Burkina Faso : quand le coronavirus se propage dans un pays déjà touché par un conflit

Une distribution d'eau à Djibo, dans le nord du Burkina Faso. 2020. 
Une distribution d'eau à Djibo, dans le nord du Burkina Faso. 2020.  © MSF

Le Burkina Faso est touché depuis plus d'un mois par le coronavirus, dont les premiers cas ont été confirmés à Ouagadougou avant que la maladie ne soit signalée dans d’autres régions du pays. La pandémie met à rude épreuve un système de santé fragilisé et des populations déjà exposées, dans le nord du pays, à un conflit qui s’est intensifié ces derniers mois. Le point avec Hassan Maïyaki, chef de mission MSF. 

Quelle est la situation au Burkina Faso aujourd’hui ?

9 régions sur 13 sont touchées par la pandémie de Covid-19. Les premiers cas sont apparus à Ouagadougou le 9 mars dernier et ont été rapidement suivis par d’autres. À la mi-avril, le Burkina Faso comptait plus de 500 cas confirmés, parmi lesquels près de 30 patients sont décédés. 95 % des cas confirmés et cas contacts suivis sont à Ouagadougou, mais la situation reste très préoccupante ailleurs dans le pays, le Burkina Faso faisant déjà face à une crise humanitaire très préoccupante.

La situation est encore sous contrôle, mais le coronavirus est désormais devenu une priorité pour la plupart des acteurs, afin de parer au pire. On l’a vu ailleurs, aucun pays n’était suffisamment préparé pour faire face à un énorme afflux de patients Covid-19, dont certains développent des formes très graves de la maladie. Il faut donc au plus vite augmenter la capacité de prise en charge de ce type de patients, afin de se préparer à faire face à une possible flambée épidémique dans les jours qui viennent.

Que font les équipes MSF en réponse à la pandémie de Covid-19 ?

Nos équipes sont en contact avec les autorités pour voir comment nous pouvons aider à contenir la pandémie de Covid-19 notamment en aidant à identifier et à prendre en charge les malades à Ouagadougou, ainsi qu’à Fada N’Gourma et Gayeri, deux villes de l’est du pays. L’une de nos priorités est de renforcer les mesures de prévention (sensibilisation, révision des circuits des patients, zones d’isolement) et le contrôle des infections dans les zones et dans les structures médicales où nous travaillons, afin d’assurer la protection des soignants et des patients qu’ils prennent en charge. Il est également important, voire primordial, de renforcer les mesures de protection du personnel de santé pour qu’ils puissent continuer à soigner sans devenir eux-mêmes infectés par le coronavirus.

À Bobo-Dioulasso, deuxième foyer d’épidémie après celui autour de la capitale, nous avons déjà commencé la prise en charge des patients dans une structure dédiée.

Quel impact pourrait avoir la pandémie de Covid-19 sur la situation humanitaire ?

Il est clair que cette pandémie amplifie les problèmes existants. À l’intérieur du pays, il y a plus de 800 000 personnes déplacées, et le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’Onu estime que plus de 2 millions de personnes auront besoin d’assistance humanitaire cette année.

Une distribution d'eau à Djibo, dans le nord du Burkina Faso. Les communautés locales et déplacées viennent remplir leur jerrican le matin. 2020.
 © MSF
Une distribution d'eau à Djibo, dans le nord du Burkina Faso. Les communautés locales et déplacées viennent remplir leur jerrican le matin. 2020. © MSF

La majorité de ces personnes vivent dans une situation critique : eau potable insuffisante, accès aux soins limités, et bien d’autres besoins primaires non satisfaits. Le dispositif d’aide mis en place par les acteurs humanitaires était jusque-là sous-dimensionné et, il y a encore quelques semaines, l’urgence était d’augmenter l’aide et de trouver des stratégies pour accéder aux zones reculées, afin d’assister un maximum de personnes. Aujourd’hui presque toute l’attention est sur la gestion du Covid-19 et le contrôle de la propagation du virus. Cela a un gros impact sur la réponse à la crise humanitaire.

Des zones inaccessibles

L’insécurité est telle qu’il n’est pas possible aujourd’hui de déployer des secours partout où cela serait nécessaire. 

Dans les semaines qui viennent, nous devons trouver l’équilibre entre les réponses au Covid-19 et à la crise humanitaire, voire les intégrer, pour ne pas permettre à d’autres maladies comme le paludisme, la rougeole, la méningite ou le choléra de se propager et de faire autant, sinon plus de victimes que le Covid-19. Il reste en outre de nombreuses incertitudes sur la façon dont le virus interagit avec des comorbidités telles que le paludisme, la dengue, ou encore son impact sur des enfants malnutris (immunodéprimés). Les acteurs humanitaires doivent donc rester mobilisés sur la crise humanitaire, tout en répondant aux besoins pour lutter contre le coronavirus, au risque sinon de faire face à un drame humanitaire dans les mois à venir.

Quels sont les défis aujourd’hui face à la pandémie ?

L’insécurité est telle qu’il n’est pas possible aujourd’hui de déployer des secours partout où cela serait nécessaire, et les restrictions prises pour limiter la propagation du Covid-19, notamment au niveau international, risquent de réduire encore davantage les moyens d’action des organisations humanitaires.

Pour une montée en puissance des secours humanitaires, les organisations vont avoir besoin de personnel expérimenté, qu’on trouve sur place ou qui viennent de l’international. Aujourd’hui, la capacité à déployer du personnel international au Burkina Faso est limitée. Nous pourrons peut-être avoir aussi des difficultés en termes d’approvisionnement de matériel et de médicaments, du fait des restrictions internationales. Sans parler du risque de ne pas pouvoir faire venir des équipements de protection pour le personnel de santé, en première ligne sur la réponse au Covid-19.

Nous serons donc plus difficilement en mesure d’assurer une meilleure prise en charge des patients, alors que les pics saisonniers de malnutrition infantile et de paludisme, urgences récurrentes chaque année dans la région sahélienne, approchent et risquent de faire des ravages à partir du mois de juin.

Notes

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