Coronavirus au Yémen : « C'est un pays qui n'a pas les moyens de répondre à cette épidémie »

Access to HealthCare in Saada and Amran governorates
Vue sur la ville de Sanaa, Yemen. Mars 2018. © Agnes Varraine-Leca/MSF

À Sanaa, comme dans le reste du Yémen, le personnel soignant a déserté les hôpitaux et le matériel fait cruellement défaut face à l'épidémie de Covid-19. Dans la capitale, Médecins Sans Frontières (MSF) soutient le ministère de la Santé dans la gestion du principal centre de traitement du coronavirus et prévoit d’étendre ses activités dans les semaines à venir. Mais les moyens manquent toujours.

 « Il y a ici un étrange mélange de peur et de déni à propos du virus, déclare Claire HaDuong, chef de mission de MSF au Yémen. Les gens n’ont pas voulu accepter la possibilité qu’il puisse toucher le pays ou qu’il circule déjà. Et dès le premier cas, cela a semé la panique. C'est un pays qui n'a pas les moyens de répondre à cette épidémie, donc la peur de la population est tout à fait compréhensible. »
 

MSF fait le maximum pour maintenir ses programmes de santé réguliers tout en répondant à l'épidémie de Covid-19. Faire venir du personnel et importer le matériel nécessaire dans le pays restent difficile et les besoins sont trop importants pour que l’organisation puisse y répondre seule. « Nous ne pouvons pas faire face à cette crise tous seuls, déclare Claire HaDuong. Les Nations unies et les autres États donateurs doivent trouver les moyens d'intensifier la riposte de toute urgence. Les autorités locales doivent faciliter le travail d'organisations internationales comme MSF pour répondre au virus, en garantissant l'entrée de matériel médical et du personnel international pour renforcer les équipes sur le terrain. »

Un système de santé dévasté

« Cinq ans de combats ont provoqué l'effondrement du système de santé yéménite, poursuit Claire HaDuong. La Covid-19 achève cette déliquescence, de nombreux hôpitaux ferment par peur du virus ou par manque de personnel et d'équipement. Beaucoup de gens mourront du coronavirus, mais nous craignons que beaucoup d'autres ne meurent par manque de soins de santé basiques, alors que ces décès seraient facilement évitables. »

Il est désormais évident que le coronavirus circule largement à travers tout le pays. Les 15 lits de l'unité de soins intensifs de Sanaa ont été largement occupés au cours des quatre dernières semaines, et le personnel soignant a enregistré un taux de mortalité élevé. Les équipes ont traité des centaines de patients présentant des symptômes respiratoires dans chacun de nos centres Covid-19 à Sanaa et Aden. D'autres centres gérés ou soutenus par MSF ailleurs au Yémen, à Hajjah, Khamer, Ibb, Haydan et Hodeidah, ont également reçu des patients, mais moins nombreux.

Une prise en charge tardive

« Je travaille dans des unités de soins intensifs depuis plus de 14 ans mais ce qui est nouveau pour moi, c'est la façon dramatique dont les gens meurent ici, explique le Dr Jahlan. Ils entrent en salle d'urgence en marchant, mais sont déjà en manque critique d'oxygène et meurent en un temps record. C'est choquant. »

Par peur du virus, les gens tardent à se rendre à l'hôpital. Il est souvent trop tard et donc extrêmement difficile de les sauver. Le Dr Jahlan sait parfaitement ce que ressentent les patients : après des semaines de travail dans le centre de traitement auprès de personnes gravement malades, il a lui-même contracté le virus. « Je pense que ce fut la période la plus difficile de ma vie, déclare-t-il. Je sentais que j'étais à bout de souffle, j’avais peur de mourir, j'avais énormément de fièvre. » Au début, sa femme s'occupait de lui, mais elle aussi est tombée malade.  

Le Dr Jahlan, désormais guéri, se prépare à reprendre le travail. « Beaucoup de mes amis et collègues ont été choqués que je retourne travailler au centre de traitement de la Covid-19, poursuit-il. Ils m'ont demandé si j’étais fou. Je leur ai répondu que j’étais plus motivé que jamais, car après avoir été malade, je sais maintenant combien ces patients souffrent et à quel point ils ont besoin de nous. »

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