URGENCE GAZA

Gaza : la résolution du Conseil de sécurité sur un
cessez-le-feu doit être suivie d’effets immédiats

Lire le communiqué

Fonds d'urgence

Chapo

Grâce à vous, nos équipes interviennent en urgence auprès des populations qui en ont le plus besoin, partout où nous agissons.

je donne au fonds d'urgence MSF 

Il n’y a pas de vaccins “gratuits” : pourquoi MSF a refusé la donation de Pfizer

Grèce juin 2016.
Grèce, juin 2016. © Pierre-Yves Bernard/MSF

Par Jason Cone, directeur exécutif de Médecins Sans Frontières aux Etats-Unis.

« J’ai eu récemment la lourde tâche d’annoncer à Ian Read, PDG de Pfizer, que Médecins Sans Frontières refusait l’offre de donation d’un nombre important de doses de vaccin conjugué contre le pneumocoque (PCV) de la part de son laboratoire. Ce n’est pas une décision que l’on prend à la légère, surtout quand, sur le terrain, nos équipes sont, tous les jours, confrontées à l’impact des pneumonies sur la santé des enfants.

En effet, les pneumonies sont responsables de près d’un million de décès d’enfants chaque année, ce qui fait d’elles la première cause de mortalité infantile dans le monde. Il existe un vaccin pour les prévenir, mais il est trop cher pour de nombreux pays en développement et pour les organisations humanitaires comme MSF. Pfizer et GlaxoSmithKline (GSK) sont les seuls producteurs de ce vaccin ce qui leur permet de maintenir son prix élevé. Depuis 2009, les deux laboratoires ont déjà vendu des vaccins PCV pour un montant de 36 milliards de dollars. Depuis des années, MSF essaie de négocier avec Pfizer et GSK afin d’obtenir des prix plus abordables, mais la seule réponse obtenue a été des propositions de donations.

Vous vous demanderez peut-être : « Pourquoi préférez-vous payer ce vaccin au lieu de l’obtenir gratuitement ?  Est-ce que ‘gratuit’ n’est pas mieux ? »

Non. ‘Gratuit’, ce n’est pas toujours mieux. Accepter des donations implique souvent d’aussi accepter de nombreuses conditions et contraintes comme, par exemple les populations et les zones géographiques qui pourront en bénéficier. Le processus de négociation d’une donation peut aussi ralentir le début d’une campagne de vaccination – ce qui n’est pas acceptable dans le cadre d’une réponse à une urgence – ou encore limiter drastiquement le nombre de personnes vaccinées.

De plus, les donations peuvent anéantir les efforts fournis afin d’obtenir  un meilleur accès aux vaccins et aux médicaments. En effet, un marché où les donations arrivent à elles seules à répondre à la demande n’est pas attractif pour d’autres producteurs. Or c’est précisément grâce à la concurrence que les prix peuvent baisser et c’est ce qui manque actuellement sur le marché du PCV.

Les donations aux uns sont souvent payées par les autres : les laboratoires peuvent utiliser les donations comme argument pour maintenir des prix élevés, notamment pour les organisations humanitaires et les pays en développement. De nombreux pays ont déjà exprimé à plusieurs reprises leur frustration de ne pas pouvoir protéger leurs enfants avec les nouveaux vaccins comme le PCV car ils sont trop onéreux.

Autre problème des donations : le laboratoire donateur garde le dernier mot sur la durée et les modalités de la donation et peut donc l’interrompre s’il estime qu’elle  n’est plus avantageuse pour lui. Ainsi, l’Ouganda est confronté à une pénurie nationale de Diflucan, médicament essentiel pour traiter la méningite à cryptocoque, et ce malgré l’engagement de Pfizer à en donner au gouvernement. Il y a d’autres exemples de donations de la part des laboratoires qui ont fini par placer des Etats et des institutions sanitaires dans une situation d’impasse, privés des outils nécessaires pour soigner leurs patients.

Pour réduire ces risques et limiter le recours aux donations en nature, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et d’autres organisations de la santé mondiale comme l’UNICEF et GAVI, l’Alliance du vaccin, ont formulé des recommandations claires à l’encontre des offres de donations de la part des laboratoires pharmaceutiques.

Les donations de médicaments et de vaccins pourraient sembler être des solutions faciles, mais elles ne sont pas la réponse à l’augmentation des prix des vaccins pratiquée par les multinationales pharmaceutiques comme Pfizer et GSK.

Parfois, les besoins sont tellement importants que des solutions à court terme s’imposent. Cela a été le cas en 2014, lorsqu’après cinq ans de négociations infructueuses, MSF a accepté une donation ponctuelle de vaccins PCV de la part de Pfizer et GSK. Cette exception à notre politique de refus des donations en nature a été décidée après mûre réflexion, et la possibilité de vacciner des enfants - pendant que les négociations pour un accès viable à ce vaccin se poursuivaient – a été privilégiée. Lors de l’accord sur cette donation, Pfizer et GSK nous ont assuré qu’ils étudieraient des solutions plus pérennes pour les enfants vivant dans les pays en développement et en situation de crise humanitaire.

Le mois dernier, après des années de négociations et des mois de campagne publique, GSK a fait un pas en avant significatif en annonçant que son vaccin contre la pneumonie sera désormais vendu aux organisations humanitaires au prix mondial le plus bas (actuellement 3,05 $ par dose, ou 9,15 $ pour les trois doses nécessaires pour vacciner un enfant). C’est une étape importante vers une solution pérenne qui permettra aux acteurs humanitaires de vacciner contre la pneumonie lors d’urgences humanitaires.

Pfizer n’a en revanche annoncé aucune diminution de prix et n’a pour l’heure présenté aucune solution constructive : le laboratoire continue d’offrir des donations qui lui permettent d’alléger ses impôts, plutôt que de proposer une solution viable en diminuant le prix du vaccin. Accepter la donation de Pfizer n’apporterait aucun bénéfice aux millions d’enfants qui vivent dans des pays comme l’Irak, la Jordanie, les Philippines, la Roumanie ou la Thaïlande, parmi bien d’autres, où ni les parents ni les gouvernements ne peuvent acheter un vaccin si onéreux.

Nous ne pouvons continuer de vivre dans un monde où un vaccin contre la pneumonie s’apparente à un bien de luxe : trop de jeunes vies en dépendent. MSF estime que son travail, comme celui des autres organisations humanitaires et des gouvernements, ne devrait pas dépendre du bon vouloir des compagnies pharmaceutiques.

Pfizer doit réduire le prix de son vaccin contre la pneumonie pour les organisations humanitaires et les pays en développement à 5  dollars par enfant. Alors uniquement, un pas significatif aura été fait pour sauver des vies - aujourd’hui et demain.

M. Read, j’espère que vous m’annoncerez bientôt que Pfizer réduit le prix de son vaccin pour les millions d’enfants qui en ont besoin. »

MISE A JOUR AU 12 NOVEMBRE 2016
Pfizer annonce la réduction du prix de son  vaccin pour les organisations humanitaires !

Très bonne nouvelle ! Vendredi 11 novembre, le laboratoire Pfizer a annoncé qu’il réduisait le prix de son vaccin PCV à 3,10 dollars par dose pour les organisations humanitaires.

Les conditions et les modalités de cette offre ne sont pas encore connues, mais cette annonce est un important pas dans la bonne direction – après plusieurs années de négociations avec le laboratoire.

Nous souhaitons maintenant que Pfizer (et GSK) aillent plus loin, et réduisent le prix du vaccin pour tous les pays en développement.

À lire aussi