Co-infection VIH/TB : un diagnostic difficile, deux traitements à intégrer

Médecins Sans Frontières a commencé un programme de traitement des malades du sida par antirétroviraux (ARV) à la Blue House une structure de santé qui accueille des patients vivant dans le bidonville de Matharé à Nairobi.
© Chris de Bode

Depuis 1997, MSF soigne des malades du sida et de la tuberculose dans l'hôpital régional d'Homa Bay, au Kenya. Dans cette province de près de 300.000 habitants, 30% des adultes sont séropositifs et la tuberculose est fréquente. Beaucoup de patients souffrent des deux maladies à la fois, entraînant des problèmes de diagnostic et de traitement. Pour mieux soigner ces malades co-infectés une nouvelle approche intégrée, qui offre les deux traitements dans un même lieu, a été mise en place fin 2005.

Interview de Christine Genevier, notre chef de mission.

Quelle est l'ampleur du problème de la co-infection par le sida et la tuberculose à Homa Bay ?

Le nombre de malades concernés est très important. Parmi les patients diagnostiqués et suivis dans notre clinique tuberculose, près de 85% acceptent de faire le test VIH et plus de 70% de ceux-là s'avèrent séropositifs. Réciproquement, une partie des patients suivis dans notre clinique sida ont aussi la tuberculose, mais la très grande difficulté de détecter la tuberculose chez les patients séropositifs ne permet pas de savoir exactement quelle proportion.

Quelles sont les difficultés pour prendre en charge les patients co-infectés ?

La première difficulté est de poser le diagnostique de la tuberculose. En effet, chez les malades co-infectés, en général très immunodéprimés, le test diagnostique par examen des crachats au microscope ne détecte que 30% des patients souffrant effectivement d'une tuberculose pulmonaire. En outre, une grosse proportion des malades co-infectés développent des tuberculoses dites « extrapulmonaire », que l'examen des crachats ne détecte pas.
Le second moyen diagnostique est la radiologie, mais elle n'est pas disponible partout. Si elle existe dans les hôpitaux de district en Afrique, elle l'est très rarement dans les structures en périphérie. Donc les médecins doivent souvent établir leur diagnostic à partir d'un examen clinique, se basant sur un cumul de symptômes pour décider si le patient est ou pas tuberculeux. Mais ils n'ont pas la possibilité de le confirmer par un examen biologique.

Quels problèmes pose le traitement simultané de ces deux pathologies?

Jusqu'a présent, la plupart des malades chez qui la co-infection a été diagnostiquée sont soignés pour la tuberculose dans un programme spécialisé, et pour le sida dans un autre programme spécialisé. Les patients doivent se rendre d'abord à la clinique sida, puis à la clinique TB, et reçoivent des informations peu claires des deux côtés. Cette séparation engendre parfois une grande confusion voire une incompréhension totale sur les médicaments à prendre pour l'une ou l'autre maladie.

Comment faites-vous à Homa Bay pour y remédier ?

Nous avons décidé d'adopter une approche intégrée, en traitant les patients co-infectés dans un seul et même lieu pour les deux pathologies. Ainsi, à Homa Bay, les patients co-infectés sont accueillis et suivis à la clinique tuberculose pendant le temps du traitement antituberculeux. Une fois guéris de la tuberculose, ils sont référés à la clinique sida.

La solution peut paraître simple, mais n'a pas été sans efforts. Il nous a fallu deux ans pour y parvenir et convaincre tous les acteurs, tant les habitudes de traiter les patients séparément étaient lourdes.

Qu'attend-on de cette nouvelle approche intégrée ?

Soigner les deux maladies sous un même toit avec une seule équipe médicale nous a permis d'être beaucoup plus cohérent en terme de traitement et de suivi des patients. Cette approche permet de gérer le calendrier de leurs visites à l'hôpital de manière plus rationnelle et surtout de donner aux malades une information plus claire sur les médicaments à prendre, ce qui favorise une meilleure adhérence au traitement. Cette approche intégrée nous a également permis de mettre enfin en place un traitement contre la tuberculose de 6 mois au lieu du traitement de 8 mois pratiqué jusque-là, moins efficace pour les patients co-infectés.

Quelles évolutions sont indispensables dans le futur ?

Pour nous, le plus important serait d'avoir un outil diagnostic plus rapide, plus simple pour les soignants, qui nous permettrait de gagner du temps sur l'avancée de la tuberculose et sur leur risque fatal en cas d'interaction avec un traitement ARV. Car il semble que certains patients sida à un stade très avancé de la maladie sont décédés parce que leur réaction aux ARV était amplifiée par une tuberculose non détectée.

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