Chine : Premiers pas difficiles pour les ARV

Le 1er décembre 2003, en partenariat avec les autorités sanitaires
chinoises de la province du Guangxi, MSF ouvrait à Nanning une clinique
pour prendre en charge les malades du sida. Un an plus tard, plus de
200 patients y sont suivis, dont 122 reçoivent une trithérapie
antirétrovirale. Mais des obstacles - médicaux, financiers et
psychologiques - restent à surmonter.

L. et H. sont tous les deux séropositifs. Faute de moyens financiers suffisants, ce couple avait été contraint de faire un choix impossible : lequel des deux se sacrifierait pour que l'autre puisse s'offrir un traitement. Ils ont décidé et la femme a commencé à se préparer à mourir... C'était avant que MSF ouvre, le 1er décembre 2003, une clinique pour prendre en charge les malades du sida à Nanning, dans la province du Guangxi en Chine (47 millions d'habitants). "Lorsque nous leur avons proposé une trithérapie antirétrovirale (ARV) gratuite, H. a d'abord refusé, elle s'était tellement habituée à l'idée de sa propre mort, raconte Charles, l'infirmier en charge de la pharmacie à la clinique de Nanning. Elle a fini par accepter le traitement et son état s'améliore très vite."
Consultation à la clinique MSF de Nanning
Un an après l'ouverture, 200 patients sont suivis à la clinique MSF, dont 122 reçoivent un traitement ARV.

L. et H. font partie des 122 malades du sida qui reçoivent des ARV à la clinique MSF de Nanning, un an après son ouverture en partenariat avec le CDC (Centre de veille et de contrôle des maladies) Au total, 200 personnes séropositives y sont suivies. Mais l'amélioration de l'état de santé de nos patients ne doit pas faire oublier que de nombreux obstacles - médicaux, financiers et psychologiques - doivent encore être surmontés.

Des malades difficiles à atteindre
Le sida est une maladie encore mal connue en Chine, tant par la population générale que par le personnel médical. Peu de malades font la démarche de se faire tester et ce pour plusieurs raisons : parce que le dépistage des personnes séropositives est encore rare dans les centres de santé, parce que le test de confirmation de la séropositivité est très cher par rapport au niveau de vie chinois (50 euros), parce qu'il y a encore trop peu de personnel et de structures qualifiés pour accueillir, traiter et prendre en charge les malades du sida et, enfin, parce que la stigmatisation de cette maladie en Chine est encore très forte.

Grâce à la collaboration entre le CDC de Nanning et MSF, une clinique spécifiquement dédiée à l'accueil et au traitement des malades du sida a pu être mise en place, clinique où les ARV, ainsi que les traitements pour les maladies opportunistes du VIH, ont pu être offerts. Jusqu'à peu, cette structure était la seule dans la région à proposer une telle prise en charge. Parmi les engagements pris par le gouvernement chinois pour lutter contre le sida, il y avait celui de fournir des traitements ARV de qualité et gratuits aux malades les plus pauvres. C'est chose faite - depuis août 2004 - dans la province du Guangxi où le CDC provincial de Nanning propose désormais gratuitement des trithérapies de qualité (de marques internationales et chinoises). De plus, quatre centres CDC décentralisés de la province du Guangxi ont été choisis pour le traitement du VIH/sida.

Une prise en charge globale...
Nous admettons dans notre programme les habitants de Nanning et du Grand Nanning, district où vivent 6 millions de personnes. Dernier critère pour être admis, il faut que le patient ait une bonne compréhension des ARV, qu'il ait confiance dans le traitement et la volonté de se soigner. Cela garantit un suivi régulier du traitement, et limite ainsi les abandons et donc le développement de résistances au traitement.

Ouverte trois jours par semaine, la clinique MSF prodigue des soins et des traitements gratuits. Nous prenons également en charge tous les frais de laboratoire et d'hospitalisation. Nous assurons enfin les traitements contre les maladies opportunistes du sida (notamment la tuberculose et la péniciliose) que développent nos patients du fait de l'affaiblissement de leur système immunitaire.
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Clinique MSF de Nanning, juillet 2004
La prise en charge gratuite proposée par MSF, outre les ARV, comprend également les traitements contre les maladies opportunistes du sida, notamment la tuberculose.

Les patients suivis à la clinique ont en moyenne un rendez-vous tous les mois. A chaque fois, ils sont reçus en consultation par un médecin et passent à la pharmacie récupérer leur traitement. Ces visites sont également l'occasion d'obtenir des informations sur les effets secondaires des médicaments, ainsi que des conseils sur la gestion de la maladie au quotidien. "Les patients ont besoin d'être rassurés, explique Li Lin, l'un des deux conseillers de la clinique. Je leur parle de l'effet du sida sur leur organisme, des modes de transmission, des ARV, de l'attitude à avoir par rapport à la maladie etc. Je les aide aussi à exprimer leur souffrance psychologique."

...mais des traitements lourds
Cette prise en charge globale donne des résultats satisfaisant. "Aujourd'hui, je suis soigné gratuitement, je vais mieux, j'ai bien récupéré et je peux retravailler", témoigne l'un de nos patients.
Mais nos traitements se heurtent à des obstacles. A cause de la législation sur les brevets, les combinaisons à doses fixes (FDC), qui combinent en un seul comprimé plusieurs molécules, ne sont pas disponibles en Chine. Ainsi, l'un de nos patients doit avaler 48 comprimés chaque jour, dont 17 rien que pour traiter sa tuberculose. "S'il avait accès aux FDC, cet homme n'aurait plus que 3 cachets au lieu de 17 à prendre", constate Charles.
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Lourdeur du traitement
A cause de la législation sur les brevets, les combinaisons à doses fixes (FDC), qui combinent en un seul comprimé plusieurs molécules, ne sont pas disponibles en Chine. Du coup, nos patients doivent avaler de nombreux comprimés.

L'autre problème majeur est une conséquence directe de la stigmatisation à laquelle se heurtent les malades du sida, même au sein du corps médical. "Ici, la plupart des gens pensent que seuls les toxicomanes sont concernés par le sida. Les enfants ne pouvant pas faire partie de cette "population", les ARV pédiatriques ne sont pas encore produits, ni importés, ni importables en Chine", déplore Helle, infirmière et responsable terrain à Nanning.

Continuer à améliorer le traitement
Beaucoup reste à faire pour faire reculer la stigmatisation des malades du sida en Chine. Il faudra probablement attendre que les gens constatent d'eux-mêmes que le traitement fonctionne. "Les gens auront alors moins peur de mourir et oseront peut-être davantage en parler autour d'eux", espère Helle. Pour contribuer à faire reculer la stigmatisation, et montrer aux autorités sanitaires du Guangxi qu'il est possible de prendre en charge les malades du sida, la priorité de la clinique MSF doit être d'accueillir plus de patients de Nanning et sa région. L'équipe MSF s'est donc mise en rapport avec le service tuberculose de l'hôpital et pousse les infirmières à y effectuer le plus de dépistages possibles. Les cliniques spécialisées dans le traitement des maladies sexuellement transmissibles ont également été contactées afin de pouvoir approcher davantage de malades.

© Isabelle Merny/MSF - Nanning, juillet 2004

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