Sensibiliser contre les violences sexuelles à Port Harcourt, au Nigeria

« Diverses techniques telles que le jeu la relaxation et la gestion de l’anxiété ont été mises en place » explique Clare Brennan qui était en charge des soins psychologiques.
« Diverses techniques, telles que le jeu, la relaxation et la gestion de l’anxiété, ont été mises en place », explique Clare Brennan, qui était en charge des soins psychologiques. © Kiera Sargeant & Clare Brennan/MSF

Début 2015, MSF a ouvert le premier programme global pour les victimes de violences sexuelles à Port Harcourt, au Nigeria, en collaboration avec le ministère de la Santé.

L’objectif est de fournir un traitement médical et psychologique complet, en parallèle avec des campagnes de sensibilisation, pour lutter contre la stigmatisation liée aux violences sexuelles. Il s’agit aussi d’encourager les victimes à recevoir des soins de santé le plus tôt possible. Les institutions éducatives ont été une cible importante de la campagne, en particulier au début de l'année universitaire.

Clare Brennan, infirmière néo-zélandaise spécialisée en santé mentale, et Kiera Sargeant, coordinatrice médicale australienne, ont travaillé à Port Harcourt fin 2015. Elles racontent cette première grande campagne de sensibilisation.

Pouvez-vous décrire la campagne de sensibilisation?

Chaque semaine les équipes de MSF visitent différentes institutions, telles que les universités, les écoles, les cliniques et des médias locaux.Dans les universités, nous faisons des présentations aux différentes facultés et distribuons des dépliants et des affiches. Nous rencontrons également les services médicaux du campus. Nos infirmières visitent régulièrement les écoles primaires et secondaires. Elles adaptent leurs présentations selon l'âge et la nature de leur public.

Nous avons quelques livres que nous utilisons dans certaines écoles, dont un en particulier appelé « Non! Ne me touche pas là ! ». Il a été écrit par un Nigérian et explique comment les enfants devraient protéger leurs parties intimes et dénoncer la personne qui les toucherait.

Avec les médias, nous donnons des interviews hebdomadaires sur trois stations de radio. Nous avons développé 13 sujets à discuter en direct avec chacune d’entre elles. Ces sujets couvrent une grande diversité d'informations, y compris les idées fausses, ce qui se passe quand vous arrivez à la clinique, les problèmes psychosociaux et les abus sexuels masculins.

Nous sommes également très actifs dans la sensibilisation de la communauté et participons aux réunions publiques à Port Harcourt, ainsi que dans d'autres villes et villages.

La police est l'un des principaux référents pour les victimes. Nous prenons du temps chaque semaine pour aller dans les différents postes de police afin de distribuer des dépliants et des affiches, mais aussi de donner des conférences aux officiers pour améliorer leur connaissance des violences sexuelles.

Pourquoi est-ce si important de sensibiliser les étudiants ?

Parce que les étudiantes sont particulièrement vulnérables et en sont souvent la cible. C’est un enjeu clé de la campagne et c’est pourquoi la sensibilisation est vitale pour la poursuite de notre projet. Ce n’est pas seulement pour l'acceptation de MSF dans la région, mais aussi pour renforcer la prise de conscience sur les violences sexuelles dans la population et diminuer la stigmatisation qui leur est associée. C’est aussi important d'informer que des soins sont disponibles, et qu’ils sont gratuits et confidentiels.

Nous nous concentrons spécifiquement sur les étudiants car l'éducation est considérée comme très importante, avec un grand nombre d’élèves fréquentant des établissements d'enseignement supérieur à Port Harcourt. Notre équipe a identifié les différentes organisations étudiantes et ensuite organisé la diffusion de l'information avec elles.

L'objectif principal de la campagne était de toucher les étudiants au début de l'année universitaire, ainsi que les infirmeries disponibles au sein du campus. Les postes de police à proximité des universités ont également été contactés, des affiches et des dépliants leur ont été distribués. L'équipe de soins infirmiers a fait des présentations dans différentes facultés, y compris les écoles d’infirmières et de sages-femmes, ainsi qu’à l'Université des Sciences et Technologies. Suite à cette campagne, nous avons reçu des victimes depuis les différentes institutions contactées et les postes de police.

Qu'en est-il pour le reste de la communauté ?

La sensibilisation de l’ensemble de la communauté est également importante et la coordonnatrice adjointe du projet, en collaboration avec l'équipe de la clinique, a assisté à plusieurs réunions communautaires dans les différents secteurs de l'administration locale. Ces communautés sont extrêmement vulnérables en raison du manque de moyens et de services de soins de santé dans ces domaines.

Notre relation avec elles est essentielle pour s’assurer que nous pouvons réaliser nos actions de sensibilisation. La complexité du contexte ici, à Port Harcourt, rend difficile pour nous le fait d’atteindre certaines zones de l'Etat de Rivers et sans l'approbation et l'acceptation des différents groupes qui le composent, nous ne serions pas en mesure d'accéder à ces populations.

Quels sont vos principaux messages de sensibilisation ?

Les principaux messages que nous essayons de transmettre durant toutes nos activités sont les suivants :

  • Les viols existent à Port Harcourt
  • Ils peuvent arriver à n'importe qui (femmes, hommes et enfants)
  • Le viol n’est jamais de votre faute
  • Il est important de demander de l'aide, le plus tôt possible
  • Nous sommes un service gratuit et confidentiel
  • Quelles sont les mesures préventives, en fournissant aux parents des connaissances de base sur la manière de protéger leurs enfants
  • Il ya des conséquences médicales et psychologiques au viol, qui nécessitent soutien et traitement

 

Depuis l'ouverture de la nouvelle clinique de soin pour les violences sexuelles, Médecins Sans Frontières a vu en moyenne 35 cas par mois. Cependant, depuis le début de la campagne de sensibilisation en septembre 2015, le nombre de victimes venant à la clinique a doublé. Les victimes vont des jeunes enfants jusqu'à l’âge adulte, à la fois féminines et masculines, mais la majorité sont des femmes et des enfants.

À lire aussi