Yémen - un défi quotidien pour nos activités

Hôpital de Al Talh août 2009. L'équipe chirurgicale MSF opère un blessé de guerre.
Hôpital de Al Talh, août 2009. L'équipe chirurgicale MSF opère un blessé de guerre. © Arnaud Drouart

Depuis huit semaines, la guerre a repris dans le nord du Yémen. Andrès Romero, chef de mission pour MSF à Sanaa, revient sur l'évolution de nos activités dans ce contexte.

Comment les activités de MSF ont-elles évolué dans le nord du Yémen ?
Depuis septembre 2007, MSF travaille dans le gouvernorat de Saada, dans le nord du pays, et fournit des soins médicaux à la population touchée par un conflit qui a débuté en 2004, et qui oppose les forces gouvernementales au mouvement Al Houthi.

MSF apporte son soutien à deux hôpitaux du ministère de la Santé à Sharaa (district de Razeh) et à Al Talh (district de Saher). Dans les deux hôpitaux, nos équipes fournissent gratuitement des soins de santé primaire, des consultations d'urgence, gèrent des services d'hospitalisation et gynéco-obstétriques.

A Al Talh, MSF soutient les structures du ministère de la Santé par des consultations médicales et le transfert des patients à l'hôpital.

Après le déclenchement de la sixième guerre survenu le 11 août 2009, MSF a également commencé à porter assistance aux populations déplacées dans la région de Madabah, au nord du gouvernorat de Saada. Les équipes ont mis en place un approvisionnement en eau afin de fournir de l'eau potable à quelque 250 familles.

Au cours des deux derniers mois de combats intenses, il est devenu de plus en plus difficile de mener ces activités, et ce malgré les autorisation obtenues de la part des deux parties au conflit. Nous avons ainsi dû interrompre temporairement nos activités chirurgicales à Al Talh et avons également réduit notre soutien aux structures de santé primaire.

Par ailleurs, nous avons été contraints de retarder notre intervention dans la région de Mandabah. Néanmoins à Razeh, les consultations et les hospitalisations se poursuivent et nos équipes y mènent en moyenne 560 consultations d'urgence par mois. Une équipe chirurgicale MSF sera bientôt sur place pour renforcer cet hôpital.

Quel est l'impact de cette guerre sur la population dans le gouvernorat de Saada?
Les combats qui se poursuivent ont obligé des milliers de personnes à se déplacer parfois à plusieurs reprises à l'intérieur du gouvernorat. Il reste difficile d'obtenir des chiffres précis de déplacés, car les organisations de secours et les acteurs humanitaires ne peuvent pas atteindre certaines zones. Selon des sources des Nations unies, au moins 60 000 personnes ont été enregistrées dans les gouvernorats de Saada, Amran et Hajja.

De plus, les familles continuent de bouger, se déplaçant d'un lieu à l'autre pour tenter de se mettre à l'abri. Dans le nord du gouvernorat par exemple, certaines familles se sont déplacées de Dahyan à Jesnem, puis de Jesnem à Baqim, et encore de Baqim vers Mandabah, où de nouveaux combats ont obligé une nouvelle fois les familles à se disperser.

A Mandabah, nos équipes avaient évalué les conditions d'environ 3.000 personnes, vivant pour la plupart en situation précaire, avec un accès limité à l'eau potable et un manque de biens de première nécessité (couvertures, équipement de cuisine, ...). L'accès à la nourriture est aussi devenu problématique, les prix pour certains biens alimentaires ayant quadruplé suite aux difficultés d'approvisionnement.

"Au cours des deux derniers mois de combats intenses, il est devenu de plus en plus difficile de mener ces activités"
 

Si une partie des acteurs humanitaires se concentre sur la distribution de nourriture et les biens de première nécessité, l'objectif pour MSF est de mettre en place des activités médicales pour les populations de la zone.

 

L'accès aux soins dans le gouvernorat demeure un enjeu majeur, la plupart des structures de santé n'étant plus opérationnelles est les autres restant très difficiles d'accès pour la population. Il est également compliqué d'estimer le nombre de victimes civiles.

Entre le 11 août et le 22 septembre dernier, les équipes MSF ont réalisé 195 interventions chirurgicales, dont 135 pour des blessures de guerre. Par la suite, les activités chirurgicales à l'hôpital d'Al Talh ont dû être interrompues. MSF travaille actuellement avec le ministère de la Santé yéménite pour redémarrer ces activités dès que la situation le permettra.

Comment MSF poursuit-elle ses activités dans ces conditions ?
Il s'agit d'un défi quotidien. Nous avons dû faire face à de nombreux problèmes, liés en particulier à l'insécurité et aux difficultés de communication. Les lignes téléphoniques, terrestres comme mobiles, ont été coupées à plusieurs reprises ; les routes reliant le gouvernorat de Saada au reste du pays ont été barrées et nos collègues yéménites ont souvent continué à travailler dans les hôpitaux sans nouvelles de leurs proches.

MSF s'est adaptée en envoyant du matériel médical et des ressources humaines (en particulier une équipe chirurgicale) à partir de l'Arabie Saoudite, tout en restant attentive à l'évolution du contexte.

Il est important de souligner que toutes les parties au conflit comprennent nos principes de neutralité et d'impartialité. Ainsi, Al Talh et Razeh, tous les patients - y compris les blessés de guerre - ont pu être soignés indépendamment de leur appartenance politique.

Entre janvier et juillet 2009, dans le gouvernorat de Saada, les équipes MSF ont mené environ 30 000 consultations, dont 8 000 consultations d'urgence et 1 450 hospitalisations. MSF a aussi réalisé 720 actes chirurgicaux, dont environ 100 liés à des blessures de guerre.

 

À lire aussi