RDC - Le lourd tribut des populations du Nord Kivu

Les populations fuient les combats qui font rage dans le Nord Kivu
Les populations fuient les combats qui font rage dans le Nord Kivu © Marcus Bleasdale

Le regain de violences dans la province du Nord Kivu en République démocratique du Congo (RDC), depuis août 2007, a provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes et rendu extrêmement difficile l'accès pour ces populations aux soins médicaux. Jane Coyne, chef de mission MSF, présente la situation actuelle au Nord Kivu et explique le lourd tribut que paye la population.

Quels sont les besoins médicaux des populations civiles du Nord Kivu et les possibilités d’accès aux soins ?
Depuis la dernière vague de combats à la mi-août, nous assistons à des déplacements massifs de populations. Nous ne savons pas combien de personnes sont concernées car la situation évolue constamment. Selon certaines estimations, il y aurait entre 100 000 et 150 000 personnes déplacées depuis la mi-août qui s'ajoutent aux 300 000 à 500 000 personnes déplacées auparavant.
Il est extrêmement difficile d'avoir des informations précises car un grand nombre de personnes n'en sont pas à leur premier déplacement. Quoiqu'il en soit, il s'agit de déplacements à grande échelle et ces personnes qui ont dû quitter leur foyer vivent dans des conditions très précaires. Nous voyons maintenant des gens regroupées dans des camps, ce qui n'était pas le cas au Nord Kivu ces dix à quinze dernières années où les personnes déplacées trouvaient un abri chez des familles d'accueil. Aujourd'hui, ces personnes vivent dans de petites huttes couvertes d'une bâche en plastique pour se protéger de la pluie. Ils ne peuvent plus se rendre aux champs pour cultiver. Pour leur besoins en nourriture, les déplacés sont totalement tributaires des organisations humanitaires.

Dans les camps, les gens vivent à l'étroit, ce qui accroît le risque de transmission demaladies contagieuses. Ces derniers mois, nos équipes ont pris en charge des cas de choléra et de rougeole. Nous avons eu une grosse épidémie de rougeole à Nyanzale et avons noté une augmentation des pathologies courantes que nous observons en temps normal ainsi qu'une aggravation des maladies comme le paludisme, les infections respiratoires et les diarrhées.

Que font les équipes de MSF sur le terrain ?
Notre activité est centrée à la fois sur des soins primaires et secondaires. A Rutshuru, nous travaillons dans un hôpital de 200 lits qui dispose de services de médecine interne, maternité, pédiatrie, chirurgie et urgences. Nous avons eu une augmentation de 50% du nombre d'admissions, la troisième semaine d'octobre. Face à cela, nous avons ajouté des tentes pour accroître notre capacité de consultations, renforcé les équipes et augmenté les stocks de la pharmacie. Nous pouvons faire tout cela, mais cela représente naturellement un défi pour maintenir la qualité des soins. Pour offrir des soins primaires, notre équipe de Rutshuru met en place des cliniques mobiles qui vont là où les populations déplacées sont regroupées. Quand une équipe mobile part pour la journée, ce sont des médecins et des infirmières qui vont sur ces sites, en voiture, avec des médicaments. Nous donnons environ 100 à 150 consultations dans la journée, à des enfants de moins de cinq ans pour la plupart. Nous essayons de nous concentrer sur les personnes les plus vulnérables.
Dans certaines zones du Nord Kivu, aucune organisation humanitaire n'a pu se rendre depuis longtemps et nous ne savons pas dans quelle situation se trouvent les populations
Jane Coyne, chef de mission de Médecins Sans Frontières (MSF) en RDC


Est-il toujours possible d’avoir accès aux populations ?
Le conflit au Nord Kivu met aux prises plusieurs groupes armés, aussi à chaque fois que vous devez passer d'une zone contrôlée par un groupe armé dans une autre zone, cela complique l'accès à la population. Il y a des endroits au Nord Kivu où aucune organisation internationale humanitaire n'est présente depuis longtemps et nous ne savons donc pas dans quelle situation se trouvent ces populations et si elles peuvent avoir accès aux soins de base.

Que doit-on retenir aujourd'hui de la situation dans le Nord Kivu ?
C'est sans doute l'étendue des mouvements de populations et les conséquences des violences qu'elles subissent au quotidien, en termes d'accès aux soins. Actuellement avec ces déplacements, les personnes vivent dans des conditions très dures. La rougeole est une maladie qui ne frappe plus les pays occidentaux parce que tout le monde est vacciné. Le problème qui se pose maintenant est donc celui de la couverture vaccinale. Nous avons eu 500 cas de rougeole dans un petit centre de soins desservant une population relativement peu nombreuse et il n'y a aucune raison que les enfants meurent d'une maladie dont la prévention est si facile.

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