Haïti - Témoignage d'un médecin de MSF dans les villages dévastées par les inondations

Evi, médecin, travaille avec l'équipe d'urgence de la section belge de
Médecins Sans Frontières en Haïti. Récit de son périple dans les
villages dévastés par les inondations.

À la suite des pluies torrentielles qui se sont abattues dans la nuit du 23 au 24 mai, les villages frontaliers entre Haïti et la République Dominicaine ont été inondés. Surpris dans leur sommeil, de nombreuses personnes n'ont pu s'échapper.


Mardi dernier, un logisticien et un conducteur MSF ont tenté d'atteindre Fond Verrettes, mais ils ont dû faire demi-tour à 20 kilomètres de cette petite ville haïtienne: la route avait été complètement détruite. Le jour suivant, un médecin et un logisticien MSF sont montés à bord d'un hélicoptère et ont pu atteindre le village.

Fond Verrettes, un village haïtien situé aux abords d'une petite rivière et entouré de montagnes, a été complètement emporté par les eaux. La rivière est sortie de son lit sur une distance de plus de 500 mètres. Sous la pression des eaux, les maisons et les rues se sont transformées en champs de pierres. Plus de deux cents personnes manquent à l'appel mais jusqu'à présent, seulement trois corps ont été retrouvés. Beaucoup seraient ensevelis sous les rochers.

illustration
Haïti, Fond Verrettes
"Sous la pression des eaux, les maisons et les rues se sont transformées en champs de pierres."

Aujourd'hui, seules les maisons à flanc de montagne sont encore intactes. Les villageois qui ont pu échapper à l'inondation se sont réfugiés chez des parents, des amis ou dans des édifices publics. Jusqu'à six ou sept familles habitent la même maison.

La route principale qui traverse le village est bloquée de chaque côté et aucun véhicule ne peut se rendre à Port-au-Prince, la capitale, ou Jacmel. Certaines personnes provenant des villages sinistrés marchent plus de 15 heures pour atteindre Port-au-Prince, espérant trouver refuge chez des parents.

La situation sanitaire est dramatique. Les villageois, qui habituellement puisent leur eau d'un réservoir ou d'un ruisseau dans la vallée, recueillent à présent l'eau de pluie dans des seaux ou autres récipients. Les latrines sont rares. Pour l'instant, malgré cette situation, aucun cas de diarrhée et de typhoïde n'a été signalé.

Un grand centre de santé est situé sur le flanc de la montagne. Bien que les pièces soient remplies de boue, le bâtiment n'est pas endommagé. Les trois médecins et l'infirmière qui y travaillent habituellement, avaient quitté le village pour le week-end et n'ont pu, pour l'instant, y revenir.
illustration
Haïti, Fond Verrettes
Premiers soins des victimes des innondations.

L'équipe MSF a soigné les cas les plus urgents et donné du matériel médical d'urgence pour soigner 1000 personnes. Environ 30 patients se sont présentés, la moitié souffrant de lacérations, de coupures et d'ecchymoses. Presque tous ont perdu au moins un membre de leur famille.

Le jeudi, la même équipe de MSF s'est rendue à Mapou, un village situé en bord de mer, dans une région moins montagneuse. Nous avons dû prendre un hélicoptère, l'accès par voie de terre étant impossible. Des airs, nous avons vu de grandes étendues de terres inondées. Certains toits étaient visibles mais de nombreuses maisons étaient complètement submergées.

Le centre de Mapou est partiellement intact, mais la population est éparpillée et plusieurs personnes ne peuvent accéder au village. Jusqu'à présent, 69 personnes ont été déclarées mortes ou portées disparues. Le centre de santé du village possède une très petite réserve de médicaments. L'équipe MSF a mis en place des consultations dans une école située au centre de Mapou.

Aujourd'hui, un logisticien de MSF retourne à Mapou avec des bâches en plastique ("plastic sheeting") pour construire des abris et des fournitures médicales pour soigner les patients dans l'école. Demain, MSF tentera d'atteindre Thiotte, un autre village touché par les inondations".

Photos : Paco Ar valo/MSF

À lire aussi