Dans le Nord du Nigéria, MSF développe de nouvelles approches de soin pour contrer les effets à long terme de la malnutrition.

long-term impact of malnutrition
Mubarak Muttawakil, physiothérapeute MSF, mène une séance de physiothérapie avec Hashim et sa mère Harira, au centre d'alimentation thérapeutique pour patients hospitalisés soutenu par MSF à Unguwa Uku, dans la zone de gouvernement local de Taurani, dans l'État de Kano. 2025 © Abba Adamu Musa/MSF

La crise de la malnutrition s'aggrave dans le Nord du Nigeria. De janvier à mai 2025, MSF a admis 24 784 enfants souffrant de malnutrition sévère dans des hôpitaux  et 107 461 enfants dans des centres d'alimentation thérapeutique ambulatoires dans cette région. Ces chiffres sont en augmentation constante. Au-delà de l’urgence vitale, il est impératif de contrer les effets dévastateurs à long terme de la malnutrition infantile. En effet, les enfants qui y survivent souffrent souvent de retards physiques et cognitifs qui peuvent entraîner des dommages irréversibles et durables jusqu'à l'âge adulte. C’est dans ce contexte de crise aiguë que les équipes MSF développent des approches innovantes d’offres de soins en s'attaquant à la fois aux besoins immédiats mais aussi aux conséquences à long terme graves sur le développement des enfants.

« La malnutrition n'est pas seulement une urgence à court terme, c'est un combat à vie pour de nombreux enfants », explique le Dr Jamila Shuaibu Bello, médecin MSF dans l'État de Kano, dans le nord du pays. « Elle affecte le développement du cerveau. Elle affaiblit le système immunitaire, ce qui rend les enfants plus vulnérables aux maladies transmissibles. Elle est également liée à des maladies chroniques comme le diabète et l'hypertension. »

Certains de ces enfants ne franchissent pas les étapes clés du développement moteur comme la marche à quatre pattes à 8-10 mois ou la marche à 18 mois. La malnutrition chronique entraîne souvent un retard de croissance, qui nuit au développement mental, aux résultats scolaires et aux capacités cognitives. Ummul Khairun Mohammed, une patiente de deux ans, est soignée pour malnutrition aiguë sévère dans un centre d’alimentation thérapeutique soutenu par MSF à l'hôpital général de Maiyama, dans l'État de Kebbi. En raison des retards de développement causés par cette maladie, elle ne peut toujours pas marcher. 

Des milliers d'enfants sont ainsi pris en charge par les équipes de MSF dans le nord du Nigeria. Pendant plusieurs jours - parfois jusqu'à plusieurs semaines - ils reçoivent un traitement visant à les stabiliser, à traiter les complications médicales et à favoriser une prise de poids rapide. La plupart d’entre eux se rétablissent, mais si les problèmes de développement ne sont pas rapidement traités, les dommages peuvent être irréversibles. 

C’est pour contrer ces effets à long-terme que MSF a mis en place deux nouvelles approches de soin.

La première consiste à restaurer le mouvement. Avec le soutien de la Fondation MSF, nos équipes ont récemment lancé des programmes de physiothérapie pédiatrique dans les États de Kano et de Katsina, dans le nord-ouest du pays. Ces séances comprennent des exercices guidés, une thérapie basée sur le jeu et une formation pour les proches de l’enfant afin de continuer ces exercices à la maison. Fatima Abdulmajid, physiothérapeute MSF à Kano, explique : « Quand je suis arrivée, j'ai été choquée par la gravité des retards moteurs. En voyant les progrès des enfants semaine après semaine grâce à la stimulation motrice, je suis fière du travail que nous accomplissons. »

Les premiers résultats sont en effet très prometteurs. Les enfants ont retrouvé une partie de leurs fonctions motrices et franchi des étapes clés de leur développement. C’est le cas pour Usman Aliyu, 13 mois, qui a été traité pour malnutrition à l'hôpital Unguwa Uku de Kano avant de participer à des séances de physiothérapie. « Avant qu'Usman ne tombe malade, il pouvait ramper et se tenir debout. Mais il a perdu ces capacités à cause de la maladie », explique Aisha Aliyu, sa mère. « Les séances de kinésithérapie lui ont appris à se remettre debout et il fait maintenant des pas vers la marche. »

La seconde approche concerne la santé mentale sur laquelle la malnutrition a un fort impact. Les enfants sont plus susceptibles de développer de l'anxiété et de la dépression et leurs parents se sentent souvent impuissants et dépassés. Un soutien psychosocial a ainsi été mis en place par les équipes MSF dans plusieurs de ses projets de lutte contre la malnutrition dans les États de Zamfara, Bauchi, Sokoto, Borno, Kebbi, Kano et Katsina. 

« C'est une chose de traiter l'enfant médicalement, et c'en est une autre d'évaluer quels domaines du développement ont été affectés émotionnellement », explique Kauna Hope Bako, superviseur de la santé mentale de MSF à Bauchi. 

Les services comprennent la thérapie par le jeu, le conseil et l'éducation des soignants pour aider les familles à gérer les problèmes émotionnels et comportementaux.

L'intégration de la physiothérapie et du soutien à la santé mentale dans le traitement de la malnutrition marque une étape cruciale vers des soins pluridisciplinaires qui vont au-delà de la simple survie de l’enfant et prennent en compte la qualité de sa vie future.

La malnutrition est une urgence de santé publique au Nigeria. Selon l'UNICEF, trois millions d'enfants souffrent actuellement de malnutrition aiguë sévère au Nigeria - contre 2,6 millions en 2024. Parmi eux,1,65 million se trouvent dans six États du Nord touchés par le conflit en cours au Nigeria. La crise persistante de la malnutrition dans le nord du Nigeria est due à une série de facteurs tels que l'inflation, l'insécurité alimentaire, l'insuffisance des infrastructures de soins de santé, les problèmes de sécurité persistants et les épidémies aggravées par une faible couverture vaccinale. En 2025, MSF a augmenté la capacité des lits d'hospitalisation, développé les centres d'alimentation thérapeutique ambulatoires et recruté davantage de personnel. Les équipes ont renforcé également les activités de promotion de la santé dans plusieurs communautés, notamment l'éducation sur la manière de prévenir, de détecter et de traiter la malnutrition.

Notes

    À lire aussi