Angola - L'urgence après 27 années de guerre civile

Seuls nous n'avions pas la capacité de répondre à cette crise.
Seuls, nous n'avions pas la capacité de répondre à cette crise. © Sebastiao Salgado/amazonas images

"Je suis choqué. Je ne m'attendais pas à cela, à une situation aussi catastrophique ! En quarante ans de médecine, je ne me suis jamais habitué à la mort d'un enfant." - Paul, médecin.

Angola, printemps 2002 : nos équipes de Kaala sont alertées par l'arrivée d'un nombre important de personnes gravement malnutries venant d'endroits isolés comme la ville de Bunjei. Ce sont essentiellement des enfants âgés de moins de cinq ans (plus vulnérables), mais aussi beaucoup d'enfants jusqu'à douze ans et des femmes adultes. Or, "quand les adultes souffrent de malnutrition, cela signifie que la situation est extrêmement grave", explique Brigitte, médecin.

MSF mène une mission exploratoire à Bunjei. La situation y est terrifiante : une évaluation rapide montre qu'un enfant sur trois souffre de malnutrition aiguë. Plus de 1.000 tombes avaient été fraîchement creusées à l'entrée du village.

Des "poches" de famine

Avril 2002 : le cessez-le-feu, signé entre les forces gouvernementales du Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA) et l'opposition de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), marque la fin de 27 années de guerre civile au cours desquelles un tiers de la population angolaise a été déplacée.

La fin de ce conflit signifie que toutes les zones dites "grises", jusque-là inaccessibles à tout secours, sont ouvertes. Nous découvrons alors l'ampleur de la catastrophe : des "poches" - représentant près de 90% du territoire - où survivent des dizaines de milliers de personnes, otages de la guerre, dans un état de malnutrition et de santé alarmants.

Notre plus grosse opération en 2002

Il faut d'urgence transférer les enfants les plus affaiblis vers des structures médicales adaptées, ouvrir de nouveaux centres nutritionnels, augmenter les capacités d'accueil des centres existants, renforcer les équipes, acheminer, par avion (les routes étant minées et toujours cibles d'attaques) des tonnes de nourriture et de matériel médical...

A Bunjei d'abord, puis dans de nombreux autres lieux de regroupement de populations, les cas urgents sont pris en charge et de la nourriture est distribuée aux plus vulnérables. Les cas de diarrhées sont nombreux et souvent causes de décès, le système d'eau potable, quasiment inexistant, ne peut subvenir aux besoins de toute la population.

Notre équipe limite les risques de contamination en sélectionnant et en chlorant les sources d'eau. Le centre nutritionnel de Kaala, initialement prévu pour 150 enfants, est rapidement saturé. De nouveaux centres nutritionnels sont montés. En décembre 2003, la rougeole flambe dans plusieurs provinces. Une vaste campagne de vaccination est immédiatement lancée.

Seuls, nous n'avions pas la capacité de répondre à cette crise. C'est pourquoi, parallèlement à notre action, nous avons publiquement appelé à la mobilisation des acteurs internationaux de l'aide, des bailleurs de fonds publics et du gouvernement angolais.

L'urgence 2002 en chiffres

Au total, toutes sections confondues, 174 expatriés et 2.260 Angolais sont intervenus lors de cette urgence. 9.000 enfants sévèrement malnutris et 20.000 enfants modérément malnutris ont été soignés. Plus de 8 millions d'euros ont été engagés par la section française de MSF, financés à 72% grâce à nos donateurs. 32.000 personnes ont été vaccinées contre la rougeole dans la seule province de Bailundo.

Au delà de l'urgence, nous restons présents

Désormais, l'urgence passée, les déficits de soins sont au coeur de nos priorités. En effet, alors que la malnutrition est relativement sous contrôle, les taux bruts de mortalité restent bien trop élevés. Aujourd'hui, en Angola, MSF concentre son action sur la lutte contre le paludisme et la trypanosomiase (maladie du sommeil).

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