Tuberculose : MSF appelle à accélérer l’utilisation des traitements préventifs

Un patient atteint de tuberculose multirésistante se rend à la clinique locale de Kuyasa, soutenue par MSF (Khayelitsha, Afrique du Sud) afin d'être suivi et de recevoir un traitement. 
Un patient atteint de tuberculose multirésistante se rend à la clinique locale de Kuyasa, soutenue par MSF (Khayelitsha, Afrique du Sud) afin d'être suivi et de recevoir un traitement.  © Sydelle WIllow Smith

Alors que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) vient de lancer un « appel à mobilisation » sur la nécessité d'élargir l'accès au traitement préventif de la tuberculose (TPT), Médecins Sans Frontières (MSF) exhorte tous les gouvernements à intensifier la mise en œuvre de ce traitement préventif. L'association demande aux laboratoires pharmaceutiques de rendre tous les médicaments et tests nécessaires à la diffusion du TPT abordables et accessibles.

En 2019, la tuberculose a coûté la vie à 1,4 million de personnes et plus de 10 millions en sont tombées malades. En plus de traiter les malades de la tuberculose, une autre stratégie importante dans la lutte contre la maladie consiste à identifier rapidement les personnes à risque et à les empêcher de développer la maladie grâce à un traitement préventif (TPT). Cela consiste à fournir des médicaments antituberculeux aux membres de la famille et aux autres contacts directs des individus atteints de tuberculose, aux personnes séropositives, immunodéprimées ou aux personnes à risque, comme les prisonniers, par exemple. Ce traitement préventif empêche les personnes atteintes de tuberculose latente (un individu infecté par la tuberculose, mais qui n'est pas encore malade, contagieux ou qui ne présente pas de symptômes) de développer une forme active de la maladie et d’infecter d'autres personnes.

En 2018, lors d’une réunion des Nations Unies sur la tuberculose, les pays membres se sont engagés à atteindre l'objectif de 30 millions de personnes sous TPT d'ici à la fin de l'année 2022. Cependant, même si son efficacité a été démontrée à plusieurs reprises, le déploiement du TPT est à la traîne.

« Il est inacceptable que des millions de vies continuent d'être emportées par la tuberculose alors que des mesures préventives existent. Nous ne nous en sortirons pas sans une augmentation massive du traitement préventif de la tuberculose », a déclaré le Dr Gabriella Ferlazzo, spécialiste de la tuberculose et du VIH à l'unité médicale de MSF en Afrique australe. « Pour chaque malade diagnostiqué, nous devrions être en mesure de fournir ce traitement préventif à environ trois personnes-contact, afin de combler le déficit de prévention, d'empêcher l'infection et la transmission, et de sauver davantage de vies. »

MSF a pour objectif de fournir le TPT comme partie intégrante de sa réponse à la tuberculose. À Blantyre, au Malawi, MSF a soutenu un programme dans la prison de Chichiri : les prisonniers  - en particulier dans les pays où la TB est très répandue - présentent un risque élevé d'être infectés et de développer la maladie. Le programme a dépisté et traité les personnes atteintes, et fourni un traitement préventif à celles présentant une forme latente et/ou vivant avec le VIH. En 2019, le programme a dépisté 1 500 personnes, et près de deux tiers d’entre elles ont commencé un TPT (666 personnes étaient séronégatives et 324 étaient séropositives).

À Khayelitsha, en Afrique du Sud, MSF a fourni avec succès le TPT aux enfants et aux adolescents en contact avec des personnes atteintes de tuberculose résistante aux médicaments (DR-TB). La pandémie de la Covid-19 a obligé MSF à adapter son programme pour dispenser des soins à domicile. Cette initiative communautaire a permis une augmentation du nombre d'enfants et d'adolescents mis sous TPT.

« La tuberculose résistante est une problématique préoccupante à Khayelitsha ; un cycle sans fin qui ravage famille après famille », a déclaré Sœur Ivy Apolisi, infirmière MSF dans le programme post-exposition à la DR-TB à Khayelitsha. « Nous avons vu comment le TPT sauve des vies et, en tant qu'infirmière, je peux vous dire qu’il est préférable et plus facile de prévenir la tuberculose, que d'attendre de voir si quelqu'un tombe malade. »

Le retard accumulé dans la diffusion du traitement préventif s’explique notamment par un manque d'accès aux tests et médicaments les plus efficaces. La plupart des gens n'ont accès qu'à l'ancien traitement préventif (isoniazide) qui nécessite la prise de pilules pendant 6 à 9 mois. Cependant, il existe un traitement préventif plus récent et plus court, d'une durée de 1 à 3 mois (rifapentine + isoniazide), mais plus coûteux (de 5 à 26,90 dollars par mois pour les traitements de 3 et 1 mois respectivement, contre 0,58 dollar par mois pour l'ancien traitement unique à base d'isoniazide). En outre, la rifapentine de qualité garantie n'est produite que par deux fabricants (Sanofi et Macleods) en raison de la demande limitée, et est indisponible dans une formulation adaptée aux enfants. La poursuite de la recherche d'alternatives innovantes qui faciliteraient le TPT, y compris les formules injectables à action prolongée de ce traitement préventif, encouragerait une plus grande mise à l'échelle.

L'accès aux outils de diagnostic nécessaires pour dépister largement la tuberculose est également essentiel pour garantir que les travailleurs de la santé fournissent le TPT aux bonnes personnes.

« Pour parvenir à garantir un approvisionnement durable et abordable de rifapentine et d'isoniazide auprès des fabricants, les pays doivent s'engager à en acheter des volumes suffisants. Étant donné que la rifapentine et l'isoniazide ne sont plus brevetées, l'engagement d'acheter certains volumes garantirait l'entrée d'un plus grand nombre de fabricants sur le marché, ce qui entraînerait une concurrence à la baisse des prix et une mise à l'échelle », a déclaré Christophe Perrin, pharmacien pour la campagne d'accès aux médicaments (CAME) de MSF.

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