Malawi : « Je m’appelle Fanny, je suis travailleuse du sexe »

En 2014, MSF a ouvert au Malawi un projet destiné aux travailleuses du sexe portant sur la santé sexuelle et reproductive, le VIH et la tuberculose. Fin 2020, près de 7 000 femmes avaient été accompagnées et soignées grâce à ce programme, récemment transféré au ministère de la Santé et à des associations locales. Voici le témoignage de Fanny, travailleuse du sexe et éducatrice paire à Zalewa.

Au Malawi, les travailleuses du sexe présentent un taux de prévalence du VIH très important (49,7% dans la cohorte du projet MSF contre 9,2% dans la population générale). Elles sont plus exposées aux infections sexuellement transmissibles et aux violences sexuelles. Une étude réalisée en 2019 a montré que plus d’une travailleuse prise en charge dans le projet MSF sur deux a été victime de violences sexuelles ou liées au genre. 

Pour répondre à leurs besoins, MSF a mis en place un projet leur permettant d’accéder à un ensemble complet de soins pour le VIH, la tuberculose et la santé sexuelle et reproductive. Des cliniques ont été organisées quotidiennement, les services étaient accessibles 24/7 et dirigés par des éducatrices paires, également travailleuses du sexe. Fin 2020, le programme a été transféré au ministère de la Santé du Malawi et à des associations locales.

« Je m’appelle Fanny Falakeza, je vis à Zalewa. J’ai trois enfants et je suis travailleuse du sexe. Ma mère aussi était travailleuse du sexe. Mes frères et sœurs et moi-même avons dû affronter beaucoup de problèmes. On allait souvent au lit avec la faim au ventre. 

C’est un métier très difficile, nous ne savons pas à quoi ni à qui nous allons être confrontées. Nous vivons au jour le jour, nous n’avons pas de comptes bancaires. On sait qu’on risque beaucoup quand on n’a pas de clients. 

Je me souviendrai toujours du jour où j’ai changé de quartier pour travailler. J’avais eu quatre clients qui m’avaient bien payée. Je dormais quand j’ai entendu qu’on tapait à la porte. Avant que je puisse ouvrir, trois hommes ont forcé la porte et sont entrés, c’était trois officiers de police. J’étais nue, ils ont vu les préservatifs usagés sur le sol et ils m’ont demandé de leur donner l’argent que j’avais gagné, sinon ils m’arrêtaient. Je leur ai donné pour éviter les problèmes. Le lendemain, j’ai pris mes affaires et je suis rentrée à pied chez moi car je n’avais même pas de quoi payer les transports.

A l’hôpital, ils avaient l’habitude de nous hurler dessus, car nous venions régulièrement à cause des préservatifs craqués. Au début, le personnel médical nous aidait, mais ensuite ils nous blâmaient quand on revenait trop souvent. Même la police nous harcelait, ils nous arrêtaient et nous mettaient en prison pendant trois jours sans nous poursuivre pour autant. Ils demandaient à d’autres travailleuses du sexe de payer une caution, alors que nous savions toutes qu'il n'y avait rien à payer. On pouvait rester en prison pendant une semaine, et pendant ce temps-là, notre famille s'inquiétait à la maison. 

L'intervention de MSF a changé la donne. Aujourd’hui, nous sommes mieux informées. Avec les formations que nous avons suivies, nous savons nous battre pour nos droits quand quelqu’un les bafoue. Notre relation avec la police s’est améliorée. Et c’est aussi le cas avec le personnel hospitalier, les représentants des organisations de protection sociale.

En tant que travailleuse de santé communautaire, je distribue des préservatifs, des prophylaxies post-exposition au VIH et je peux aussi réaliser des tests de grossesse. J’accompagne également mes collègues qui ont besoin d’aller voir un médecin à l’hôpital. 

Le gouvernement doit arrêter de mépriser les travailleuses du sexe et réaliser que nous sommes aussi des citoyennes actives qui peuvent contribuer au développement. Le gouvernement doit mettre en place des politiques pour nous aider. Une travailleuse du sexe, c’est aussi une mère, une tante. »

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