Camp de Mbera en Mauritanie : « de belles choses peuvent survenir même dans les conditions les plus extrêmes »

Les quadruplés nés en janvier avec leurs parents dans le camp de Mbera Mauritanie en mars 2014.
Les quadruplés nés en janvier avec leurs parents, dans le camp de Mbera, Mauritanie, en mars 2014. © Damien Follet/MSF

Frédéric Manantsoa Laï, chef de mission de MSF dans le camp de réfugiés de Mbera, en Mauritanie, fait le point sur les besoins des réfugiés maliens mais aussi des populations locales, et explique comment nos équipes y répondent.

Où en est-on des activités de MSF dans le camp de Mbera?

La première de nos activités est l’accès pour les réfugiés maliens à des soins de santé primaires : nous gérons un centre de santé à Bassikounou et trois postes de santé à Fassala et Mbera, même si nous insistons, dans nos activités de communication publique, sur le fait que ces services sont disponibles à la fois pour les réfugiés et la population locale. Dans le projet situé dans le camp de Mbera, nous avons dispensé en 2013 plus de 101 000 consultations, soit près du double comparé à nos chiffres de 2012. De plus en plus de gens viennent dans nos structures, notamment grâce à une réelle amélioration des locaux. Mais c’est aussi un signe de confiance envers notre travail et notre organisation. En plus de ces structures de santé, nous avons également des travailleurs communautaires (« home visitors »), qui mènent quotidiennement des activités de porte-à-porte. Nous avons également ouvert un bloc opératoire à Bassikounou pour les interventions chirurgicales vitales, comme les césariennes, les accidents etc... En ce moment, MSF dispense environ 8500 consultations par mois, mais on peut atteindre 12 000 au moment de la saison des pluies.

Quels sont les principaux besoins des réfugiés ?

Les précédents chiffres montrent à quel point les besoins sont importants et permanents. Le camp est géographiquement situé dans une zone à l’activité économique très basse et où les sols sont extrêmement secs. A la population totale du district de Bassikounou, qui compte 42 000 personnes, s’ajoutent les 59 000 réfugiés ; la population réfugiée dépasse donc les habitants de la région. Les maigres récoltes des dernières années, et les crises nutritionnelles et alimentaires récurrentes dans la zone sahélienne, rendent la situation très compliquée. Les conditions de vie des réfugiés vivant dans le camp sont ainsi très dures, et dépendent presqu’entièrement de l’aide humanitaire pour survivre.

L’accès à l’eau est crucial pour la survie des populations. Pour les réfugiés, l’approvisionnement est suffisant, d’autres acteurs humanitaires s’en chargent. Sur un plan médical, les maladies diarrhéiques constituent la deuxième raison de consultation dans nos structures de santé, notamment à cause des conditions d’hygiènes personnelles. Nous nous investissons sur ce point pour augmenter la connaissance des pratiques d’hygiène de base afin d’éviter au maximum les épidémies, surtout avec la saison des pluies approchant. La situation nutritionnelle est meilleure mais encore fragile. Les soins de santé primaires se sont grandement améliorés, mais certaines maladies ou problèmes de santé requièrent une attention particulière. C’est le cas des maladies diarrhéiques et des infections respiratoires aiguës, qui sont exacerbées ici par les conditions environnementales : climat chaud et sec, tempêtes de sable fréquentes etc.

Quels sont les principaux challenges à l’avenir ?

Bien que nous ayons dépassé la phase de crise aiguë,  la situation demeure fragile, et nous pourrions rapidement voir la situation se détériorer si nous ne maintenons pas des niveaux élevés d’assistance. Les besoins humanitaires ne sont pas moins importants que dans d’autres endroits comme par exemple au Soudan du Sud, par rapport à la santé, l’eau et la sanitation, la nourriture et les abris. Cela dit, ce qui nous inquiète, c’est que ces réfugiés pourraient être oubliés au détriment d’autres crises majeures dans le monde. Nous devons tout faire pour que cela n’arrive pas. Par exemple, la situation nutritionnelle s’est peu à peu améliorée, mais les efforts doivent être continus et pérennes afin de réduire encore les niveaux de malnutrition sévère dans le camp. En ce moment, nous admettons dans nos structures environ 100 enfants chaque mois pour malnutrition sévère contre 300 l’année dernière. Mais il semble encore bien difficile d’envisager le retour des réfugiés au Mali. Le chemin vers la paix est long et ardu, et la restauration de la stabilité est la condition sine qua non de leur retour à la maison.

Que signifie une histoire comme celle des quadruplés pour les réfugiés vivant dans le camp de Mbera?

A 37 semaines de grossesse, les quadruplés sont venus au monde dans notre bloc opératoire. Trois garçons et une fille sont nés, et ils pesaient 1,5 Kg chacun ! Nous avons été très inquiets pour eux ! Mais ils sont aujourd’hui en bonne santé et grandissent normalement. C’est un signe que de belles choses peuvent survenir même dans les conditions les plus extrêmes. Ces nouvelles vies sont un vrai espoir pour les réfugiés. Et en même temps, cela souligne aussi à quel point ces populations sont vulnérables. Imaginons un instant ce qu’il aurait pu advenir sans soins médicaux ! Si cette mère n’avait pas pu se rendre à l’hôpital, elle aurait sans doute perdu ses enfants, et peut-être aussi sa propre vie, laissant derrière elle six autres enfants et un mari sans revenus.


En 2013, MSF a mené près de 147 700 consultations, dont 101 000 directement dans le camp de Mbera et 46 700 en dehors du camp (dans les structures publiques du ministère de la Santé). MSF a également pris en charge 3 867 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère, dont 3575 dans le camp de Mbera et 292 à Fassala. De plus, 45 000 moustiquaires ont été distribuées, ce qui a largement contribué à la réduction du nombre de cas de paludisme passant de 6028 en 2012 à 2285 en 2013. MSF travaille en Mauritanie depuis 1994.

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