Calais : répression démesurée des autorités alors que les exilés ont urgemment besoin de protection

Calais : répression démesurée des autorités alors que les exilés ont urgemment besoin de protection
Depuis le 22 janvier 2024, MSF offre une mise à l’abri dans un hôtel à des mineurs non accompagnés et des familles qui n’ont pas pu bénéficier d’une place d’hébergement dans le dispositif prévu par l’Etat français. 25/01/2024, Calais. © Stéphane Lavoué

A la fin d’un hiver particulièrement rude dans le nord de la France, Médecins Sans Frontières (MSF) qui intervient auprès des exilés en transit à Calais, dénonce la faillite des autorités en matière de protection et de prévention des risques notamment pour les familles, les malades et les mineurs non accompagnés. Cette négligence s’accompagne d’une répression brutale des tentatives de traversées maritimes.

Alors que le nord de la France a été frappé cet hiver par une vague d’intempéries exceptionnelle, MSF est venue en aide à 1159 personnes exilées en transit à Calais à travers des opérations régulières et un dispositif d’hébergement d’urgence

Grâce à ce dispositif déployé entre le 22 janvier et le 31 mars, 333 personnes ont pu bénéficier d’une nuit de répit au chaud dans une structure privée située à Calais, ainsi que d’un accès à des services d’hygiène de base (eau courante et potable, douche chaude), de repas chauds et ont eu la possibilité d’avoir des consultations médicales et psychologiques. 

Au total, 72 mineurs non accompagnés (MNA), 12 personnes dans un état de santé physique ou psychique dégradé ainsi que 87 familles représentant 261 personnes, dont 104 enfants, ont été mis à l’abri par MSF. Originaires, entre autres, de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, d’Erythrée et du Soudan, ces personnes en transit ont été accueillies à la suite d'un refus de mise à l’abri par les services de l’Etat, et grâce à la mobilisation des différentes associations actives à Calais. Dans le cadre de cette opération, MSF a accueilli également des familles et des rescapés de naufrages ou de tentatives de traversées. 

Ces personnes ont en grande majorité témoigné d’épisodes de répression violente des forces de l’ordre, au cours d’opérations de démantèlement des campements insalubres, ou de tentatives d’empêchement des départs en embarcation de fortune vers le Royaume-Uni

« J’étais sur une plage près de Calais avec une quarantaine de personnes prêtes à partir à bord d’un canot pneumatique. Les forces de l’ordre sont intervenues pour nous empêcher de partir en lançant des bombes lacrymogènes et des tirs de flash-ball ; ma main a été touchée et a saigné. Je me suis évanoui sur la plage et mes amis m’ont transporté aux urgences. Puis j’ai été transféré dans une clinique pour y être opéré pour une fracture », témoigne Samir*, un jeune afghan de 18 ans, suivi par l’équipe de MSF

Au cours des cliniques mobiles ou au centre d’accueil de jour à Calais, les équipes de MSF prennent en charge et recueillent des témoignages des mineurs non accompagnés ayant tenté à plusieurs reprise la traversée, par voie maritime ou terrestre vers l’Angleterre. 

« Depuis que j'ai quitté le Soudan, je ne connais pas de répit. Je dors dans un campement, mais la police vient souvent nous déloger. Même en Libye ou en Tunisie j'arrivais à trouver des endroits pour dormir, mais à Calais, c’est impossible. Combien de temps je dois encore vivre dans ces conditions ? », se demande Ahmed*, un jeune soudanais de 15 ans pris en charge par MSF. 

De janvier à mars 2024, l’équipe de MSF a comptabilisé 139 refus de mise à l’abri de mineurs dont la moitié était principalement liée au sous-dimensionnement des dispositifs de protection de l’enfance. La politique répressive et l’insuffisance des dispositifs d’accueil ne laissent d’autres choix aux personnes que de tenter la traversée de la Manche. 

« Comment expliquer que d’un côté, on trouve les moyens pour financer une politique répressive dangereuse et insensée qui ne prend pas en compte les problématiques de ces personnes en grande précarité et détresse physique et psychologique mais qui continuent malgré tout de risquer leur vie nuit après nuit pour ces traversées ; et que de l’autre, on ne trouve pas les moyens pour les mettre à l’abri, les protéger et prévenir ces drames humains ? » s’interroge Feyrouz Lajili, cheffe de projet MSF à Calais. 

L’hiver particulièrement rude dans le nord de la France s’achève sur un très lourd bilan humain pour les exilés en transit. Au cours des trois derniers mois, au moins 10 personnes sont mortes en tentant de rejoindre le Royaume-Uni à bord d’embarcations de fortune. « Avec l’arrivée d’une météo plus clémente, les traversées de la Manche risquent d’augmenter et les drames de se multiplier. Les politiques répressives ont déjà montré leur inefficacité et leur coût humain. Il est urgent de changer de cap et de proposer des solutions pour protéger ces personnes, notamment les plus vulnérables », conclut Feyrouz Lajili. 

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