Dans les turbulences du nord de la RCA

Village brûlé au nord de la République Centrafricaine
Village brûlé au nord de la République Centrafricaine © Ton Koene, mars 2006

Depuis mars 2006, MSF intervient autour de la ville de Paoua, dans le nord de la République Centrafricaine, pour améliorer l'accès aux soins de la population, victime d'un conflit entre troupes rebelles et forces gouvernementales. Nos équipes font face à un contexte difficile, et la sécurité est une préoccupation majeure.

Francisco Diaz, directeur logistique de MSF, a passé une semaine sur place afin de rencontrer les différents acteurs de la zone et d'évaluer les risques sécuritaires. 

Quelle est aujourd'hui la situation au nord de la RCA ?
Le nord de la RCA est une région au contexte politique chargé. Les frontières avec le voisin tchadien sont ouvertes, ce qui facilite la présence de groupes armés mal identifiés en RCA. Pour lutter contre ce phénomène, le gouvernement centrafricain a autorisé la présence de militaires tchadiens en RCA. On croise donc sur les routes de RCA de nombreux hommes en armes, militaires tchadiens, centrafricains et rebelles. Les affrontements entre groupes rebelles et troupes gouvernementales créent un climat de guerre qui contraint une partie de la population à se réfugier hors des villages pour échapper aux violences. Ces personnes vivent dans des conditions difficiles et sont privées d'accès au système de santé. Notre intervention suit donc deux axes. Une première équipe mène des consultations dans plusieurs endroits (écoles ou autre) au moyen de dispensaires mobiles. Une seconde équipe travaille à l'hôpital de Paoua (70 lits), afin - entre autres - de prendre en charge les personnes référées par ces dispensaires itinérants.

Sur les plans opérationnel et médical, où en est-on après quatre mois d'intervention ?
Au niveau opérationnel, l'équipe est dans une phase de consolidation. A l'hôpital de Paoua, il nous faut par exemple organiser la gestion de la pharmacie, mettre en place une chaîne du froid ou encore revoir la façon dont les données statistiques médicales sont collectées et compilées. Concernant le dispensaire mobile, il faut procéder à quelques aménagements sur les lieux que nous visitons, en construisant par exemple des latrines et des abris basiques pour les patients en cas de pluie. Il nous faut également mettre à plat l'organisation logistique des transports et de l'installation sur chaque site.

Sur un plan médical, nos activités visent en priorité les personnes les plus fragiles (enfants, femmes enceintes et personnes âgées, notamment). L'objectif est d'assurer un accès aux soins d'urgence aux personnes réfugiées hors des villages, en les référant si nécessaire à l'hôpital de Paoua. Pour l'instant, le principal motif de consultation externe est le paludisme (plus de 50%), ce qui est assez logique durant la saison pluvieuse, la forte multiplication des moustiques augmentant d'autant le risque de transmission à l'homme. Les autres motifs de consultation sont les parasitoses, les diarrhées non sanglantes, divers types d'infections, ainsi que d'autres pathologies dans des proportions mineures. Notons qu'au niveau de l'hospitalisation, plus de la moitié des admissions se font dans le service de pédiatrie.

L'un des buts de ta visite était de mieux évaluer les conditions de sécurité dans lesquelles évoluent nos équipes. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Dans cette région du nord de la RCA, la population civile vit une situation très difficile. Les militaires n'hésitent pas en effet à mener des représailles contre les villages suspectés d'accueillir des rebelles, et les habitants se trouvent alors contraints de fuir pour se mettre à l'abri. Il faut aussi noter que de nombreux « coupeurs de routes » sont à l'oeuvre dans la région. Ces groupes - anciens mercenaires ou militaires pour la plupart - ajoutent à la confusion et font peser des risques sur nos activités. Pour toutes ces raisons, les accrochages sont fréquents, et s'ils ne menacent pas directement nos équipes pour l'instant, ils créent un contexte d'insécurité à prendre au sérieux. Ainsi, il y a quelques semaines, un véhicule du CICR a été la cible de tirs sur une route à proximité de Paoua, heureusement sans faire de blessés. Si les circonstances dans lesquelles s'est produit cet incident semblent écarter la thèse d'un acte prémédité contre le CICR en tant qu'organisme humanitaire, il n'en reste pas moins qu'un tel acte n'est pas acceptable. Il est donc très important de bien expliquer les principes de notre action afin de faire comprendre aux autorités civiles et militaires que soigner des patients ne signifie pas soutenir les rebelles. Le message semble être bien passé.

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