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« Ce qui se passe aujourd’hui dans le sud du Tchad est inadmissible », Sarah Chateau, chef de mission MSF

Goré dans le sud du Tchad où 6 000 personnes sont agglutinées dans un ancien hôpital et tout autour. Février 2014
Goré, dans le sud du Tchad, où 6 000 personnes sont agglutinées dans un ancien hôpital et tout autour. Février 2014 © Samantha Maurin/MSF

19h. La nuit est déjà tombée sur Baïbokoum. Nous sommes à une trentaine de kilomètres de la frontière centrafricaine. C’est ici que Médecins Sans Frontières (MSF) a installé sa base de vie. Tous les jours, l’équipe fait l’aller-retour entre Baïbokoum et Bitoye, un petit village de 10 000 habitants qui a vu sa population doubler avec l’arrivée de milliers de personnes venues à pied ou en véhicule se réfugier au Tchad pour fuir les violences et les pillages subis en République centrafricaine (RCA).

MSF est à Bitoye depuis déjà trois semaines et y a mis en place un centre de santé primaire. Avec une centaine de consultations par jour, la salle d’attente ne désemplit pas. Femmes et enfants pour la plupart patientent assis sur des bancs ou sur des nattes installées sous le manguier. L’une d’elles tente de donner le sein à son bébé d’à peine un mois. Elle raconte comment elle a dû fuir en brousse pieds nus avec ses sept enfants après que les anti-balakas ont attaqué Bocaranga, son village d’origine. Une histoire qui se répète ici pour ces femmes réfugiées à majorité Peulhs dont les maris sont soit morts, soit restés en brousse avec les quelques bœufs qui leur restent.

« Je n’ai jamais vu ça », confie le Dr Aaron Zoumvournai, médecin MSF qui a mené les missions d’évaluation de MSF à Bitoye, Goré et Sido, les trois principaux points d’entrée de réfugiés centrafricains au Tchad. Il décrit les blessures avec lesquelles les réfugiés sont arrivés de Bangui notamment. Des cicatrices de coups de machette sur le crâne de plusieurs enfants, une petite fille dont deux doigts ont été découpés au ciseau « en souvenir », de multiples plaies par balles ou encore des cas de torture.

Il rapporte l’histoire d’un patient reçu au centre de santé de Bitoye et référé ensuite à l’hôpital de Baïbokoum. « Il venait d’un village de la région de Bouar. Ce jour-là, il était seul chez lui quand les anti-balakas ont surgi pour attaquer son village. Ils ont mis le feu à sa maison, il a réussi à s’échapper par une fenêtre mais en sortant, il a vu au moins quatre personnes tuées à coups de machette et se demandait combien d’autres étaient morts brûlés vif dans leur case ». Les anti-balakas ont fini par le rattraper. « Ils l’ont obligé à poser ses pieds sur un demi-tonneau chauffé à blanc par le feu et menaçaient de le tuer s’il ne s’exécutait pas. Quand la torture ne les a plus suffisamment amusés, ils sont partis. » Le rescapé a été emmené au bord de la route par un vieil homme qui passait là et un camion a fini par le prendre à son bord.  « Il ne sait pas ce qu’est devenue sa famille mais n’espère pas grand-chose, » termine Aaron.

A Goré, 6 000 personnes sont agglutinées dans un ancien hôpital et tout autour. Beaucoup sont originaires de Bossangoa. Elles dorment parfois à même le sol, fabriquent des abris de fortune avec des branches et leurs pagnes ou leurs voiles en guise de protection. Autant dire qu’à la première pluie, rien n’en restera. Un vieil homme interpelle l’équipe MSF. Il est arrivé ce matin, à pied depuis la frontière. Plus loin, une femme s’approche avec un minuscule bébé dans ses bras. Elle a accouché ici prématurément et ne peut pas allaiter. « Cet enfant a tout simplement faim », dit le Dr. Francis Koné, médecin MSF au Tchad. Depuis deux semaines le nouveau-né n’a rien mangé et s’accroche miraculeusement seul au fil de sa courte vie.

A Sido, la détresse est tout aussi criante, voire multipliée par le nombre. Plus de 13 000 réfugiés sont installés à quelques centaines de mètres de la frontière. Le huitième et dernier convoi escorté par l’armée tchadienne a déversé ici 3 500 personnes il y a à peine trois jours. Kaltouma faisait partie du voyage. Il y a plus de six semaines qu’elle a dû fuir Yaloke, son village d’origine, attaqué puis occupé par les anti-balakas. Elle a passé 20 jours en brousse avec son aîné de 13 ans et ses jumeaux d’un an. Parmi les 20 personnes de sa famille qui ont disparu au cours de l’attaque se trouvaient son mari et son fils de 8 ans. Grâce à des proches à Bangui, elle a su que l’armée française arrivait pour les escorter depuis la mosquée de Yaloke jusqu’à l’aéroport de Bangui. Là, au terme de près de trois semaines d’attente elle s’est battue pour avoir sa place dans l’un des camions de l’armée tchadienne. Elle ajuste nonchalamment les jumeaux tétant ses deux seins. Elle s’est installée sous un arbre près de l’hôpital MSF avec quelques-uns de ses compagnons de galère. Aucun d’eux n’avait jamais mis les pieds au Tchad auparavant. « 100% centrafricains » dit-elle. Et pourtant, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) n’est pas là pour examiner leur situation.

Sur place, les autorités locales se démènent pour tenter de faire face à cette crise et désamorcer les conflits déjà naissant entre réfugiés et populations locales. Mais ils manquent cruellement de moyens et de soutien. Médecins Sans Frontières est d’ailleurs la seule organisation internationale présente à Sido. « Tant que ces familles ne pourront pas exercer leur droit à demander l’asile au Tchad, ils n’obtiendront pas le statut de réfugiés et resteront privés de l’assistance du HCR ou orientés malgré eux vers une destination finale où rien ni personne ne les attendent vraiment », s’alarme Sarah Chateau, chef de mission MSF au Tchad.

« Près de la moitié des patients que j’ai vus en consultation jusqu’ici  m’ont dit qu’ils avaient faim, raconte Antoine, médecin MSF à Sido. Il suffit de se promener dans les allées du site où se sont tant bien que mal installés les réfugiés pour voir à l’œil nu l’effet de la privation de nourriture ». L’urgence alimentaire n’est pas la seule préoccupation. Il n’y a que 20 latrines, 300 abris et 4 points d’eau pour les 13 000 personnes présentes actuellement à Sido. Fin mars, les premières pluies balayeront les abris de fortune. Le risque d’épidémie sera d’autant plus grand que le minimum d’infrastructures sanitaires n’est aujourd’hui pas mis en place. Et déjà, l’impératif de survie pousse les femmes les plus vulnérables à avoir recours à la prostitution pour pouvoir nourrir leurs enfants.

« Il est urgent d’une part qu’il soit reconnu que la grande majorité de ces personnes ont fui la violence pour sauver leur vie et sont donc bien des réfugiés, et d’autre part que l’aide internationale se déploie immédiatement avec de la nourriture, des abris, des points d’eau et des sanitaires, déclare Sarah Chateau. Ce qui se passe aujourd’hui dans le sud du Tchad est inadmissible. »

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