Honduras : MSF met en place un "service prioritaire" pour les victimes de viols

Brenda psychologue MSF travaille quotidiennement au centre de santé publique pour prendre en charge des victimes de violence sexuelle.
Brenda, psychologue MSF, travaille quotidiennement au centre de santé publique pour prendre en charge des victimes de violence sexuelle. © Ilse Casteels/MSF

A Tegucigalpa, capitale du Honduras, une personne est assassinée toutes les 74 minutes et des milliers d’autres sont victimes d’enlèvements ou de viols. MSF et le ministère de la Santé ont mis en place une offre de soins d’urgence aux victimes d’agression ou de violences sexuelles. L’objectif est que toute l’assistance nécessaire à ces survivants leur soit proposée  dans un seul lieu, au cours d’une visite unique, gratuite et confidentielle. Entre janvier 2013 et juin 2014, les équipes ont traité plus de 1 008 survivants de violences sexuelles et dispensé quelque 1 230 consultations de santé mentale.

Ce jour-là, Aurélia était partie travailler à cinq heures du matin, quand les rues de Tegucigalpa étaient encore désertes. Alors qu’elle marchait, une berline blanche aux vitres teintées s’est arrêtée au bord du trottoir. Puis la vitre s’est baissée, laissant apparaître un homme armé. « Il m’a dit de monter, raconte la jeune femme de 35 ans. J’ai continué à marcher, mais la voiture me suivait toujours. Il m’a dit « monte ou on te tue. » L’un des hommes est passé à l’arrière de la voiture et on m’a fait assoir à l’avant. Ils m’ont lié les mains et bâillonnée avec du scotch. Ils ont dit qu’ils me tueraient si je criais. Je suis restée silencieuse pour ne pas qu’ils me tuent… »

Aurélia a été violée dans la voiture par des inconnus la menaçant d’une arme. Après avoir été relâchée, elle s’est rendue dans une clinique soutenue par MSF où elle a reçu des soins médicaux et un soutien psychologique. Son histoire, aussi terrible soit-elle, est loin d’être unique. Aurélia n’est qu’une des milliers de victimes de violences sexuelles que compte la capitale du Honduras, connue comme l’une des villes les plus violentes du monde. Une personne est assassinée toutes les 74 minutes à Tegucigalpa, alors que des milliers d’autres sont victimes d’enlèvements ou de viols. La majorité des victimes de violences sexuelles sont des enfants et des adolescents. Sur les 2 832 enquêtes pour viols ouvertes par le ministère public du Honduras en 2013, la majorité concernait des jeunes de moins de 19 ans. Parmi eux, la plupart étaient des jeunes filles âgées de 10 à 14 ans.

Ces chiffres choquants, ne représentent sans doute que le sommet de l’iceberg, puisque peu d’agressions sexuelles sont déclarées à la police, par peur de représailles et de la stigmatisation associée au viol. De plus, un nombre très limité de victimes reçoit les soins médicaux et psychologiques nécessaires. Trop souvent, l’aide aux victimes est fragmentée, obligeant celles-ci à se rendre à plusieurs rendez-vous, dans différents endroits, sans continuité des soins ni garantie de confidentialité. Face à de nombreux obstacles, beaucoup de survivants décident de souffrir en silence. 

Une offre de soins gratuits et confidentiels

Le service prioritaire (‘servicio prioritario’) vise à changer cette situation. Mis en place par MSF et le ministère de la Santé à Tegucigalpa en 2011, il offre des services d’urgence aux  personnes qui souffrent des conséquences médicales ou psychologiques d’une agression ou de violences sexuelles. L’objectif est que toute l’assistance nécessaire à ces survivants leur soit proposée  dans un seul lieu, au cours d’une visite unique, gratuite et confidentielle.

Le traitement médical d’urgence inclut une prophylaxie post-exposition qui permet de prévenir l’infection par le VIH si elle est administrée dans les 72h après l’agression, ainsi que de protéger contre les infections sexuellement transmissibles, l’hépatite B et le tétanos. Les soins de santé mentale incluent un soutien psychologique et une assistance d’urgence. Pour les survivants de violences sexuelles, avoir accès à des soins adaptés peut faire la différence entre la vie et la mort.

« Avant d’être prise en charge par des médecins, je voulais mourir, dit Aurélia. Je me sentais sale. J’avais le sentiment d’avoir perdu une partie de ma vie, je ne voulais plus exister. Mais j’ai reçu une aide psychologique, ce qui m’a permis de surmonter beaucoup de choses. Ça a changé ma vie. »

Entre janvier 2013 et juin 2014, les équipes médicales de MSF ont traité plus de 1 008 survivants de violences sexuelles et dispensé quelque 1 230 consultations de santé mentale. Le ‘servicio prioritario’ est actuellement disponible dans trois centres de santé de la capitale, ainsi qu’à l’hôpital d’Escuela, le principal hôpital de la ville. Une équipe mobile de MSF étend ce service à d’autres parties de la ville.

La « pilule du lendemain interdite » au Honduras

Ce service est vital pour les survivants de violences sexuelles, mais il manque un élément important dans l’offre de soins, que MSF n’est pas en mesure de proposer. Après un viol, la plus grande crainte de nombreuses femmes est de subir une grossesse non désirée. Pourtant, la pilule contraceptive d’urgence (également appelée « pilule du lendemain ») est interdite au Honduras depuis 2009.

« Lorsque les patientes se présentent à nous, elles sont bouleversées et très perturbées par l’agression », explique Diana, médecin travaillant pour MSF dans un centre de santé de Tegucigalpa. « A leurs sentiments de frustration, d’impuissance, de rage et leur douleur, s’ajoute la peur de tomber enceinte – c’est leur principale inquiétude. »

Sans contraception d’urgence, les filles et les femmes enceintes suite à un viol n’ont d’autre choix que de donner naissance à un enfant dans la plupart des cas non désiré, ou de risquer un avortement illégal et dangereux. Ces deux options ont d’immenses conséquences médicales, psychologiques, et sociales.

Pour les équipes médicales, ne pas pouvoir donner de contraception d’urgence aux victimes de viols est extrêmement frustrant. « Il est très difficile d’expliquer à une personne qui a été victime d’une telle agression qu’on ne peut lui donner de pilule contraceptive, dit Diana. En tant que professionnelle, je me sens impuissante et frustrée. Et je me sens sans ressource – parce que je sais que cette pilule existe, et elles savent qu’elle existe, mais il y a cet obstacle. »

Un service bientôt étendu au reste du pays ?

MSF préconise la légalisation de cette pilule contraceptive d’urgence au Honduras, afin que les victimes de viols ne subissent pas une grossesse non désirée ou un avortement risqué. En parallèle, les équipes de MSF renforcent le système du service prioritaire à Tegucigalpa et œuvrent à ce qu’il soit répliqué dans le reste du pays, afin que toutes les victimes de violences sexuelles puissent recevoir l’aide qui a redonné à Aurélia le goût de vivre.
 

MSF est présente en Amérique centrale depuis plus de 25 ans. L’organisation répond aux catastrophes naturelles, aux urgences et autres crises médicales ou humanitaires, ainsi qu’aux conséquences médicales de la violence.

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