A la veille d'une conférence internationale sur la tuberculose, MSF plaide pour une nouvelle stratégie de prise en charge des malades.

A la veille d'une importante conférence réunissant à Paris les plus grands spécialistes mondiaux de la tuberculose [1] , Médecins Sans Frontières souligne que des millions d'individus vivant dans les pays pauvres continuent de mourir chaque année de cette maladie pourtant curable. Cette situation ne peut évoluer si l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et l'UICTMR1 persistent à ne pas reconnaître les limites de la stratégie aujourd'hui au coeur de leur politique. Les conséquences de cette inertie condamnent les praticiens à travailler avec des outils archaïques qui ne permettent ni de diagnostiquer ni de traiter la majorité des malades. D'autre part, il est peu probable qu'une telle stratégie permette d'atteindre les objectifs de santé publique affichés par ces organisations.

A travers leur pratique de terrain, les médecins MSF sont chaque jour confrontés à cette situation. "La tuberculose est l'une de nos plus grandes frustrations ", explique le docteur Bradol, président de l'association. "En l'état, nous ne pouvons détecter et traiter correctement nos malades". "Des investissements massifs sont nécessaires pour le développement et la mise à disposition, le plus vite possible et à des prix abordables, de nouveaux tests de diagnostic et de nouveaux médicaments", ajoute le Dr Francine Matthys, de la Campagne d'accès aux médicaments essentiels de MSF.

Pour la détection des malades, la plupart des programmes de prise en charge de la tuberculose dans les pays en développement (où se trouvent 95% des malades) s'appuie sur l'examen microscopique des crachats. Mise au point en 1882, cette méthode ne détecte le bacille que chez 50% des personnes atteintes. Son efficacité est encore plus faible chez les malades co-infectés par le virus du sida et chez les enfants. Cette stratégie exclut de fait une grande partie des malades et n'est pas adaptée à la réalité épidémiologique sur le terrain. Rappelons que la tuberculose est la première maladie opportuniste développée par les malades du sida. Les malades co-infectés sont au nombre de 12 millions.

Quant au traitement, long et complexe, il repose sur des médicaments vieux de 40 à 60 ans. " En Guinée comme dans d'autres pays en développement, nous avons de plus en plus de patients qui ont déjà suivi un traitement anti-TB et qui reviennent vers nous avec des symptômes de la maladie ", explique le docteur Ilse Ramboer, de retour de Guinée. " Il peut s'agir de personnes réinfectées, comme de patients présentant une forme de tuberculose résistante aux médicaments. Nous n'avons aucun moyen de le savoir parce que les pays pauvres n'ont pas accès aux antibiogrammes... ". Selon les spécialistes, la tuberculose multi-résistante dans le contexte de la co-infection sida et la tuberculose sont une bombe à retardement contre laquelle les outils actuels ne peuvent faire face.

Face à ce constat, il est essentiel que la stratégie antituberculeuse mondiale soit redéfinie, en prenant en compte la pandémie VIH/SIDA et ses conséquences sur la prise en charge de la tuberculose ; que les nouveaux tests de diagnostic qui font l'objet de recherche soient validés et développés le plus rapidement possible ; que des traitements adaptés, simples et financièrement abordables soient rapidement développés et mis à la disposition des malades. MSF espère que ces préoccupations seront partagées par les experts de la tuberculose réunis dans les prochains jours à Paris.

[1] La 35ème " World Conference on Lung Health " est organisée du 28 octobre au 1er novembre par l'Union internationale contre la tuberculose et les maladies respiratoires, organisation scientifique regroupant 140 pays membres et 100 sociétés scientifiques volontaires.

MSF conduit 30 programmes auprès de 20 000 malades de la tuberculose, dans différents contextes : conflit chronique, prisons, pandémie de sida, etc.

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