Tuberculose : des traitements à bout de souffle
C'est pour dénoncer cette situation, à la veille d'un colloque international sur la tuberculose, que MSF organise aujourd'hui une conférence de presse. Il est urgent de réviser la stratégie antituberculeuse mondiale et de relancer la recherche, tant pour de nouveaux outils diagnostiques que pour des traitements plus simples et financièrement abordables.
Les médecins de MSF sont fortement impliqués auprès des malades de la tuberculose : 20 000 patients sont pris en charge chaque année dans nos programmes à travers le monde. A travers notre pratique de terrain, nous expérimentons tous les jours la stratégie recommandée par l'OMS pour "lutter contre la tuberculose", le DOTS (pour directly observed treatment, short course, ou traitement de courte durée sous supervision directe). Nous en éprouvons chaque jour les limites dans les soins aux malades.
Malgré ce constat, partagé par de nombreux experts, le DOTS est toujours la seule stratégie disponible et portée par l'OMS.
L'épidémie de tuberculose multi-résistante à New-York en 1991-1993 et le lien de plus en plus évident entre la tuberculose et le sida ont fait évoluer cette situation. L'OMS et l'UICTMR ont commencé à parler de la tuberculose comme d'une urgence à l'échelon mondial et à développer une approche globale de la maladie. C'est ainsi que le DOTS a été lancé en 1994. Cette stratégie repose sur la détection et le traitement des patients les plus contagieux uniquement, en détecte seulement 70% et ne vise la guérison que de 85 % des personnes diagnostiquées. Au total, parce qu'elle a pour objectif de limiter la contagion et non d'améliorer la prise en charge des patients, cette stratégie exclut d'emblée la moitié des malades.
De cette position "santé publique" de départ découle une suite logique d'insuffisances : les outils de diagnostic, le vaccin et les traitements sont devenus obsolètes et inadaptés à des contextes précaires. La recherche et le développement portant sur de nouveaux traitements ont longtemps été inexistants. Aujourd'hui, notre préoccupation majeure est que de nouveaux outils soient développés, rapidement disponibles, à des prix abordables pour les pays pauvres. L'OMS semble toujours négliger cette nécessité.
Pour l'OMS, le DOTS n'a pas seulement été conçu comme une approche médicale mais aussi comme une stratégie de marketing auprès des donateurs occidentaux et des décideurs des pays en voie de développement: seuls les cinq principes du DOTS peuvent permettre une lutte mondiale contre la tuberculose. Ces cinq principes sont : l'engagement des pouvoirs publics, la détection des cas par examen microscopique de crachat, un schéma thérapeutique normalisé, un approvisionnement régulier de médicaments, et un système normalisé d'enregistrement.
L'outil de diagnostic de la tuberculose active a été développé en 1882 et n'identifie que la moitié des personnes souffrant de tuberculose. Il ne détecte pas certaines formes pulmonaires de la TB, ni les formes extra-pulmonaires. Il détecte très difficilement les malades co-infectés VIH/tuberculose et exclut les enfants (qui ne savent pas produire de crachats)...
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Un test de dépistage obsolète
Vieux de plus de 120 ans, le test est une analyse des crachats au microscope. Les bâtonnets rouges sont des bacilles de Koch, la bactérie responsable de la tuberculose. Mais ce test ne fonctionne que pour à peine la moitié des malades.
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Si nos médecins reconnaissent que le DOTS peut fonctionner dans des conditions "normales", c'est-à-dire en l'absence de VIH ou de tuberculose multi-résistante (TB-MDR), ils doivent se rendre à l'évidence : ces conditions "normales" se font de plus en plus rares... Le DOTS est donc sérieusement décalé par rapport à la réalité.
De même, moins de 2% des patients souffrant de tuberculose multi-résistante ont accès aux médicaments de seconde ligne (qui impliquent des traitements plus longs, plus chers et présentant des effets secondaires importants). Cette forme multi-résistante pourrait se propager très rapidement, provoquant 250 000 à 400 000 nouveaux cas chaque année.
Le développement de nouveaux outils diagnostiques et la relance de la Recherche et Développement pour de nouveaux médicaments sont impératifs pour une meilleure prise en charge des malades. La mise au point de nouveaux outils diagnostiques adaptés aux environnements précaires est capitale.
La plupart des nouveaux médicaments est en cours d'élaboration et à des mois, voire des années, de toute étude clinique. Leur développement est également une priorité absolue.
En attendant, il est essentiel d'encourager la recherche opérationnelle pour améliorer et adapter les outils existants, comme l'a fait MSF sur un certain nombre de ses programmes.