Bangladesh : l’épidémie de gale gagne du terrain dans les camps de réfugiés rohingyas

Vue de la clinique MSF de Jamtoli dans le camp de Cox's Bazar, où des patients attendent pour recevoir des médicaments contre la gale. Bangladesh.
Vue de la clinique MSF de Jamtoli dans le camp de Cox's Bazar, où des patients attendent pour recevoir des médicaments contre la gale. Bangladesh. © Farah Tanjee/MSF

Les équipes MSF qui travaillent auprès des réfugiés rohingyas au Bangladesh s’alarment de la recrudescence du nombre de cas de gale qu’elles sont amenées à traiter et de l’ampleur de l’épidémie en cours. Dans des camps inadaptés, 950 000 personnes vivent dans des conditions précaires depuis des années, notamment après avoir fui les attaques et les massacres au Myanmar en 2017. Les équipes MSF, qui reçoivent plusieurs centaines de patients par jour, atteignent aujourd'hui les limites de leur capacité de prise en charge.

« La gale est hautement contagieuse et peut se propager rapidement, explique le docteur Kawsar, superviseur médical adjoint à la clinique MSF de Jamtoli. Lutter contre cette maladie, dans des camps de réfugiés aussi peuplés et où les gens ont un très faible accès à l’hygiène et aux soins de santé, est un défi. »

Le nombre de patients souffrant de la gale dépasse aujourd’hui les capacités de prise en charge des équipes MSF, malgré une intensification de leurs efforts à partir de mars 2022. Depuis cette date, 135 000 consultations liées à la maladie ont été dispensées. « Cela peut représenter jusqu’à 750 patients par jour, alors que la limite de notre capacité d’accueil maximale est de 600 à 700 personnes, poursuit le docteur Kawsar. Pour nos patients, cette épidémie vient s’ajouter à des conditions de vie extrêmement difficiles. »

Une grande partie des réfugiés rohingyas vivent dans des camps surpeuplés depuis près de six ans maintenant, sans statut légal, sans possibilité de travailler, avec des accès à l’éducation et aux soins de santé extrêmement limités. « Toute ma famille souffre de la gale. Mon fils de quatre ans l'a attrapée en décembre dernier, explique Ajmot Ullah, un patient MSF âgé de 26 ans. Les éruptions cutanées se sont propagées sur tout son corps. On s’est rendu chez des médecins locaux, ça s’est un peu arrangé avant de se dégrader assez vite. Il ne dort pas, il pleure de douleur et tout son corps le démange. C’est un cauchemar pour ma famille. »

Séance de promotion de la santé auprès des patients de la salle d'attente de la clinique MSF de Jamtoli. Bangladesh.
 © Farah Tanjee/MSF
Séance de promotion de la santé auprès des patients de la salle d'attente de la clinique MSF de Jamtoli. Bangladesh. © Farah Tanjee/MSF

Dans les installations MSF de Jamtoli et Hakimpara, dans le camp de Cox’s Bazar, six assistants médicaux sont dédiés à la prise en charge de la gale. « Nous n’arrivons pas à traiter tous les patients qui se présentent dans nos structures. Nous sommes obligés de les renvoyer vers leurs centres de santé de proximité, faute de place, alors qu’ils viennent parfois de loin, déplore Hafiza Akhter, assistante médicale MSF. On voit des mères épuisées, dont les bébés souffrent et ne cessent de pleurer. La gale génère beaucoup de stress pour nos patients, qui s’ajoute à celui résultant des restrictions de circulations qui leur sont imposées. Je me sens impuissante dans de telles situations. »

La forte augmentation des cas de gale est directement liée aux conditions de vie dans les camps, où les gens partagent de petits espaces exigus et n’ont pas toujours accès à l’eau potable en quantité suffisante. « Je sais bien que si on attrape la gale, il ne faut pas partager ses vêtements et qu'il faut maintenir de bonnes conditions d'hygiène, explique Taher, un patient MSF âgé de 18 ans. Mais nous n'avons pas assez d'espace. Nous partageons la même literie, les mêmes vêtements et maintenant, nous partageons aussi la gale. »

Le niveau actuel de l’aide humanitaire ne permet pas de couvrir les besoins des centaines de milliers de réfugiés rohingyas qui habitent dans ces camps au Bangladesh. « Cette situation nous désole. La gale est une maladie négligée et ces personnes ne pourront pas en guérir sans avoir accès à un traitement adapté, conclut le docteur Kawsar. Nous ne pouvons pas arriver à prendre en charge cette épidémie tout seuls, le traitement contre la gale devrait être disponible dans les autres établissements de santé répartis dans les camps de réfugiés. »

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