Nigeria : à Jahun, MSF soutient les femmes victimes de fistules dans leur parcours de reconstruction

A l’hôpital général de Jahun, dans le nord du Nigeria, les équipes de Médecins Sans Frontières offrent des soins en chirurgie réparatrice, santé mentale, et rééducation à des femmes atteintes de fistules obstétricales. Les séquelles de la fiscule sont humiliantes et handicapantes pour les femmes et entraînent le plus souvent leur exclusion de la communauté. Environ 300 femmes bénéficient chaque année de ces services.
Le service de 55 lits dédié aux femmes victimes de fistules au sein de l’hôpital général de Jahun soutenu par MSF est un lieu de répit, pendant les deux à trois mois que durent l’hospitalisation, où se tissent des liens forts de solidarité et de sororité.
« Le service de prise en charge des fistules est un lieu agréable où les femmes peuvent parler de ce qu’elles traversent. Parce qu’elles ont vécu les mêmes difficultés, il se forme entre elles une relation particulière. Ensemble, elles font de leur mieux pour survivre à leurs blessures. C’est un lieu où l’on peut voir beaucoup d’espoir » explique Clémence Chbat.
Conséquence de ces accouchements traumatiques, les fistules consistent en une perforation entre le vagin et la vessie et/ou le rectum. Elles créent une incontinence permanente et handicapent lourdement les patientes, elles peuvent également provoquer des complications postérieures telles que des infections ou l’infertilité. L’incontinence permanente qu’elles provoquent chez les femmes est souvent le prétexte à leur stigmatisation, à l’exclusion de leurs communautés ou au divorce de leurs maris, et peut être à l’origine de troubles psychiques tels que des dépressions.
Chaque patiente peut nécessiter d’une ou plusieurs interventions de chirurgie réparatrice pour résorber la fistule. Depuis 2024, la Fondation MSF est venue compléter cette offre de soin par la mise en place d'une activité de rééducation en santé des femmes et la formation de physiothérapeutes locaux. « La rééducation permet aux femmes de retrouver le contrôle de leurs fonctions corporelles, la capacité de contrôler leurs urines et leurs selles et par conséquent leur dignité. C’est une étape essentielle vers la guérison », explique Elizabeth Braga, physiothérapeute de la Fondation MSF.
Une fois par semaine, les résidentes organisent également les « mercredis joyeux ». Ce sont des journées durant lesquelles elles réalisent des travaux manuels, confectionnent des bijoux ou des chapeaux, organisent des chants ou des matchs de basketball, s’apprêtent et se parfument ; autant de façons différentes de se sentir de nouveau fortes et autonomes.
Les efforts à entreprendre pour éradiquer les fistules sont autant individuels que structurels.
Les fistules obstétricales sont l’une des séquelles les plus graves d’accouchements longs et compliqués sans accès aux soins. Ils peuvent durer jusqu’à cinq jours et, dans 90% des cas, les femmes accouchent de bébés morts-nés. « On ne voit pas de fistules dans les pays occidentaux parce qu’il y a un accès à la césarienne ou aux ventouses, mais là le bébé reste coincé pendant plusieurs jours. La compression prolongée de sa tête sur le bassin de la femme crée une nécrose qui est à l’origine de la fistule », explique Clémence Chbat, référente médicale pour la santé des femmes à MSF.
Les accouchements avec complication se produisent souvent lorsque le bassin de la femme ou de la fille est trop petit pour laisser passer le bébé. Cela peut se produire en cas de grossesse précoce, avant 15 ans environ, ou lorsque la femme qui accouche a souffert de malnutrition et donc de retard de croissance dans l’enfance.
« Il faut d’abord sensibiliser les personnes concernées, principalement les femmes qui sont sur le point d’accoucher mais aussi leurs maris, les belles-mères, les accoucheuses ou encore les chefs religieux à la question des accouchements sécurisés et à la nécessité d’accéder rapidement aux soins en cas de complications, au plus tard après 24h de travail. On conseille également d’avoir mis de côté, en avance, la somme nécessaire pour payer le transport jusqu’à l’hôpital le plus proche, car cela reste malheureusement un frein réel pour de nombreuses femmes », explique Clémence Chbat.
Au-delà des actions individuelles, la lutte pour l’éradication de cette pathologie doit passer par l’accès des femmes à des structures de santé et des professionnels formés et ce durant leur grossesse et leur accouchement. Cela ne peut exister sans une volonté politique, un engagement des communautés et un investissement durable dans la santé des femmes.
En plus de la gestion du service de prise en charge des femmes victimes de fistules, MSF soutient depuis 2008 la maternité au sein de l’Hôpital général de Jahun et quatre maternités situées dans des plus petites structures dans les localités d’Aujara, Miga, Taura et Jahun. Chaque année, environ 20 000 accouchements y ont lieu.