La galère des Libériens
Trois ans après les accords de paix, Médecins Sans Frontières est toujours présente au Liberia. Bien que les combats aient officiellement cessé, la violence perdure à Monrovia, et le système de santé ravagé par la guerre peine à se remettre de 14 années de conflit. Emmanuel Drouhin, responsable des opérations de MSF au Liberia, nous décrit la situation.
Dans le domaine de la santé, les budgets sont encore timidement débloqués. Il y a aujourd'hui 34 médecins libériens pour tout le pays ! C'est cinq fois plus qu'à la fin de la guerre, certes, mais à ce rythme, les ONG seront encore présentes pour des années... De fait, le Liberia n'a pas pleinement retrouvé sa souveraineté et dépend d'autres acteurs. Les Etats-Unis restent très présents dans toute l'Afrique de l'Ouest et déploient d'importants moyens pour la sécurité au Liberia, pays qui a été le pivot d'une guerre régionale impliquant la Guinée, la Sierra Leone et la Côte d'Ivoire. 15.000 Casques bleus sont présents, les agents du GEMAP (plan de lutte contre la corruption imposé par les bailleurs de fonds) contrôlent l'administration et l'essentiel de l'économie est entre les mains de compagnies étrangères. Le Liberia vit sous perfusion et sous tutelle.
Cette violence se traduit, au niveau de nos activités à l'hôpital de Mamba Point à Monrovia, par un afflux toujours aussi important d'urgences médicales (blessures par arme, brûlures intentionnelles). Nous avions ouvert cet hôpital en novembre 2003 suite aux violentes attaques de juin et presque trois ans plus tard, nous assurons toujours près de 36.000 consultations aux urgences et 10.000 admissions pour hospitalisation (médecine, chirurgie) par an.
Nous ne voulons pas prendre en charge la reconstruction du système de santé à la place des Libériens. Mais ne pouvons fermer nos activités que lorsque d'autres acteurs assurent le relais. Or les agences ou ONG aptes à mener des programmes de reconstruction peinent à prendre la relève. Sur Kolahun, les agences des Nations unies reconstruisent l'hôpital et nous allons passer nos activités sur ce site au ministère de la Santé à la fin de l'année 2006. A Foya, encore aujourd'hui, 3.000 à 4.000 personnes supplémentaires rentrant de Guinée ou de Sierra Leone passent par ce site pour regagner leurs villages. Les besoins médicaux restent très élevés par rapport à l'offre de soins.