Prendre soin, avec des mots
Claire Reynaud est psychologue. Elle est arrivée au Cachemire une
semaine après le séisme pour mettre en place un volet de soins
psychologiques en collaboration avec un psychiatre expatrié et
prochainement deux psychologues pakistanais. Car l'équipe a
diagnostiqué chez des blessés, notamment des enfants, une difficulté à
renouer avec le monde après la catastrophe. Récit de son activité,
auprès des patients, à l'hôpital de Mansehra.
Pour mener notre évaluation, nous avons circulé entre les lits, regardé ces enfants prostrés, sans expression, le regard vide. Certains semblaient être seuls, alors qu'ils ne l'étaient pas. Ils n'avaient pas de réaction quand nous essayions de parler avec eux, ou ils se mettaient à pleurer. Pour un de ces petits garçons, la parole était impossible, sa blessure psychique trop à vif. Il a fallu avancer à tous petits pas, chaque jour passer pour dire bonjour, évoquer le quotidien - "Tu as bien dormi ? Tu as mangé ?" - surtout sans faire aucune allusion au séisme, au deuil, à l'événement traumatique. Après 4 ou 5 jours l'enfant a émergé.
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Pour ce petit garçon, la parole était impossible, sa blessure psychique
à vif. Au bout de quelques jours, il a emergé. On le voit ici avec
l'oncle qui l'a recueilli, et qui va l'élever avec ses enfants.
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Le séisme au Pakistan a eu pour conséquences un nombre très important de blessés graves, aux bras, aux jambes, aux mains, aux pieds. Faute de soins adéquats dans les premiers jours, les plaies se sont infectées, parfois même gangrenées, et il a fallu procéder à des amputations. Ces blessés, et parmi eux les enfants, sont particulièrement vulnérables. L'équipe de santé mentale est là pour les aider à émerger de cet état de choc émotionnel, qui se traduit par des signes cliniques bien identifiés.
Il s'agit d'un état prolongé de "sidération psychique", où la personne est émotionnellement paralysée, ne peut pas parler, dormir, manger, n'arrive plus à communiquer spontanément même si elle souffre physiquement. Chacun est équipé différemment pour réagir à ce genre de situations, selon son parcours personnel, ses croyances, sa culture...
Nous avions acheté au bazar des cahiers, des crayons, des poupées, des petits jouets, qui servent de médiation entre les enfants et les soignants : le jeu facilite l'entrée en contact, permet de rétablir du lien, de faciliter le retour à la parole. Parmi tout le petit matériel que nous avons ramené, les enfants ont adoré les petits hélicoptères... A l'image de ceux qui les ont secouru ?
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Noureen a dix ans. Pour elle, raconte Claire, la psychologue, j'ai
commencé à dessiner. Ensuite je lui ai passé le cahier. Elle a d'abord
refait les dessins, puis elle a commencé à dessiner ce qu'elle avait
envie de représenter
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Parfois, la blessure physique protège, en quelque sorte, de la blessure psychique. Cette jeune femme a perdu un de ses jumeaux de 5 mois dans le tremblement de terre. Très gravement blessée, elle a dû être amputée d'un pied. Cette femme fait preuve d'un courage extraordinaire. Elle ne se plaint pas, elle n'a probablement pas encore réalisé ce qui lui est arrivé. L'événement est beaucoup trop proche, trop présent, pour être verbalisé, et le futur n'est pas du tout envisageable.
Alors nous, nous sommes là pour une intervention brève, mais empathique, chaleureuse, soutenante. Et les résultats sont encourageants : des enfants prostrés, après quelques jours, qui s'éclairent, qui s'ouvrent. Cette démarche doit s'inscrire dans un ensemble de soins, c'est ce que nous avons fait là, et ce que nous voulons mettre en place pour d'autres interventions, avec un kit d'urgence pour les enfants, par exemple.
Pour finir, je voudrais saluer le courage immense de la plupart des gens, qui font face à cet événement avec dignité et solidarité. Très gravement blessés, amputés pour certains, sur un lit, avec quelques couvertures, dans une précarité immense malgré les efforts des équipes de secours.