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Trithérapies au Malawi : efficacité prouvée... jusqu'à quand?

Au Malawi, dans le district de Chiradzulu, 3 000 malades du sida
reçoivent une trithérapie antirétrovirale dans notre programme. Pour
prouver l'efficacité de cette prise en charge, mise en place voici
trois ans, MSF a lancé une étude auprès d'un échantillon de patients sous
antirétroviraux depuis six mois. Les résultats sont semblables
à ceux des pays européens. Mais de sérieuses inquiétudes
demeurent quant à la durée du sursis offert à ces patients. Entretien avec Christopher Brasher, médecin, responsable du programme du Malawi.


Pourquoi avoir commandé cette étude ?
Grâce à la simplification des critères d'admission et à la décentralisation du suivi médical, nous avons pu intégrer dans notre programme 200 nouveaux patients chaque mois. Au total, 3 000 malades du sida reçoivent un traitement par antirétroviraux dans notre programme dans le district de Chiradzulu. C'est beaucoup, c'est même le seul endroit où il y a autant de malades traités en Afrique, pour autant que je sache. Nous voulions la preuve scientifique que la méthode de simplification n'était pas au détriment des malades et que le traitement fonctionnait bien.
Malawi, novembre 2002
Notre programme dans le district de Chiradzulu prend en charge 3 000 malades du sida avec des trithérapies antirétrovirales. Une étude menée sur cette stratégie de traitement simplifiée et décentralisée prouve qu'elle donne des résultats positifs, comparables à ceux obtenus dans les pays européens.

Les résultats de cette Étude sont-ils satisfaisants ?
Oui. Nous avons calculé, selon les critères internationaux, la charge virale (présence du virus dans le sang) chez 458 patients représentatifs de tous nos patients sous traitement depuis au moins six mois. 85% des personnes testées présentent une charge virale indétectable. Cela signifie que la maladie est sous "contrôle" et que ces patients ne risquent pas de retomber malades tout de suite.

Ces résultats sont extrêmement positifs parce qu'ils sont comparables à ceux obtenus dans les pays européens. C'est la preuve qu'on peut offrir à un grand nombre de personnes vivant en milieu rural un sursis de plusieurs années. Sans traitement, tous nos patients seraient morts à une échéance d'un an à 18 mois. Le taux de décès ou d'abandon reste très élevé (25%), mais ça vaut la peine de proposer ces trithérapies antirétrovirales. Et cela donne l'espoir de voir ce type de prise en charge utilisé à plus grande échelle afin de repousser l'échéance pour 30 millions d'Africains infectés et qui sont, aujourd'hui encore, condamnés à mourir.
Malawi, novembre 2002
Grâce à une trithérapie antirétrovirale, cet homme a pu recommencer à s'occuper de sa ferme et reprendre son métier de maçon. Mais combien d'année de sursis peut-il espérer avant de devenir résistant au traitement?

Quels sont les défis à moyen et long terme ?
Le principal souci, c'est l'avenir de ces malades. Aujourd'hui, on sait que le traitement est efficace à six mois, à un an. Mais qu'en sera-t-il dans cinq ans ? Même si nous ne savons pas exactement quand, nous sommes certains qu'à terme, avec un virus en perpétuelle mutation, des résistances apparaîtront et que ces traitements ne seront plus efficaces. Que deviendront alors nos patients dont nous avons prolongé la vie ?
Pour l'instant, nous disposons de deux régimes thérapeutiques. Si les malades deviennent résistants au premier - et c'est déjà le cas pour quelques-uns -, nous pouvons leur proposer un traitement de seconde ligne. Mais dans des pays comme le Malawi, lorsqu'il n'y a pas assez de personnel soignant pour un trop grand nombre de malades, nous ne pouvons pas les surveiller individuellement pour changer leur traitement avant qu'ils ne rechutent. Du coup, nous risquons de leur proposer ce second traitement trop tard, et certains mourront avant même qu'il fasse effet.
Quant aux patients qui reçoivent cette seconde ligne à temps, s'ils développent à nouveau des résistances, à l'heure actuelle nous n'avons plus rien à leur proposer ! Il faut rendre disponibles rapidement d'autres antirétroviraux à moindre coup sur le marché si on ne veut pas aller droit dans le mur. Cela veut dire relancer la recherche, produire des génériques à moindre coût... Pour offrir aux malades du sida dans les pays pauvres autre chose qu'une simple rémission, il faut révolutionner complètement leur prise en charge !

© Didier Lefèvre

Notes

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