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De l'importance de connaître les origines de l'épidémie de choléra en Haïti

Plus de 2 000 morts et près de 100 000 malades, tel est le bilan provisoire deux mois après l'apparition du choléra en Haïti, où Médecins sans frontières a soigné plus de 51.000 personnes à ce jour. Surprenante par son ampleur et sa vitesse initiale de propagation, la maladie soulève d'importantes questions demeurées sans réponse. Son origine et le recensement quotidien des cas figurent ainsi parmi les inconnues qui constituent pourtant le B. A.-BA dans la compréhension de la dynamique d'une épidémie.

Essentiel pour guider la réponse, le système de surveillance et d'information mis en place par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) présente des lacunes. Outre l'absence de données précises sur le type de contamination initiale, il aura fallu attendre près de deux mois pour obtenir enfin une présentation de chiffres permettant aux acteurs de terrain de répondre, région par région, aux questions posées par l'évolution de l'épidémie : quand a-t-elle commencé dans cette zone ? Quelle est sa dynamique ? Peut-on craindre un rebond ? Pour sa part, le Center for Disease Control refuse officiellement d'enquêter sur l'origine de la maladie. Contrairement aux principes justifiant son existence, l'agence d'investigation et de surveillance épidémiologique du gouvernement américain affirme que "la réponse à cette question ne fait pas de différence en matière de prévention des cas".

De fait, l'absence d'investigations et les carences de la documentation laissent le champ libre à plusieurs théories. Schématiquement, deux hypothèses s'affrontent sur l'origine de l'épidémie dans l'Ile. L'une s'appuie sur le réchauffement climatique, l'autre sur une importation asiatique du vibrion.

L'hypothèse "verte" est notamment défendue par l'épidémiologiste David Sack de l'université Johns Hopkins (Maryland). D'après lui et certains de ses confrères, l'augmentation de la température des eaux et de leur salinité aurait favorisé le développement de zooplancton hébergeant le vibrion cholérique. Selon cette théorie, des foyers de vibrions pourraient persister durablement dans les eaux saumâtres stagnantes, et seraient susceptibles de déclencher de nouveaux pics épidémiques.

Microbiologiste à l'Université d'Harvard, John Mekalanos propose avec d'autres chercheurs une explication différente. Pour les partisans de d'hypothèse "népalaise", l'introduction du choléra serait liée à l'arrivée début octobre d'un contingent de Casques bleus (Minustah) comprenant des soldats originaires de Katmandou. Cette ville a en effet connu cet été un épisode de choléra dont la souche serait similaire à celle qui circule aujourd'hui en Haïti. Auteur d'une enquête réalisée sur place pour les gouvernements français et haïtiens, le Pr Renaud Piarroux (CHU Nice) renforce cette hypothèse en situant les premiers cas à proximité du camp de la Minustah de Mirebalais, en plein centre du pays et à distance des eaux éventuellement peuplées de zooplancton. Cette théorie peut aussi expliquer le démarrage brutal du choléra en Haïti.

Ces deux modèles explicatifs n'ayant pas du tout les mêmes implications quant à l'évolution de l'épidémie, la confirmation ou l'infirmation de l'une ou l'autre par une équipe multidisciplinaire indépendante constitue une priorité. Pourtant, l'Office de coordination des affaires humanitaires (OCHA) des Nations unies répète inlassablement que "la question de l'origine de l'épidémie n'a réellement aucune importance". La Minustah a longtemps récusé le besoin de toute investigation, affirmant que "des experts ont souligné la difficulté, voire l'impossibilité de déterminer avec précision la manière dont le choléra est arrivé en Haïti".

MSF ne peut cautionner ce type de déclarations. Dissimuler les données épidémiologiques ou garder confidentiels les rapports d'investigation est contre-productif. Cela empêche de poser un diagnostic précis et peut conduire à orienter les secours dans de mauvaises directions. Ainsi, l'OMS explique que l'épidémie continue de s'aggraver en se basant sur le nombre de cas cumulés (qui par définition ne cessent d'augmenter jusqu'à la fin). Sur la base de ses chiffres d'activité correspondant à plus de la moitié des malades, MSF observe quant à elle une tendance à la stabilisation du nombre de nouveaux cas quotidiens au cours des deux dernières semaines, à l'exception de certains foyers situés dans le département du Nord.

Invérifiables aujourd'hui, les prédictions alarmistes de l'OMS et du Secrétaire Général de l'ONU qui annoncent jusqu'à 650 000 cas ne peuvent qu'alimenter la peur. Pire, le refus de répondre aux questions de la société haïtienne sur l'origine du choléra entretient un climat de défiance et de suspicion envers les étrangers. Or, la confiance et un élément essentiel pour obtenir l'adhésion de la population aux dispositifs mis en place par les ONG internationales.

Pour ces raisons, la lumière doit être faite sur l'origine de l'épidémie. Il est essentiel que les résultats des différentes investigations épidémiologiques soient publiés et qu'une commission d'experts indépendants soit nommée.


Dr. Marie-Pierre Allié, présidente de Médecins sans frontières

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