif de l’association est de développer un modèle de soins complet, simple et durable pour diagnostiquer et prendre en charge cette maladie.

Il y a trois ans, Salomon a découvert qu'il était atteint d'une grave maladie rénale. Il travaillait alors dans les champs de canne à sucre de La Gomera, une petite ville du département d’Escuintla au Guatemala. À 54 ans, cet homme, aujourd'hui sans domicile, a dû arrêter de travailler, car son état de santé s'est compliqué. On lui a même dit qu'il ne marcherait plus jamais.

« Je vous promets que je ne pouvais pas bouger. Je me sentais très faible et dès que je me levais, mes genoux cédaient et je tombais par terre », explique-t-il. Pendant des mois, sa compagne, Blanca, s'est occupée de lui. Pour ses examens, il a dû voyager de longues heures en bus jusqu'à Guatemala City. « Comme je ne pouvais pas travailler, nous avons dû vendre tout ce que nous avions. La télévision, la radio. Tout. », déplore-t-il.

Salomon, comme plusieurs de ses proches, a reçu un diagnostic de néphropathie endémique mésoaméricaine de stade cinq, le stade le plus avancé. La maladie affecte la capacité des reins à remplir leurs fonctions vitales, notamment l’épuration du sang. Au fil du temps, « cette maladie est devenue une épidémie régionale à fort impact socio-économique. Elle est difficile à gérer pour les autorités sanitaires. La maladie est asymptomatique jusqu'à des stades avancés. Dans la plupart des pays où elle sévit, il n'existe pas de structures adéquates de thérapie de remplacement rénal (dialyse, hémodialyse et transplantation rénale) et des milliers de personnes en sont mortes au cours des dernières décennies », indique un rapport de l'Institut d'Amérique centrale pour les études sur les substances toxiques.

 

Salomon s'entretient avec une membre des équipes MSF. Guatemala. 2022.

 
 © MSF/Arlette Blanco
Salomon s'entretient avec une membre des équipes MSF. Guatemala. 2022.   © MSF/Arlette Blanco

Selon Frida Romero, anthropologue chez MSF, cette pathologie « diffère de l'insuffisance rénale chronique, car elle affecte des hommes, souvent jeunes, sans antécédents de maladies chroniques, qui travaillent généralement dans les cultures agricoles, dans des conditions physiques extrêmes, avec des températures élevées et dans des environnements marqués par la pauvreté. »

En mars de cette année, Salomon a décidé de se rapprocher des équipes MSF pour bénéficier d’une prise en charge. Aujourd'hui, il suit un plan de soins palliatifs qui lui permet, à court terme, d'améliorer sa santé psychologique et physique. « Nous l'accompagnons tout au long de sa démarche. Nous lui expliquons ses options, et nous sommes présents pour lui offrir nos services ainsi qu'à sa famille, dans le respect de son temps et de ses préférences en matière de soins », détaille Mateo Cerro, infirmier et responsable du soutien aux patients pour le projet MSF.

MSF propose un dépistage de la néphropathie endémique mésoaméricaine dans plusieurs municipalités du Guatemala, dont La Gomera. 2022.
 © MSF/Arlette Blanco
MSF propose un dépistage de la néphropathie endémique mésoaméricaine dans plusieurs municipalités du Guatemala, dont La Gomera. 2022. © MSF/Arlette Blanco

Il y a actuellement plus de 9 000 patients souffrant d’une pathologie rénale au Guatemala et le département d’Escuintla, où travaillent les équipes MSF, est l’un des plus touchés. Étant donné que La Gomera ne dispose pas de services spécialisés en néphrologie ni d’une offre de soins avancés, les patients doivent parcourir de longues distances pour se faire soigner. 

Le trajet vers les établissements de santé situés dans les centres urbains des départements ou dans la capitale du Guatemala peut prendre plusieurs heures, voire plusieurs jours. Certains de ces services sont surchargés, ce qui rend la prise en charge encore plus difficile. De plus, les patients doivent effectuer des déplacements supplémentaires pour obtenir les médicaments ou les tests demandés par l'équipe de spécialistes. Tout cela représente une série d'obstacles pour les patients et beaucoup, comme Salomon, finissent par s'épuiser.

 

Des personnes attendent pour se faire dépister dans le centre de santé de La Gomera. Guatemala. 2022.

 
 © MSF/Arlette Blanco
Des personnes attendent pour se faire dépister dans le centre de santé de La Gomera. Guatemala. 2022.   © MSF/Arlette Blanco

« Dans un premier temps, nous avons organisé les équipes médicales, logistiques, administratives et communautaires à La Gomera, l'une des trois municipalités où MSF est active. Les deux autres sont La Democracia et Sipacate. Nous avons pu avoir accès à certains centres de santé locaux pour réaliser des diagnostics et collecter des données. Nous avons également eu la chance de pouvoir renforcer l’adhésion des communautés à notre projet », explique Rodd Gerstenhaber, chef de mission au Guatemala, au Mexique et au Honduras.

« D'une certaine manière, nous avons sauvé la vie de certaines personnes. Maintenant, il semble y avoir une plus grande prise de conscience de la dangerosité de cette maladie. Nous devons faire savoir aux gens qu'il y a un problème », souligne le  Dr Benjamin Jeffs, référent médical du projet.

Une équipe d'une dizaine de personnes, dont des promoteurs et des éducateurs de santé, est chargée de se rendre chaque semaine dans les communautés pour inviter les habitants à assister à des projections. En une journée, l'équipe MSF peut recevoir entre 40 et 60 personnes, qui peuvent également être dépistées. Ensuite, l'équipe médicale réfère les cas de stade 4 et 5 au Centre national des maladies rénales chroniques.

Entre août 2021 et juin 2022, MSF a effectué 2 376 dépistages pour détecter la maladie et a assuré une prise en charge à plus de 106 personnes qui sont aux stades quatre et cinq de leur maladie.

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