Le témoignage de notre chef de mission à Gaza

Depuis deux semaines, suite à l'enlèvement de l'un de ses soldats, l'armée israélienne est à nouveau entrée dans la bande de Gaza. Cette incursion, baptisée « Pluie d'été », a provoqué de nombreux dégâts matériels et humains. Laura, notre chef de mission, est sur place et raconte.

« Samedi dernier, j'ai pu rentrer dans la bande de Gaza avec notre responsable de terrain, un médecin et un logisticien. Nous avons évalué la situation afin d'intervenir en conséquence.

L'opération « Pluie d'été » se poursuit, avec des mouvements de chars israéliens et de nombreux tirs d'obus sur le nord de la bande de Gaza. Le bruit des explosions est incessant et terrifiant, notamment pour les enfants. Les assassinats ciblés sont aussi plus fréquents, occasionnant de nombreux blessés civils parmi les passants se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment. Dans le même temps, des « Qassams » (roquettes artisanales palestiniennes) continuent d'être tirées, tous les jours, de Gaza en direction d'Israël...

En plus des pertes humaines (depuis le 25 juin, 53 palestiniens sont morts, dont 9 mineurs et une femme, et 229 ont été blessés, dont 79 mineurs et 15 femmes), « Pluie d'été » provoque de lourds dégâts matériels. L'unique centrale électrique de Gaza - qui alimentait la centaine de pompes à eau approvisionnant la zone - a été détruite par des bombardements ; des maisons ont été occupées, endommagées ; beaucoup de champs ont été ravagés...
L'électricité n'ayant toujours pas pu être normalement rétablie (les lignes sont réparées, mais régulièrement détruites à nouveau), certains quartiers restent coupés du réseau pendant des jours et l'incertitude quant à l'approvisionnement en eau demeure. Hier lundi, MSF a fourni de l'eau à 40 familles (soit environ 400 personnes) ayant fui Shoka, un quartier investi par les chars israéliens près de la ville de Rafah.

Des problèmes d'approvisionnement, mais les hôpitaux fonctionnent

Le blocus pèse sur les entrées de médicaments, de nourriture et de carburant, pourtant nécessaire au fonctionnement des générateurs électriques. Sous la pression des Etats et des Nations unies, les possibilités de passages ont été accrues, mais restent néanmoins très strictement contrôlées par l'armée israélienne, omniprésente aux alentours du point de transit des marchandises de Karni (fermé depuis près d'une semaine). Le problème de la prise en charge des malades chroniques (cancers, diabètes...) se pose toujours, ces derniers ne pouvant plus être référés vers les pays voisins (Egypte, Israël, Jordanie) pour y être soignés avec le matériel et les traitements spécifiques, inexistants à Gaza...

Nous sommes entrés en contact avec les hôpitaux de la région. Pour le moment, des générateurs d'électricité permettent à l'activité hospitalière de se poursuivre. Les blessés sont correctement pris en charge, les salles d'opération sont fonctionnelles, les chirurgiens sont présents... Même non-payé, le personnel de santé continue de travailler. Nous avons effectué quelques donations de médicaments et de matériel médical, mais il est difficile pour les hôpitaux de fonctionner de cette façon, dans l'attente de la prochaine donation, sans savoir quand elle aura lieu ni ce qu'elle contiendra.

Une situation sanitaire dégradée à suivre de près

Dans un tel contexte, le stress et la nervosité se font de plus en plus sentir au sein de la population. Ainsi, les patients qui étaient jusque-là suivis par nos psychologues, notamment ceux vivant dans les quartiers les plus affectés par l'opération « Pluie d'été », ont demandé à reprendre dès que possible les consultations, afin d'évacuer les angoisses de ces derniers jours. Depuis mardi, nos psychologues sont de retour dans la bande de Gaza, les thérapies vont pouvoir reprendre.

Depuis que les Etats-Unis, l'Union européenne, le Canada et le Japon ont suspendu leur aide financière directe au gouvernement palestinien, la situation sanitaire s'est détériorée. Si elle devait encore se dégrader, cela deviendrait catastrophique, donc nous suivons l'évolution de près. Une autre équipe MSF - actuellement présente sur Amman, en Jordanie - se tient prête à venir nous prêter main forte, en cas d'urgence.

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