Malte : MSF dénonce les conditions de vie dans les centres de rétention

Malte clinique MSF.
Malte, clinique MSF. © Patrick Zachmann / Magnum Photos

Les demandeurs d'asile et les migrants qui arrivent sur l'île de Malte sont enfermés dans des centres de rétention dans des conditions de vie affligeantes. MSF publie ce mois-ci son rapport intitulé ‘Not Criminals' afin de dénoncer les conditions de vie inacceptables et inhumaines qui règnent dans ces centres. MSF appelle une nouvelle fois à une amélioration immédiate des conditions de vie et des politiques de rétention à Malte.
 

Les demandeurs d'asile et les migrants qui arrivent sur l'île de Malte sont enfermés dans des centres de rétention dans des conditions de vie affligeantes. MSF publie ce mois-ci son rapport intitulé ‘Not Criminals' afin de dénoncer les conditions de vie inacceptables et inhumaines qui règnent dans ces centres. MSF appelle une nouvelle fois à une amélioration immédiate des conditions de vie et des politiques de rétention à Malte.

 

Une réfugiée somalienne :
«
J'ai traversé le désert pour fuir la Somalie et ses violences. J'ai atteint Tripoli au moment où ma grossesse touchait quasiment à sa fin. Le jour de mon départ, j'ai acheté une paire de ciseaux toute neuve et je l'ai gardée précieusement. Je voulais qu'elle reste propre.

Ma fille est née le premier jour de ma traversée en bateau. Un homme et une femme m'ont aidé à accoucher. Lui me tenait la main et elle a coupé le cordon ombilical avec les ciseaux flambant neufs. Nous étions 77 sur le bateau. Nous ne pouvions même pas bouger tellement nous étions nombreux. Les jours suivants, la mer était agitée.

L'homme et la femme me tenait et je tenais ma fille serrée contre moi. J'avais peur qu'elle tombe à la mer. Les quatre jours suivants, nous avons manqué d'eau et de nourriture. Ma fille aussi car je n'avais pas de lait à cause de la peur et de la faim. »

 

Une politique de rétention systématique

Ces dernières années, des migrants et des demandeurs d'asile ont quitté la côte libanaise pour Malte afin de trouver un refuge et/ou de meilleures conditions de vie. Le voyage sur des petits bateaux est pénible. Pendant des jours, hommes, femmes et enfants à bord ne peuvent pas bouger. Ils ont des réserves limitées d'eau et de nourriture et sont exposés à la pluie et au soleil. Ceux qui survivent au voyage connaissent ensuite la rétention à Malte et endurent des traitements inhumains.

La politique maltaise de rétention systématique a pour but de dissuader les étrangers d'entrer illégalement dans le pays. À leur arrivée, les migrants en situation irrégulière et les demandeurs d'asile sont obligés de rester jusqu'à 18 mois dans des centres de rétention surpeuplés.

Cependant, en dépit des nouvelles politiques destinées à maîtriser les arrivées et malgré la mise en place de contrôles plus stricts aux frontières sud de l'Union européenne, en 2008, le nombre de personnes arrivant à Malte a augmenté. Les nouveaux arrivants étaient 2 704. En 2009, cette tendance se poursuit. La plupart des personnes se tournent vers Malte afin d'échapper à la guerre civile, aux persécutions et aux problèmes économiques et environnementaux, des raisons qui pèsent plus lourd que l'effet dissuasif de la rétention à l'arrivée.

Des conditions de vie inhumaines

L'afflux de nouveaux migrants détériore encore davantage les conditions de vie déjà inhumaines des détenus. Surpeuplement, hygiène consternante et cellules inadaptées dans les centres exposent les détenus à des risques d'infections respiratoires et d'infections de la peau. L'accès aux soins médicaux est très limité.

La santé des détenus est de ce fait mise en danger. Les détenus souffrant de maladies infectieuses sont installés dans les mêmes zones que les personnes en bonne santé, ce qui contribue à la propagation des épidémies. Les patients doivent attendre des jours, parfois des semaines, avant de recevoir les médicaments qui leur ont été prescrits lors des consultations.

Les personnes vulnérables comme les femmes enceintes, les enfants et les personnes malades sont également détenues dans les centres de rétention et ne peuvent être libérées que sur décision prise au cas par cas.

Les conditions de vie nuisent à la santé des détenus

Un petit garçon éthiopien qui a passé 10 semaines dans le centre de rétention :
«
En octobre, il a commencé à faire froid. Ma mère, ma tante et moi dormions sur deux matelas, mais dans notre chambre, il faisait très froid à cause des fenêtres cassées. J'ai donc décidé d'aller dormir avec les deux autres Ethiopiens : leur chambre était très petite et n'avait pas de fenêtres, donc il ne faisait pas trop froid. Mais elle était à côté des toilettes. Pour y aller, je devais donc traverser les toilettes où le sol était toujours inondé. Ça sentait toujours mauvais.

À la fin du mois d'octobre, je suis tombé très malade, j'avais une grave infection aux poumons. Ils m'ont alors amené à l'hôpital où ils m'ont gardé plus de 10 jours. Une fois guéri, j'ai pleuré parce que je ne voulais pas retourner en prison. »

Entre août 2008 et février 2009, MSF a dispensé des soins de santé dans trois centres de rétention à Malte : Safi, Lyster Barracks et Ta'kandja. Mais il est vite apparu que l'impact de cette aide médicale était limité par les conditions de vie dans les centres de rétention. 17% des problèmes de santé diagnostiqués en consultation par l'équipe médicale de MSF étaient des problèmes respiratoires liés à l'exposition au froid et au manque de traitement des infections. Les infections de la peau reflètent, par ailleurs, la mauvaise hygiène et le surpeuplement qui règnent dans les centres.

« Travailler comme médecin dans un environnement comme celui-ci est frustrant et défie parfois toute logique. Comment pouvons-nous, en hiver, traiter un patient souffrant d'une infection des voies respiratoires et le renvoyer dormir sur un matelas humide posé à même le sol et près d'une fenêtre cassée ?

Comment pouvons-nous conseiller à un patient souffrant d'hypertension de surveiller son régime alimentaire et de faire de l'exercice s'il ou elle est enfermé(e) dans des cellules surpeuplées avec un accès limité à l'extérieur ? Les patients ont souvent besoin de plusieurs consultations pour les mêmes problèmes. En effet, les symptômes persistent à cause de l'environnement dans lequel ils vivent », explique Philippa Farrugia, médecin de MSF à Malte.

À différentes occasions, MSF a attiré l'attention des autorités maltaises sur les conditions de vie affligeantes qui règnent dans les centres de rétention et a fait pression pour que des changements interviennent. Cependant, malgré certaines initiatives destinées à améliorer les conditions d'accueil, les centres sont toujours loin de satisfaire les exigences européennes détaillées dans la directive de la Commission européenne sur les normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile.

En mars, MSF a suspendu ses activités dans les centres de rétention et a dénoncé publiquement les conditions de vie et les risques associés auxquels sont exposés les demandeurs d'asile.

Dans son rapport ‘Not Criminals', MSF révèle les conditions inacceptables de rétention et leur conséquence sur la santé physique et mentale des migrants et des demandeurs d'asile à Malte.


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