Au Darfour, les déplacés dépendent toujours de l'aide

En l'absence de solution politique entre les principaux acteurs au conflit (le gouvernement de Khartoum et le SLA, le principal parti rebelle), les populations du Darfour continuent de subir des pics de violence, notamment sur l'axe Nyala / El Fasher (Sud et Nord Darfour). Et les centaines de milliers de déplacés toujours regroupés dans des sites restent totalement dépendants de l'aide extérieure pour assurer leur survie. Interview du Dr Pauline Horrill, responsable de programmes Soudan à MSF, de retour de visite dans le Darfour.

Quelle est la situation dans les camps de déplacés de l'Ouest Darfour ?

Dans les camps, les populations continuent d'être dépendantes de l'aide extérieure pour la nourriture et la santé. Peu à peu, une certaine forme d'économie se met en place, signe qu'une frange de la population cherche à s'installer. Certaines familles achètent des terres ou construisent des maisons avec des matériaux semi-permanents, d'autres ont trouvé des petits boulots, dans les marchés, ou dans les grandes villes à proximité comme à El Geneina et Nyala, ou encore travaillent dans les quelques plantations qui existent aux alentours des sites.

A Mornay, une fabrique de briques a même vu le jour. Les déplacés ne veulent toujours pas rentrer chez eux car les problèmes de sécurité perdurent. De plus, la non-résolution du conflit les porte à croire qu'ils vont devoir rester dans les camps au moins pour l'année 2005.

Par rapport à ma dernière visite en octobre dernier, le changement est manifeste : à l'époque, les populations réclamaient surtout de la nourriture, des vêtements et une meilleure sécurité. Aujourd'hui, à part à Niertiti où les ONG qui s'étaient engagées à distribuer des produits de première nécessité (couvertures pour l'hiver, etc.) n'ont pas encore entamé de distributions, leur principale demande concerne l'accès à l'éducation, signe que les déplacés veulent se stabiliser dans les camps. Même s'ils n'ont pas vraiment le choix.


Quelles sont aujourd'hui les activités de MSF dans l'Ouest Darfour ?

Nous poursuivons nos activités dans les quatre sites où nous sommes installés, El Geneina, Mornay, Zalinge et Niertiti. En revanche, nous avons fermé tous nos centres nutritionnels thérapeutiques, car les distribution du Programme alimentaire mondial (PAM) sont désormais régulières et suffisantes. Les déplacés ont d'ailleurs des stocks de nourriture chez eux. Même si leurs conditions de vie restent précaires, on assiste dans ces différents sites à une amélioration de leurs conditions de vie.

Mais il faut rappeler l'énorme volume d'activités médicales, nutritionnelles et sanitaires mises en place par les équipes sur ces sites depuis fin décembre 2003, auprès d'une population d'environ 300.000 personnes (169.000 déplacés et 147.000 résidents).

Ce sont ces activités que nous allons poursuivre, même si nous avons commencé à passer certaines d'entre elles à d'autres ONG, notamment en ce qui concerne la distribution d'eau. Car, alors qu'un grand nombre d'organisations humanitaires sont présentes au Darfour, peu sont réellement opérationnelles. Nous maintenons donc nos programmes et restons concentrés sur nos activités médicales.


MSF va-t-elle étendre ces activités à d'autres zones ?

A partir des sites où nous sommes installés, nous allons désormais nous rendre également dans quatre autres zones qui nous semblent devoir être investiguées. Dans le camp surpeuplé de Kalma, près de Nyala, il n'y a aucune présence médicale fixe pour les 140.000 personnes désormais présentes et celles qui continuent d'arriver régulièrement. Autres zones : le Jebel Marra, un des bastions du SLA, Garcilla, au sud de Zalinge, et la frontière tchadienne.


Qu'en est-il de la situation au Tchad ?

A partir d'El Geneina, nous avons pu nous rendre au Tchad, car la frontière est désormais ouverte entre les deux pays. A Adre, nous travaillons dans tous les services de l'hôpital, notamment en chirurgie. Aujourd'hui, près de 200 000 Soudanais se sont réfugiés au Tchad. Mais dans certains camps, par exemple, les réfugiés ne disposent que de 6 à 7 litres d'eau par personne et par jour, alors que le minimum d'eau potable indispensable est fixé à 20 litres selon les normes internationales. Au-delà du Darfour, la situation des réfugiés soudanais au Tchad est donc tout aussi précaire.

 

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