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Cisjordanie : « le psychisme croqué par la violence », récit d’une psychologue MSF à Naplouse

Amal est une patiente de MSF vivant au sud d'Hébron. Sa maison a été pillée à plusieurs reprises par les forces israéliennes dans le cadre de la répression suite à l'enlèvement de trois jeunes colons le 12 juin. Les forces israéliennes ont arrê
Amal est une patiente de MSF vivant au sud d'Hébron. Sa maison a été pillée à plusieurs reprises par les forces israéliennes dans le cadre de la répression suite à l'enlèvement de trois jeunes colons, le 12 juin. Les forces israéliennes ont arrêté deux de ses fils. L'un d'eux a été blessé. © Anna Surinyach/MSF

Les opérations de recherche menées par l'armée israélienne en Cisjordanie suite à l'enlèvement de trois jeunes colons israéliens ont exacerbé la violence à laquelle certaines familles palestiniennes doivent faire face en permanence. Mélanie Kerloc'h est psychologue MSF à Naplouse, d’où elle explique la situation.

« J'ai peur, je ne veux pas qu’ils viennent ce soir, même si je sais que c’est juste pour nous intimider. Je ne veux pas qu’ils arrêtent mon père », confiait une jeune Palestinienne de Cisjordanie à Mélanie Kerloc’h, psychologue MSF à Naplouse. L’armée israélienne utilise les territoires occupés de Cisjordanie comme camp d’exercices grandeur nature. Certaines familles palestiniennes doivent faire face à ces manifestations violentes et traumatiques. « La violence est constante, elle est sourde et insidieuse, explique Mélanie. C’est une épée de Damoclès qui s’abat de manière sporadique ». Même si tous les Palestiniens ne sont pas uniformément exposés au même niveau de violence, elle est devenue chronique.

C’est la nuit que les familles sont le plus vulnérable, quand vient le sommeil et que la vigilance se relâche. L’intrusion soudaine de soldats dans la maison en pleine nuit, dans l’espace intime de la famille qui devrait être un refuge, peut avoir l'effet d'une ‘effraction psychique’ selon Mélanie. « Les agressions des Palestiniens et de leur maison par des colons sont beaucoup plus terrifiantes de nuit car ils se sentent pris au piège. La violence vient ainsi prendre les familles au cœur de leur intimité. »

Les enfants et les adolescents sont particulièrement exposés. « L’incidence de ces effractions répétées sur de jeunes ‘êtres psychiques’ en développement est très préoccupante », alerte Mélanie. Les parents de ces jeunes patients sont souvent inquiets, dépassés, ils ne peuvent pas soutenir leurs enfants dans leur construction psychique et se sentent impuissants. « Voir son fils de 14 ans être arbitrairement arrêté sans pouvoir s’y opposer, c’est déchirant et humiliant ». Cela dépossède les parents  de leur fonction protectrice. En Cisjordanie, un enfant palestinien peut être arrêté et emprisonné à partir de l'âge de 12 ans selon l’UNICEF.

De la disparition des trois jeunes colons israéliens jusqu’à la découverte de leurs corps, l’armée israélienne a mené de larges opérations de recherche dans toute la Cisjordanie et arrêté près de 900 personnes selon les médias. Une semaine après avoir subi une incursion dans sa maison mise à sac, un jeune garçon de 14 ans a été arrêté, détenu et battu pendant toute une nuit. Selon Mélanie, « les individus sont ainsi broyés par la violence du système ». D’après les témoignages de ses patients, des colons israéliens ou des militaires font parfois irruption dans des écoles palestiniennes et s’adressent aux enfants comme s’ils étaient des adversaires à leur taille. « Les enfants qui subissent ce genre d’agressions décrivent qu’ils ressentent à la fois une peur immense et une excitation psychique intense. Ils sont débordés par des émotions qu’ils ne savent pas encore contrôler. Comment se construire quand on doit faire face à ça ? Leur psychisme est ‘croqué’par la violence », estime Mélanie.

Au-delà des humiliations, des mots et des menaces qui peuvent être proférés voire même répétés à la façon d’une litanie harcelante, les récits des patients suivis par MSF posent aussi la question de la manière dont la justice est appliquée. « La justice devrait être cette instance de régulation qui permet de sortir de la loi du Talion, estime Mélanie. Or ici la justice est prise dans cette logique ‘œil pour œil, dent pour dent’ ». Ainsi, alors que l’un de leur fils a été jugé et emprisonné pour un crime, une famille a subi plusieurs incursions de l’armée dans sa maison au cours desquelles il leur a été dit « de toute façon, vous devez être vous aussi punis du crime commis par votre fils ». Cette punition collective ajoutée à la décision de justice a un effet particulièrement déstabilisant, notamment au sein des fratries et sur les enfants, punis pour un acte dont ils ne sont pas responsables.

Dans un tel contexte, se projeter dans le futur est quasi impossible pour les jeunes Palestiniens. « Même si parents et enfants tiennent à s’investir à l’école ou à l’université, les jeunes vivent sans aucune perspective, la question du futur est vertigineuse et terriblement angoissante », conclut Mélanie.

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