Irak - Un système de santé débordé
Le docteur Bassam est un médecin irakien spécialisé en chirurgie
orthopédique et qui a participé au lancement de ce projet. Il vit
aujourd'hui avec sa famille à Bagdad, et fait partie de l'équipe de
partenaires travaillant avec MSF. Il nous explique la situation dans
laquelle se trouve aujourd'hui le système de santé irakien, et évoque
sa collaboration avec MSF.
Avant la guerre, nombreux étaient les patients qui venaient en Irak se faire opérer, de Syrie, de Jordanie ou d'ailleurs. Ce n'était pas cher et il y avait beaucoup de spécialistes. Les activités médicales étaient réputées. La situation s'est dégradée après la guerre du Golfe, mais elle a empiré après 2003. Aujourd'hui, le peu de moyens financiers disponibles est en priorité dédié aux problématiques sécuritaires, reléguant les impératifs de santé au second plan.
Ce matin, des dizaines de personnes ont été tuées à Falloujah. Hier, c'était à Bagdad. Et on compte plus le nombre de blessés, s'ajoutant à la longue liste des urgences qui viennent engorger les hôpitaux. Chaque journée voit donc son lot de morts et blessés [1].
Dans ce contexte, les patients n'ont pas la possibilité d'être pris correctement en charge par un système de santé de plus en plus débordé. Certains sont obligés de vendre leur voiture, parfois même leur maison, pour obtenir certains types de soins dans le peu d'hôpitaux capables de les assurer.
Quels sont les principaux secteurs de la médecine affectés par la situation ?
Résultat : il y a de moins en moins de médecins spécialistes, qui sont de surcroît particulièrement visés.
Nombre d'entre eux ont été kidnappés après le début de la guerre en 2003. Ils sont pris dans une sorte d'étau. Soit ils travaillent pour le système de santé irakien et reçoivent un salaire qui les expose de fait aux enlèvements et aux demandes de rançon, soit ils s'engagent dans des organisations non gouvernementales étrangères et prennent le risque d'être perçus comme travaillant pour les Américains.
De plus, nous prenons contact avec différents hôpitaux irakiens, ce qui permettra à MSF de les approvisionner régulièrement, dépendamment des nécessités. Toutefois, les contraintes sécuritaires ne nous permettent pas d'agir et de publiciser ce projet comme nous le souhaiterions.
De fait, MSF est considérée comme une organisation étrangère, qui expose ceux qui y collaborent à des risques d'enlèvement, ou pire. Nous devons donc faire profil bas, tant pour notre sécurité que pour celle des patients. C'est la raison pour laquelle un tel projet ne peut réussir qu'au prix d'une grande discrétion. Nous avons en revanche un très bon réseau de médecins en Irak, que nous connaissons, et avec lesquels nous sommes en contact. J'ai obtenu mon diplôme dans les années 1980, d'autres encore avant cette date. Nous avons donc de nombreuses relations dans le pays. Mais malgré nos expériences respectives, nous rencontrons de nombreuses difficultés.
Le deuxième point important concerne l'obtention des passeports. Ils sont aujourd'hui très difficiles à obtenir. Par exemple, un de mes collègues directement menacé en Irak a dû fuir le pays et travaille désormais pour MSF en Jordanie, mais sa femme a attendu plus d'un mois avant d'obtenir un passeport.
Le troisième point concerne la nature de ce projet, orienté sur trois axes limités que sont la chirurgie maxilo-faciale, orthopédique et plastique. Il y a tant de patients qui nécessitent d'autre types de chirurgie que nous ne pouvons pas assurer à Amman.
L'autre piste qui devrait nous permettre de référer d'autres patients concerne les greffes de cornées. Cette activité devrait pouvoir débuter à la fin du mois de septembre. Le ministère de la Santé irakien nous a d'ailleurs orienté dans cette voie. Là encore, quand il y avait des experts en ophtalmologie à Bagdad, il était tout a fait possible d'opérer les patients et de pratiquer des greffes de cornées. Mais aujourd'hui plus personne ne peut pratiquer ce type d'intervention.