Réunion d’équipe à Maradi

Une quinzaine de personnes sont rassemblées sous le porche de la maison MSF, ce jeudi 30 juin, pour la réunion hebdomadaire de l'équipe MSF : médecins, infirmiers, logisticiens, administrateurs, et Issa, infirmier nigérien qui supervise le centre nutritionnel. Mego, coordinateur de cette opération d'urgence à Maradi, mène la réunion et annonce vite la couleur. Désormais, en plus du programme de prise en charge de la malnutrition sévère, il va falloir mettre en place un dispositif de prise en charge de la malnutrition modérée dans au moins trois districts de la région, avec pour objectif de toucher près de 25 000 enfants de moins de cinq ans. Même si l'activité est déjà intense et tout le monde bien occupé, personne ne proteste. C'est une décision que l'équipe attendait et espérait.
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Centre de nutrition thérapeutique de Maradi

Reste à voir comment s'organiser. Prendre en charge la malnutrition modérée, cela veut dire réaliser des distributions gratuites de nourriture. Il faut détecter systématiquement les enfants de moins de 5 ans modérément malnutris dans les villages les plus touchés, puis leur distribuer une fois par mois pendant trois mois, une ration familiale composée de 25 kilos d'Unimix (farine hyperprotéinée) et de 5 litres d'huile.
Mego précisera dimanche au plus tard les zones qui seront ciblées. Mais sans attendre, il faut s'y préparer : recruter et former dès maintenant 9 assistants nutritionnels et 3 infirmiers pour enregistrer les enfants et trouver des entrepôts pour stocker la nourriture à proximité des lieux de distribution. Anne et Didier, logisticiens, sont chargés d'effectuer un rapide repérage.
La taille des entrepôts dépend du nombre de bénéficiaires des distributions. Dans les zones ciblées, 20% de la population a moins de 5 ans. Et d'après les enquêtes nutritionnelles réalisées en avril, près de 20% de ces enfants sont des malnutritis modérés. Un autre Didier, mécanicien, doit s'assurer de disposer d'une flotte de camions fiables pour transporter la nourriture.

Mais la distribution de nourriture n'est qu'un aspect de ce nouveau projet. Dans un pays où les soins sont payants, donc inaccessibles pour une grande partie de la population rurale, et quand on sait que la maladie fait basculer les enfants de la malnutrition modérée à la malnutrition sévère, il faut pouvoir leur garantir, le temps de l'urgence, un accès gratuit aux soins.
Créer de toutes pièces des centres de consultations serait intenable, parce que cela obligerait à recruter un personnel soignant nombreux alors que l'équipe médicale est déjà saturée de travail. Le goulot d'étranglement des ressources humaines...
Du coup, la stratégie envisagée est d'identifier dans chaque district ciblé trois CSI, les centres de santé intégrés qui dépendent du ministère de la Santé nigérien. En échange de l'assurance que les soins y soient gratuits pour les enfants référés par les équipes, MSF verserait des primes aux salariés et fournirait les médicaments. Les médecins de l'équipe, Mego, Sylvaine et Vanessa, doivent faire le tour des centres.
Commune de Yama
Des meres attendent de faire examiner leurs enfants par les MSF en clinique ambulatoire.

© Didier Lefevre / imagesandco.com

Dernier point à régler : en lançant une opération de cette ampleur, on s'attend à voir aussi arriver des enfants pas toujours malnutris, mais déjà très malades. Des enfants qui faute de moyens ne recevront pas les soins appropriés dans les CSI.
Difficile de ne rien faire pour eux. L'équipe prévoit donc de monter une unité pédiatrique, composée de 15 lits de soins intensifs et de 45 lits d'hospitalisation, qui pourra être étendue si besoin.
Mais où l'installer ? Mego propose un village équidistant des lieux de distribution, à une demi-heure de route de Maradi. Anne rétorque qu'il n'est pas judicieux de créer un nouveau lieu d'activité hors de Maradi, donc plus difficile à superviser. S'installer sur Maradi n'est pas non plus sans risque. Car si le service pédiatrique de l'hôpital de la ville, déjà débordé, décide d'y orienter tous les enfants dont les parents ne peuvent pas payer les soins, alors le centre pédiatrique pourrait bien être débordé à peine ouvert.

Or, pour des raisons logistiques et de faiblesse des ressources humaines, il n'est pas non plus possible d'ouvrir du jour au lendemain un centre de plus d'une centaine de lits. Pour l'instant, on décide de garder toutes les options ouvertes et Didier va chercher une structure en dur dans les différentes localités envisagées.

De toute façon, les décisions prises à la réunion de ce soir doivent encore être discutées avec l'équipe de coordination de Niamey ainsi qu'avec les responsables du programme Niger à Paris.
Si tout se passe bien, l'enregistrement pourrait commencer vers le 15 juillet, et les distributions au plus tard à la fin du mois. C'est déjà bien tard. Et très insuffisant pour couvrir l'ensemble des besoins des régions du Niger touchées par la crise nutritionnelle. Pour sauver des vies, la mobilisation du gouvernement, des bailleurs de fonds et d'autres ONG est plus que jamais urgente.

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