Soudan - Darfour : Malnutrition élevée, mortalité alarmante et aide insuffisante

Au Darfour, à l'ouest du Soudan, deux millions de personnes ont besoin d'aide alimentaire de toute urgence. La situation médicale et nutritionnelle des personnes déplacées par le conflit est catastrophique.

Dans les camps de Zalingei, de Mornay, de Niertiti et d'El Geneina dans l'Ouest Darfour, le taux de malnutrition dépasse les 20%. Dans la ville d'El Geneina, le taux de mortalité est dix fois supérieur au seuil d'urgence.

Malheureusement, le manque d'assistance adéquate, combiné avec l'augmentation des risques sanitaires pendant la saison des pluies, va conduire à la dégradation sévère d'une situation déjà catastrophique.

En juillet 2004, on estime à 1,2 millions le nombre de personnes déplacées dans l'ensemble du Darfour, et de nouvelles estimations font état de besoin en nourriture pour 2 millions de personnes (1). Ce chiffre intègre les besoins de populations résidentes, également affectées par le conflit (perte de récoltes, des réserves de nourriture et du bétail, perturbation des circuits commerciaux, pénurie et inflation élevée des céréales, partages des ressources avec les déplacés, etc.)

 

Des distributions de nourriture inégales et insuffisantes

De janvier à mai 2004, près de 30.000 tonnes de nourriture ont été distribuées par le Programme Alimentaire Mondial (PAM) dans l'ensemble du Darfour. Ces distributions ne couvrent qu'un tiers de l'ensemble des besoins. Des différences importantes sont à noter entre les 3 états du Darfour : au Nord Darfour, les besoins sont couverts à 78%, 21% pour l'Ouest Darfour et seulement 10% pour le Sud Darfour.

Dans les camps autour de la ville d'El Geneina dans l'ouest du Darfour, par exemple, seulement 35% des déplacés ont reçu la carte du PAM leur permettant de recevoir de la nourriture. La dernière distribution remonte à 7 semaines (avant le 30 mai).

Les rations distribuées sont généralement inadéquates et les distributions effectuées de manière irrégulière. Le niveau de l'assistance a également été limité par des problèmes d'accès et violences, ainsi que par la faible capacité opérationnelle des agences.

Les efforts réalisés par le PAM pour accroître les distributions de nourriture ces dernières semaines permettraient d'atteindre une couverture de 50% des besoins pour le mois de juillet. On peut en effet estimer que les 10.000 tonnes acheminées dans le Darfour en juin auront été distribuées en juillet. Ces distributions seraient plus équilibrées entre les 3 états du Darfour. Une assistance alimentaire a été apportée par le gouvernement soudanais, mais dans un nombre réduits de sites, dans des quantités limitées et pour une part réduite des populations.


Des taux élevés de malnutrition

Les enquêtes nutritionnelles réalisées par Epicentre dans les camps de déplacés de Zalingei, Mornay, Nyertiti et El Geneina dans l'Ouest Darfour (entre fin avril et fin juin 2004) montrent une prévalence de la malnutrition globale comprise entre 20,6% et 25,8%. Les taux de malnutrition sévère sont estimés entre 4,1% et 5,5%. Ce sont des extrêmement élevés.

Médecins Sans Frontières est aujourd'hui présente dans 17 sites sur l'ensemble du Darfour et a mis en place des Centres Nutritionnels Thérapeutiques (CNT) et Supplémentaires (CNS) pour soigner les enfant souffrant de malnutrition. 1.694 enfants sévèrement malnouris sont soignés dans nos CNT et 6.221 enfants modérément malnutris sont pris en charge dans nos CNS.

Pour pallier les manques de distribution générale de nourriture, MSF a également mis en place la distribution de rations de survie tous les 10 jours à Mornay et Zalingei, dans l'Ouest Darfour. Ces rations sont composées de 5 kg d'Unimix (nourriture spécialisée) et 1 litre d'huile tous les 10 jours à tous les enfants de moins de 5 ans. L'apport journalier est ainsi de 2697 Kcal pour une personne. Près de 105.000 rations de survie ont déjà été distribuées par MSF (soit en moyenne 15.000 rations distribuées chaque fois).

MSF va augmenter ces distributions pour atteindre de 40.000 à 60.000 rations de survie distribuées tous les 10 jours dans plusieurs sites, ce qui correspond à l'acheminement de 2.805 tonnes d'Unimix et 561 tonnes d'huile pour 3 mois. » Des taux de mortalitÉ alarmants

La situation déjà extrêmement fragile des populations, affaiblies par la faim, ne peut que se détériorer lors de la saison des pluies qui vient de débuter, pendant laquelle des maladies comme le paludisme ou les diarrhées vont faire des ravages. Les diarhées sont déjà une des principles causes de mortalité, tant chez les adultes que chez les enfants.

A Nyertiti, dans l'ouest du Darfour, les résultats préliminaires d'une enquête réalisée par Epicentre montrent des taux de mortalité de 1,73 décès pour 10.000 personnes par jour pour l'ensemble de la population, et de 2,97 pour 10.000 et par jour pour les enfants de moins de 5 ans (pour la période comprise entre le 14 mai et le 24 juin 2004), soit des taux supérieurs aux seuils d'urgence (1/10.000/jour). Chez les adultes, les diarrhées sont responsables de 40% des décès et ce taux s'élève à 50% chez les enfants de moins de 5 ans.

MSF est présent à Nyeriti auprès des déplacés, pour la prise en charge des enfants malnutris dans un centre nutritionnel thérapeutique (CNT) et dans un centre nutritionnel supplémentaire (CNS), la distribution de rations de nourriture à leurs familles et l'organisation de consultations médicales ainsi que l'hospitalisation des cas les plus sévères.

Médecins Sans Frontières a développé différentes activités à El Geneina : au sein de l'hôpital, dans le service des urgences et en pédiatrie, un CNT accueille également des enfants sévèrement malnutris. 3 centres de santé sont également installés dans 3 camps autour d'El Geneina, ainsi que deux CNT et des points ORS.


Manque d'assistance adéquate

Médecins Sans Frontières estime que le système d'aide mis en place par les différents acteurs ne pourra pas répondre de manière satisfaisante aux besoins nutritionnels et sanitaires des populations avant plusieurs mois. Le manque d'une assistance adéquate, combiné avec l'augmentation des risques sanitaires pendant la saison des pluies, va conduire à une sévère dégradation d'une situation déjà catastrophique.

 

 

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