Gaza, Hébron, Jénine : trois villes, trois contextes, trois récits
Le conflit israélo-palestinien n'épargne pas les civils. De part et d'autre des crimes de guerre sont commis. Présente
dans les Territoires palestiniens depuis 1988, Médecins Sans Frontières
mène un programme d'assistance médicale, psychologique et sociale en
Cisjordanie (à Hébron et à Jénine) et dans la bande de Gaza. Ces soins
sont destinés aux civils palestiniens, victimes du conflit, vivant dans
les zones exposées, à proximité de colonies et/ou d'installations
militaires israéliennes.
A Hébron, nos visites (médicales et psychologiques) à domicile se font dans la vieille ville et dans les villages alentours. Là aussi, des familles ont vu leur maison détruite et ont dû fuir. Ce lieu saint de la religion juive abrite les tombeaux des patriarches (Abraham, Jéricho, Sarah). La colonie prend ici une toute autre forme, car les colons vivent dans la ville même, au milieu de la population et des immeubles palestiniens et en camp fermé et isolé comme c'est le cas à Gaza. L'enfermement se ressent dans la rue et non plus dans des zones/enclaves aux accès limités ; Déjà parce que le couvre-feu qui y prévaut fait d'Hébron une ville morte, où rien ne s'active, ni habitant, ni commerce ; Mais aussi du fait des nombreuses maisons occupées par des soldats en charge de la protection des colons, aux toits recouverts de filets militaires kaki. Présence oppressante dans un contexte de cohabitation forcée.
Jénine est le dernier programme ouvert par MSF dans les Territoires palestiniens (en avril 2002). Ici, les consultations médicales et psychologiques ont lieu chez les patients, mais aussi au bureau de MSF. A Jénine, les stigmates de la guerre ne se portent pas sur les murs pourtant recouverts d'affiches de martyres palestiniens ; Ils se manifestent en plein coeur de la ville, là où se dressait le camp de réfugiés, réduit à néant par les bulldozers lors de l'invasion par l'armée israélienne. Aujourd'hui, au milieu des quelques bâtiments " survivants " éventrés : le " ground zero ", une esplanade de plusieurs m², totalement rase. Les gens disent que la poussière qui recouvre les arbres et ternit la ville provient de ces maisons détruites.
Pour toutes ces familles qui vivent enfermées chez elles, dans l'humiliation et la peur, les visites de MSF remplacent bien souvent celles de la famille et des amis qui n'osent plus se déplacer et venir. Le besoin de parler et d'être écouté se fait sentir à chaque rencontre. Recueillir des témoignages est chose facile, les gens se confient, veulent que "le monde sache" : trois récits pour trois villes et trois contextes finalement pas si différents. Celle d'une consultation psychologique à Beit Hanoun, dans la bande de Gaza ; Ou comment, grâce au dessin et au jeu, aider un enfant à surmonter le traumatisme lié à l'anéantissement de sa maison. Celle de deux familles à Hébron, vivant depuis des années avec des soldats sur leurs toits. Celle d'un enfant né à un check point à Jénine, en pleine nuit d'hiver, parce que l'ambulance n'a pas eu le droit de passer.