Syrie : à Alep, les frappes aériennes russes et syriennes sur les hôpitaux condamnent des centaines de blessés à une mort certaine

Hôpital Al Daqaq Alep août 2016.
Hôpital Al Daqaq, Alep, août 2016. © MSF

A Alep, dans le nord-ouest de la Syrie, un grand centre de traumatologie a été gravement endommagé, puis de nouveau bombardé deux jours plus tard. Sur les huit hôpitaux toujours en service dans l’est de la ville, quatre hôpitaux et une banque du sang ont été endommagés par des bombardements en l’espace de quatre jours, dont l’un à deux reprises.

Le 30 septembre, deux hôpitaux soutenus notamment par MSF dans les quartiers est d’Alep ont été endommagés par des bombardements indiscriminés continus. Une banque du sang a également été touchée. Toutefois, malgré les dégâts, les équipes médicales des trois structures ont réussi à continuer à travailler.

Le 1er octobre, un grand centre de traumatologie a été si endommagé par les bombardements qu’il a dû fermer. Deux jours plus tard, alors que des ouvriers en bâtiment réparaient les dégâts, des bombes sont de nouveau tombées sur la zone, tuant plusieurs personnes et endommageant encore un peu plus l’hôpital.

Le 2 octobre, un hôpital chirurgical a été en partie détruit par des frappes, mais a pu rester ouvert.

« Les quelques hôpitaux restants sont submergés par l’afflux de blessés. Des centaines de blessés attendent par terre dans les services et les couloirs, à l’agonie, raconte Pablo Marco, responsable des opérations de MSF pour le Moyen-Orient. Les médecins effectuent des opérations du cerveau ou de l’abdomen à même le sol des salles d’urgence parce que les blocs opératoires sont pleins. La Russie et la Syrie doivent arrêter ce carnage maintenant. »


TEMOIGNAGE

Abou Khalid est chirurgien orthopédique et directeur d’un hôpital soutenu par MSF dans l’est d’Alep, assiégée. Il a quitté Alep le 21 août pensant que le siège était levé, mais quand l’état de siège a de nouveau été instauré, il n’a pu y retourner. Il travaille actuellement à l’hôpital d’Al-Salamah dans le district d’Azaz situé à l’ouest d’Alep, près de la frontière turque. Il décrit la situation dans les quartiers est d’Alep.

« Quand le siège a commencé en juillet, la nourriture était le principal problème.  Alep est une ville industrielle disposant de très peu d’espaces verts où l’on peut faire pousser quelque chose et il n’y a pas assez d’exploitations agricoles en périphérie pour produire suffisamment de nourriture. Les gens se débrouillent avec des produits alimentaires qui se gardent comme le riz, les haricots, les pommes de terre et les conserves, mais cette alimentation est pauvre en vitamines. Avec le siège, les gens manquent de plus en plus de nourriture.

Les bombardements se sont intensifiés, ils font de plus en plus de blessés et de morts. La semaine dernière, les hôpitaux d’Alep-Est ont effectué plus de 100 opérations chirurgicales par jour. Le niveau de destruction dans la ville est inimaginable.

Dans Alep-Est, il y a quatre hôpitaux ayant la capacité de prendre en charge des blessés de guerre et seulement sept chirurgiens ont les compétences et l’expérience pour soigner les personnes blessées par les bombardements.  Au total, il n’y a pas plus de 35 médecins dans tout Alep-Est. Les hôpitaux sont débordés et d’anciens étudiants en médecins apportent leur aide pour les opérations, les urgences… Ils ont acquis une bonne expérience pendant la guerre.

Les médecins sont épuisés.  Vu le nombre de personnes bloquées dans les quartiers est d’Alep, 35 médecins, ce n’est pas assez. Ils sont sous une telle pression avec tous les blessés qui affluent et qui souvent doivent attendre à l’extérieur… Ils n’ont pas le temps de dormir, ils doivent reporter des opérations urgentes car les blocs opératoires sont toujours occupés. Ils doivent trier les cas critiques et les plus urgents.

Dans tout Alep-Est, il n’y a que 12 lits en soins intensifs. Cela pourrait suffire si la ville n’était pas assiégée. Mais les médecins ne peuvent pas transférer les patients en dehors de la ville. Ils doivent prendre des décisions terribles, ils doivent débrancher le respirateur de patients qui ont peu de chances de survivre pour d’autres patients qui eux pourront rester en vie.

La ville manque aussi de certains spécialistes, par exemple de neurochirurgiens. Il manque aussi d’autres médecins. Résultat, des gens qui auraient pu être sauvés meurent.

Autre problème, le manque de carburant. Avant le siège, les blessés étaient amenés à l’hôpital dans des voitures de particuliers parce qu’il y a peu d’ambulances et quand une frappe aérienne fait des dizaines de blessés, elles ne peuvent pas tous les transporter. Aujourd’hui, les ambulances doivent tout faire, et les blessés attendent dans les rues où souvent ils meurent. C’est un désastre.

Quand le siège a commencé en juillet, les gens étaient convaincus qu’il prendrait fin. Il a été levé en août, mais seulement pour quelques jours. Aujourd’hui, les gens sont épuisés et les bombardements les épuisent encore plus.

J’espère que les bombardements vont cesser. J’espère aussi que le siège va s’arrêter pour que les civils puissent partir, que les blessés soient transférés en dehors de la ville pour être soignés et que l’aide rentre dans la ville. Il n’y a pas d’insuline dans Alep-Est. On pourrait penser que ce n’est pas une priorité, mais dans certains cas, les diabétiques peuvent mourir s’ils ne reçoivent pas d’insuline.  Et si le siège continue, les gens vont mourir de faim. »

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