Inde - Aide médicale aux sinistrés

Les équipes de MSF fournissent une aide médicale et des biens de première nécessité aux sinistrés.
Les équipes de MSF fournissent une aide médicale et des biens de première nécessité aux sinistrés. © Veronique Terasse/MSF

Les opérations de secours se poursuivent en Inde, dans les zones
inondées de l'Etat du Bihar, où des milliers de personnes vivent depuis
plus d'un mois dans des camps organisés ou des campements de fortune.
MSF leur fournit une assistance médicale et des biens de première
nécessité. Siju Seena, médecin MSF responsable des activités dans
les districts d'Araria et de Supaul, décrit la situation dans le camp
de Chunni (district de Supaul).

Où travaille votre équipe ?
MSF intervient dans les districts durement touchés de Madhepura, Purnia, Araria et Supaul. Avec mon équipe, nous travaillons plus particulièrement dans le hameau de Bhargama à Araria et la partie Est de Supaul, particulièrement isolée.

On n'y trouve aucune ONG et presque pas d'aide du gouvernement car l'accès y est très difficile et n'est possible que par l'ouest du district d'Araria.

Cette zone compte environ 15 camps, dont celui de Chunni, le plus négligé par les interventions de secours.

Près de 4 000 familles y sont regroupées le long d'un canal. A notre arrivée, les opérations de secours menées par l'armée étaient toujours en cours.

Quelle était la situation des déplacés à votre arrivée à Chunni ?
Les gens étaient désespérés, se plaignant que le gouvernement ne fasse pas assez pour eux.

Certes, ils avaient reçu de l'aide alimentaire larguée par avion mais les chefs du village l'auraient détournée et l'aide ne parviendrait pas jusqu'aux villageois. Des cuisines collectives avaient été mises en place dans le camp par les autorités, mais pas en nombre suffisant selon les habitants du camp. Malgré la présence d'un petit dispensaire militaire, les gens réclamaient des médicaments, disant qu'ils n'y en avaient pas assez.


Comment les équipes sont-elles intervenues dans ce camp ?
Cinq jours durant, nous avons distribué des biens de première nécessité, comprenant des bâches en plastique, des comprimés de purification de l'eau et des jerrycans. Nous avons également mené des consultations à travers des cliniques mobiles et procédé à des tests sur les sources d'eau.

Nous avons d'abord concentré nos efforts sur les soins d'urgence et la surveillance épidémiologique, avec une attention particulière pour les femmes enceintes, ou qui allaitent et les enfants de moins de cinq ans. Nous avons traité un total de 650 patients souffrant de diarrhées, d'infections respiratoires, d'infestations par des vers, et 86 cas de malnutrition. Les gens avaient souvent parcouru de longues distances en marchant dans l'eau. Certains ont dû être référés vers une clinique.

Le deuxième jour après notre arrivée à Chunni, une fillette, souffrant de sévères saignements vaginaux, était soignée par les médecins de l'armée. Selon sa mère ces saignements étaient dus à une sangsue, à la suite de leur longue marche dans les eaux. Les saignements étaient conséquents et la petite fille perdait souvent connaissance en raison de la chaleur. Selon le médecin militaire, elle ne devait pas survivre longtemps à ces saignements. La famille, désespérée, était en pleurs. Nous étions les seuls à disposer d'un moyen de transport, nous l'avons donc menée, en urgence, au centre de santé de la localité où on a pu lui retirer la sangsue et la sauver.

Quel est le plus grand défi pour les secours ?
La logistique a été un obstacle majeur, en particulier à Chunni. Les routes étaient infranchissables, pleines de crevasses.

Il y avait aussi ce que l'on nomme ici « nahar », d'étroites traînées de boue, avec de l'eau de part et d'autre, qui deviennent un cauchemar en cas de pluie. Nous avons vu de nombreux tracteurs renversés sur le côté de la route.

Pour atteindre les camps à partir de notre base, il fallait compter environ 5 à 7 heures. Le quatrième jour, sur une partie de la route, l'eau nous arrivait jusqu'à la poitrine. Nous avons dû abandonner la voiture, décharger le matériel de secours, traverser en bateau avant de continuer en tracteur. En raison de la quantité du matériel de secours, nous avons dû faire plusieurs voyages.

© Bjorn Nissen /MSF

Quand le niveau des eaux a enfin baissé, nous pouvions faire le trajet en tracteur puis, lorsque les routes ont été réparées, en voiture. Tout cela a été long et très éprouvant pour l'équipe. Celle-ci devait prendre la route à 6 heures le matin et revenait souvent très tard le soir. Mais la situation évoluant rapidement, nous avons pu achever les distributions.


Au-delà de Chunni, de nombreux sinistrés ont préféré rester dans leurs villages en dépit des inondations. Comment pouvez-vous leur venir en aide ?
Le chef de Mushahar, Sardas et Althaf, trois communautés de basse caste, nous a demandé de l'aide. Les populations s'étaient réfugiées sur des îlots de terre sèche, au-delà de Chunni.

Leurs villages avaient été inondés mais n'étaient pas accessibles par bateau par manque de profondeur des eaux. 10 à 15 hommes de ces communautés se sont présentés au camp de Chunni. Ils ont longtemps marché avec, parfois de l'eau jusqu'à la poitrine sur 4 à 5 km de distance, jusqu'à atteindre un point où les bateaux de l'armée pouvaient les transporter jusqu'au camp. Ils sont retournés à leur village, en emportant du matériel de secours pour leurs familles (environ 250), transportant leurs baluchons sur la tête. Les secours ont été distribués à ceux qui étaient trop faibles pour faire le déplacement.

Nous voulons également évaluer la situation plus loin et venir en aide à d'autres sinistrés qui seraient encore bloqués.
Siju Seena

Notre équipe a mené des explorations jusqu'à Chatapur et au-delà de Chunni. Nous voulons également évaluer la situation plus loin et venir en aide à d'autres sinistrés qui seraient encore bloqués. L'accès à ces zones est extrêmement difficile, et nous essayons de trouver des solutions, par bateau ou par voie terrestre, afin d'atteindre un plus grand nombre de personnes.


Aujourd'hui que les eaux se retirent, n'est-il pas plus facile d'accéder aux victimes ?

Oui, heureusement, mais nous devons faire face à de nouvelles difficultés. A plusieurs reprises nous avons rencontré des barrages routiers montés par les populations, et, pour les contourner, nous avons dû emprunter une route plus longue.


Un jour, sur la route de Chunni, des personnes venues d'un autre camp, moins affectés par les inondations, ont tenté de détourner l'aide. Elles ont grimpé sur les toits de nos véhicules, essayant de s'emparer de la cargaison, croyant que c'était de la nourriture. Mais il ne s'agissait que de médicaments et après deux heures de négociations, elles nous ont laissés passer.


Un autre jour, au cours d'une distribution aux déplacés du camp de Chunni, une foule originaire d'un autre village, qui n'avait pas été touché par les inondations, a demandé à bénéficier elle aussi de l'aide.
Les populations de l'Etat du Bihar sont extrêmement pauvres. Certaines personnes se sont montrées très agressives et une rixe a éclaté entre villageois et déplacés. L'équipe en charge de la distribution ne parvenait pas à contrôler la foule et a dû attendre deux ou trois heures avant de pouvoir reprendre la distribution.


Nous espérons que ces incidents ne se reproduiront pas grâce à une meilleure compréhension du travail de MSF au sein des autorités locales et des populations, et que nous pourrons atteindre les personnes qui ont le plus besoin de notre aide.

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