Ebola : « un travail de sensibilisation crucial »

République démocratique du Congo. L'équipe médicale apporte des soins à un patient atteint de la fièvre hémorragique Ebola
République démocratique du Congo. L'équipe médicale apporte des soins à un patient atteint de la fièvre hémorragique Ebola © Pascale Zintzen / MSF

Luis Encinas, coordinateur des opérations pour la région d'Afrique centrale, revient du Kasaï Occidental, province de la République démocratique du Congo (RDC) où une équipe MSF lutte contre une épidémie de fièvre hémorragique Ebola. Il fait le point sur l'épidémie.

A-t-on localisé l'épicentre de l'épidémie d'Ebola ?

L'épicentre se trouve probablement dans un village appelé Kaluamba, à 65 km au sud de Mweka, la principale ville dans la zone.
Ensuite, il y a des suspicions de « métastases » - c'est-à-dire des endroits où ont été observés des patients suspectés d'être atteints de l'Ebola - dans les villages de Kabau et Kalombayi et dans la ville de Mweka.

Jusqu'à aujourd'hui, 42 personnes au total ont développé des symptômes pouvant être ceux de la fièvre hémorragique Ebola, et treize parmi elles sont décédées.

En septembre et octobre 2007, MSF avait déjà répondu à une épidémie d'Ebola. 46 patients avaient été isolés et 186 personnes étaient décédées en l'espace de quelques mois.

Il n'y a pas de traitement contre la fièvre hémorragique Ebola. Que peut faire l'équipe MSF?

L'équipe doit d'abord d'isoler les patients pour qu'ils ne contaminent pas d'autres personnes et qu'ils puissent recevoir des soins médicaux palliatifs. Une autre partie de l'équipe - c'est le deuxième axe - se rend dans les communautés à la recherche des malades et fait le suivi des personnes qui ont été en contact avec les patients. Ensuite, il y a tout le volet de mobilisation sociale, c'est-à-dire la sensibilisation de la population sur la maladie, ses symptômes, ses modes de transmission et les méthodes de prévention.

Enfin, il faut faire en sorte que les soins de santé soient gratuits pendant toute la période de l'épidémie. Pourquoi est-ce important? La population n'a souvent pas les moyens de payer les soins de santé. La région est marquée par une grande précarité, une pauvreté omniprésente. La gratuité des soins permet de lever cette « barrière financière » qui empêche la population de se faire soigner. On peut ainsi identifier plus facilement les personnes atteintes d'Ebola et diagnostiquer d'autres maladies mortelles (paludisme, infections respiratoires, diarrhées virales et/ou bactériennes) pour ensuite les traiter.

Est-il simple de diagnostiquer la fièvre hémorragique Ebola ?

Nous nous basons principalement sur les signes cliniques et sur ce qu'on appelle l'historique du patient : a-t-il été en contact avec d'autres malades suspects? Systématiquement, on donne aux patients un traitement contre le paludisme et la shighellose, au cas où ils seraient atteints de ces maladies, car la confirmation définitive de l'Ebola ne peut venir que des laboratoires.

Une vingtaine d'échantillons de sang et de selles prélevés sur les patients ont été envoyés à des laboratoires dans la capitale congolaise, Kinshasa, ainsi qu'au Gabon et en Afrique du Sud. Mais la transmission des résultats de laboratoire met beaucoup de temps et nous n'avons reçu que dix résultats - dont quatre positifs. Il s'agit de trois personnes qui ont survécu à l'Ebola.

Pourquoi le travail de sensibilisation est-il crucial ?

Il y a énormément de croyances au Kasaï Occidental. Tout ce qui n'a pas d'explication scientifique reçoit des justifications surnaturelles, des explications sur le bien et le mal. Il faut donc expliquer que l'Ebola est un problème qui touche tout le monde - qu'on soit blanc ou noir, riche ou pauvre, homme ou femme, d'une religion ou d'une autre - et doit être combattu par tous.

Une équipe de sensibilisation, coordonnée par une sociologue, passe des messages par l'intermédiaire de 35 « personnes relais » au sein des communautés. Ils organisent aussi des réunions avec les chefs locaux et diffusent des informations via des affiches ou sur les radios locales.

L'équipe de sensibilisation joue un rôle important lors des enterrements, car ceux-ci doivent respecter des règles de protection très strictes qui vont souvent à l'encontre des coutumes locales. Dans certains rites funéraires, on rase les cheveux du défunt, on lui coupe les ongles, on le lave... Quand nous arrivons aux funérailles, nous expliquons bien à la famille pourquoi nous sommes là et qu'un seul membre de la famille fera toutes les manipulations avec nous et se chargera de demander à l'entourage de ne pas toucher le corps.

Avec cette personne, nous enfilons la combinaison de protection, nous mettons le corps du défunt dans un sac mortuaire en prenant soin de le laisser ouvert au niveau du visage. Pendant environ un quart d'heure, l'assistance tourne alors autour du défunt jusqu'à ce que nous puissions refermer le sac. Nous demandons au membre de la famille de désinfecter le corps lui-même avec de l'eau chlorée. Avant l'enterrement proprement dit...

Au fil des années et de l'expérience accumulée dans les épidémies de fièvre hémorragique, nous adaptons nos pratiques pour les rendre plus humaines et respecter la dignité des personnes touchées. Il faut trouver un équilibre subtil entre sécurité et rites culturels locaux.

Quelles sont aujourd'hui les priorités pour l'équipe MSF dans cette épidémie d'Ebola?

L'équipe sur le terrain continue de mener des investigations pour comprendre où et comment se propage le virus l'épidémie. Il faut identifier les chaînes de transmission de la maladie et renforcer les mesures de contrôle de l'épidémie.

De ce travail dépendra la suite de cette épidémie. La période d'incubation de la fièvre hémorragique Ebola est de 21 jours. Avant de parler de la fin de l'épidémie, il faudra donc attendre trois semaines après la découverte du dernier patient.

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